Au procès du 13-Novembre, l'accusé qui n'a pas vu la radicalisation

«Quelle est votre pratique de la religion?», demande le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès. «Normale», dit l'accusé. (AFP)
«Quelle est votre pratique de la religion?», demande le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès. «Normale», dit l'accusé. (AFP)
Short Url
Publié le Samedi 12 février 2022

Au procès du 13-Novembre, l'accusé qui n'a pas vu la radicalisation

  • Peu d'éléments dans le dossier permettent de penser qu'il est lui même radicalisé, la cour passe rapidement à l'examen du basculement de son ami Ibrahim El Bakraoui
  • Ibrahim El Bakraoui se serait radicalisé en prison, au contact de son cousin et futur commanditaire des attentats, Oussama Atar

PARIS : "On se sent bête, voilà". Il était l'un des très proches d'Ibrahim El Bakraoui, un de les logisticiens en chef des attentats parisiens et futur kamikaze à Bruxelles. Au procès du 13-Novembre, l'accusé Ali El Haddad Asufi a assuré n'avoir rien vu de la radicalisation de son ami.

On reproche notamment au Belgo-marocain de 37 ans d'avoir chercher à se procurer des armes aux Pays-Bas en octobre 2015, avec Ibrahim El Bakraoui, mais cette question sera abordée plus tard.

"Quelle est votre pratique de la religion?", demande le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès. "Normale", dit l'accusé. 

"Que pensez de l'Etat islamique ?, continue le magistrat. "J'en pense un peu la même chose que vous, c'est pas comme ça qu'on m'a éduqué", répond l'accusé.

Peu d'éléments dans le dossier permettent de penser qu'il est lui même radicalisé, la cour passe rapidement à l'examen du basculement de son ami Ibrahim El Bakraoui. Lui et son frère Khalid seront les logisticiens en chef des attentats parisiens en novembre 2015, avant de se faire exploser à Bruxelles en mars 2016.

Ibrahim El Bakraoui se serait radicalisé en prison, au contact de son cousin et futur commanditaire des attentats, Oussama Atar. 

A la sortie de détention de son ami fin 2014, Ali El Haddad a-t-il "constaté un changement" ?

"Pas trop, il ne voulait plus aller avec nous dans les clubs, mais on se disait que c'était peut-être financier. Il était plus mature, il voulait se marier, se ranger", répond l'accusé.

"Physiquement, il montrait rien. Il portait un pantalon classique, des chaussures vernies, pas de barbe. Qu'il fasse la prière ça m'inquiétait pas plus que ça", énumère encore Ali El Haddad, comme s'il essayait de se souvenir. "Il faisait des brushings et c'était chez une coiffeuse" (femme), précise-t-il.

«Refait le film»

Pendant les investigations pourtant, lui rappellent longuement la cour puis le ministère public, il s'était montré bien plus catégorique sur la radicalisation de son ami. 

Aux enquêteurs, il avait dit qu'El Bakraoui "était pour l'EI, qu'il voulait partir là bas, que c'est comme ça qu'il fallait vivre", note le président.

"Il venait de se faire exploser, ça aurait été indécent de dire qu'il était pas radicalisé", justifie-t-il. "J'ai refait le film".

En juin 2015, Ibrahim El Bakraoui prend un vol pour la Turquie, pour tenter d'entrer en Syrie. "Vous le saviez ?", demande le président.

Non, maintient l'accusé. Son ami, braqueur notoire, lui a dit qu'il se pensait recherché par la police. "Je me dis +il a retrouvé ses vieux travers, il fait un coup, il veut se planquer+".

"Vous êtes musulman, vous êtes un ami à lui, il ne vous aurait rien dit?", interroge, sceptique, une avocate des parties civiles.

"On l'a déjà entendu souvent ici", se défend Ali El Haddad. Avant lui d'autres accusés non-soupçonnés de radicalisation ont bataillé devant la cour pour jurer qu'ils n'avaient "rien vu" de la radicalisation de leurs copains de quartier en 2014-2015, notamment des frères Abdeslam.

"C'est bizarre de le dire aujourd'hui", tente encore l'accusé, "mais c'était un ami... Évidemment quand on voit ce qui s'est passé, bien sûr qu'on est trahi", poursuit-il. 

"On est entre le déni, la culpabilité, on se sent bête, voilà".

Ali El Haddad est le dernier des 14 accusés présents à être questionné, pour cette première phase d'interrogatoire ouverte mi-janvier. Deux de ses co-accusés ont choisi d'exercer leur droit au silence, disant avoir "perdu espoir".

