LONDRES: La pandémie de Covid-19 et la chute des cours du pétrole qu'elle a entraînée a généré des pertes monumentales chez les géants pétroliers, forcés de se serrer la ceinture et notamment de freiner brutalement leurs activités d'exploration et de forage.
Avec la transition énergétique qui devrait plomber la demande d'or noir sur le long terme, c'est toute une industrie qui voit son avenir s'assombrir.
« L'exploration pétrolière a pris un gros coup cette année avec l'effondrement de la demande et des prix du pétrole en raison de la pandémie mondiale », résume Stephen Brennock, analyste de PVM.
En mer du Nord, les activités de forage ont été réduites de 70% au Royaume-Uni et de 30% en Norvège en comparaison avec les plans d'avant-crise, selon une étude du cabinet de recherche sur l'énergie Westwood publiée fin septembre.
L'américain ExxonMobil a déjà réduit de 30%, soit 10 milliards de dollars en moins, ses investissements et notamment ceux liés à l'exploration et au forage d'hydrocarbures. L'italien ENI, le britannique BP, le norvégien Equinor, et même le puissant groupe saoudien Aramco ont largement aussi réduit la voilure.
Les sous-traitants payent un lourd tribut, comme le groupe parapétrolier français CGG, une entreprise chargée d'évaluer les ressources du sous-sol, qui attend un chiffre d'affaires en baisse de 40% cette année.
Outre-Atlantique, plus d'une trentaine d'entreprises d'exploration et de production se sont déjà placées en dépôt de bilan aux Etats-Unis depuis le début de l'année selon le cabinet d'avocats texan Haynes & Boone. Si le prix du WTI restait bloqué durablement à 40 dollars, 150 autres pourraient les rejoindre d'ici 2022, estiment les analystes de Rystad Energy.
Question de survie
« Les marchés ne croient plus en l'avenir du pétrole », avance Bjarne Schieldrop, analyste de Seb. « Sans croissance possible (dans l'exploitation de l'or noir), que peut faire l'industrie ? », se demande-t-il avant de répondre : se concentrer sur la rentabilité en dépensant moins.
Plus optimiste, Raphaela Hein, analyste de JBC Energy, s'attend à ce qu' « en dehors des Etats-Unis, qui mettront davantage de temps, les programmes de forage dans toutes les grandes zones d'approvisionnement se reprennent et se rapprochent des niveaux d'avant crise l'année prochaine ».
« Dans le passé, nous avons vu que les réductions massives de dépenses dans les budgets des majors n'ont pas vraiment eu d'impact sur leur production à venir. Car chercher de nouveaux champs, même dans une moindre mesure, est une question de survie », assure-t-elle.
Mais la lutte contre le réchauffement climatique change la donne: le géant britannique des hydrocarbures BP, et d'autres, estiment dorénavant que la demande de pétrole dans le monde pourrait avoir déjà atteint son pic et ne plus cesser de décliner.
Selon Westwood, et malgré des virages opérés vers le développement d'énergies plus vertes, les feuilles de route des majors montrent toujours un appétit pour l'exploration, mais il se heurte à la reprise des prix du brut.
Les cours du Brent coté à Londres et du WTI échangé à New York se sont effondrés en mars et avril, et semblent comme bloqués dorénavant autour de 40 dollars le baril : un prix trop bas pour que de nombreux acteurs du secteur, notamment américains, atteignent la rentabilité.
Eldorado glacé
Pourtant, ça et là, des projets d'exploration émergent, comme en Arctique, qui serait susceptible de receler 13% des réserves de pétrole et 30% du gaz naturel non découvert dans le monde, une manne de plus en plus accessible grâce à la fonte accélérée des glaces.
Le russe Gazprom Neft et l'anglo-néerlandais Shell ont annoncé leur alliance en juillet pour explorer et exploiter la péninsule arctique.
Le gouvernement de Donald Trump a de son côté approuvé mi-août un programme ouvrant la voie à des forages d'hydrocarbures dans la plus grande zone naturelle protégée des Etats-Unis, en Alaska.
Le programme de forage concerne une zone côtière d'environ 70.000 kilomètres carrés - la taille de l'Irlande - longeant l'océan Arctique.
Pour Mme Hein, ces projets ne sont toutefois « pas économiquement viables et la crise actuelle rend leur réalisation encore plus improbable », même si « la volonté politique peut toujours l'emporter sur ces considérations ».