L'un de ses avocats Jonathan De Taye lui demande si lui a encore "confiance dans la justice". 

"J'ai tout mon espoir en la cour. Ça fait cinq ans que je suis face à des gens qui veulent des coupables, que je ne suis pas écouté", répond-t-il. "Y'en a qui attendent rien de ce procès, moi j'en attends tout". 

L'audience reprendra mardi avec des auditions d'enquêteurs.


« Attentat terroriste » en France : un mort, le ministre de l'Intérieur blâme l'Algérie sur l'immigration

La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
La police scientifique française travaille sur le site d'une attaque au couteau où un homme est soupçonné d'avoir tué une personne et grièvement blessé deux policiers à Mulhouse, dans l'est de la France, le 22 février 2025. (Photo par SEBASTIEN BOZON / AFP)
Short Url
  • dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche.
  • Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

MULHOUSE, FRANCE : Samedi, dans l'est de la France, un homme de 37 ans, fiché pour risque de « terrorisme », a tué une personne et blessé au moins trois policiers à l'arme blanche. Selon le président Emmanuel Macron, il s'agit d'un « acte de terrorisme », tandis que le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a mis en cause la non-coopération de l'Algérie sur l'immigration.

Selon des témoignages concordants obtenus par l'AFP, l'assaillant a crié « Allah u Akbar » (« Dieu est le plus grand » en arabe) à plusieurs reprises samedi, lors de l'attaque menée dans la ville de Mulhouse, ainsi que lors de son interpellation par les forces de l'ordre.

Selon le parquet de Mulhouse, l'assaillant a agressé les victimes avec un couteau, blessant notamment un Portugais de 69 ans qui est décédé.

Deux policiers municipaux ont été grièvement blessés, l'un à la carotide et l'autre au thorax, a affirmé à l'AFP le procureur de Mulhouse Nicolas Heitz. Si le second a pu sortir de l'hôpital, le premier doit être transféré dimanche au centre hospitalier de Colmar, à environ 40 kilomètres de Mulhouse. Trois autres policiers municipaux auraient été plus légèrement atteints, a précisé le procureur.

En déplacement au Salon de l'agriculture à Paris, Emmanuel Macron a dénoncé un « acte de terrorisme islamiste » qui ne fait pas de doute.

Nicolas Heitz a déclaré que le suspect était inscrit au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.

Interrogé sur la chaîne TF1, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a indiqué que le suspect faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et accusé l'Algérie de l'avoir refusé à dix reprises.

« Une fois de plus, c'est le terrorisme islamiste qui a frappé. Et, une fois de plus, j'ajoute que ce sont les désordres migratoires qui sont aussi à l'origine de cet acte terroriste », a-t-il lancé.

Devant l'hôtel de police de Mulhouse, où il a rendu hommage au sang-froid des policiers, M. Retailleau a précisé que le suspect présentait également « un profil schizophrène » et que son acte présentait « une dimension psychiatrique ».

Selon des sources syndicales, le suspect était placé sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence.

Les faits se sont déroulés à 15 h 40 (14 h 40 GMT), près d'un marché très animé du quartier populaire.

L'homme a d'abord blessé grièvement des agents de stationnement, puis un sexagénaire portugais, mortellement atteint d'un coup de couteau.

« Nous ne savons pas s'il s'est trouvé par hasard sur son chemin ou s'il a fait un acte de bravoure en s'interposant », a indiqué le ministre.

L'assaillant a ensuite été poursuivi par des policiers municipaux qui sont parvenus à le maîtriser sans faire usage d'armes à feu.

À la nuit tombée, plusieurs membres de la police scientifique s'affairaient encore à la lueur d'un projecteur sur la dalle située à l'extérieur du marché couvert. Le périmètre était gardé par des militaires.

« Le fanatisme a encore frappé et nous sommes en deuil », a réagi le Premier ministre centriste François Bayrou, qui a adressé ses « félicitations aux forces de l'ordre pour leur intervention rapide ».

« L'horreur vient de saisir notre ville », a déploré la maire de Mulhouse, Michèle Lutz, sur Facebook.

En janvier, un homme de 32 ans avait blessé une personne au couteau dans un supermarché d'Apt, dans le sud de la France, en criant « Allah Akbar ». Il a été inculpé et écroué pour tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Fin janvier, le procureur antiterroriste, Olivier Christen, avait souligné que « l'absence d'actes terroristes mortels en France en 2024 ne reflète pas une diminution du risque terroriste », rappelant que neuf attentats ont été déjoués l'an dernier sur le territoire français.


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

Short Url
  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Short Url
  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.