Deux ans d’impasse en Syrie: une solution militaire «illusoire»

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 45 000 civils ont été déplacés en raison des affrontements et des frappes aériennes de représailles de la coalition mondiale dirigée par les États-Unis pour soutenir les Forces démocratiques syriennes sur le terrain. (Photo, Reuters)
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 45 000 civils ont été déplacés en raison des affrontements et des frappes aériennes de représailles de la coalition mondiale dirigée par les États-Unis pour soutenir les Forces démocratiques syriennes sur le terrain. (Photo, Reuters)
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Publié le Vendredi 28 janvier 2022

Deux ans d’impasse en Syrie: une solution militaire «illusoire»

  • Geir Pedersen a déclaré au Conseil de sécurité que la tragédie humanitaire dans le pays «ne fait que s’aggraver», 14 millions de personnes ayant besoin d’aide pour survivre à un hiver rude
  • L’ambassadrice des États-Unis a affirmé que son pays était mécontent de l’impasse dans laquelle se trouve le Comité constitutionnel syrien et déçu du «manque de volonté» du régime Assad à faire des progrès

NEW YORK: L’impasse stratégique en Syrie indique clairement qu’aucune faction belligérante n’est susceptible d’avoir une influence décisive sur l’issue du conflit qui dure depuis dix ans. L’idée d’une solution militaire est donc «illusoire», a déclaré jeudi l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie au Conseil de sécurité.

«Malgré la poursuite des violences et des souffrances, aucun changement ne s’est produit sur les lignes de front depuis près de deux ans», a affirmé Geir Pedersen.

«Il est évident qu’aucun acteur ou groupe d’acteurs ne peut déterminer la trajectoire ou l’issue de ce conflit et, effectivement, la solution militaire demeure illusoire.»

L’envoyé a évoqué la situation sécuritaire précaire dans plusieurs régions du pays où «les Syriens continuent de souffrir profondément.»

Il a précisé que les violences se poursuivaient sans relâche, notamment les frappes aériennes sur Idlib qui tuent des civils et endommagent des infrastructures, les bombardements mutuels sur les lignes de front, les hostilités dans le nord-est, les attaques aux engins explosifs improvisées dans le nord et les frappes israéliennes sur le port commercial principal de Lattaquié. Des incidents sécuritaires impliquant le trafic de drogue et des attaques de Daech ont également eu lieu dans le nord-est et le centre de la Syrie, a-t-il ajouté.

Sur le plan humanitaire, M. Pedersen a souligné que la tragédie du peuple syrien «ne fait que s’aggraver», exacerbée par les températures hivernales glaciales.

«Quatorze millions de civils ont aujourd’hui besoin d’aide humanitaire», a-t-il mentionné, avant de poursuivre: «Plus de douze millions de personnes sont déplacées alors que des dizaines de milliers sont détenues, enlevées ou portées disparues. L’économie de la Syrie s’est effondrée, et la criminalité et la contrebande sont florissantes. De même, on rapporte que les jeunes cherchent à quitter le pays par tous les moyens, devenant parfois la proie de trafiquants et de chefs de guerre.»

«L’éducation est fragmentée et gravement détériorée, tout comme les institutions et les infrastructures dans leur ensemble. Le pays reste divisé de facto et la société est profondément fracturée. Les Syriens ne voient aucun progrès concret vers une solution politique.»

Dans ce contexte, l’envoyé norvégien a informé les quinze membres du Conseil de sécurité de ses efforts les plus récents pour faire avancer le processus diplomatique. Il les a mis au courant des réunions qu’il a tenues ces dernières semaines avec des responsables d’Allemagne, d’Iran, de Russie, de Turquie, du Qatar et du Royaume-Uni pour discuter du statut du Comité constitutionnel syrien, dont la dernière réunion a eu lieu en octobre 2021.

En décembre, l’adjointe de M. Pedersen, Khawla Mattar, originaire de Bahreïn, a participé à une réunion de «format Astana» au Kazakhstan, où elle a rencontré de hauts responsables de Russie, de Turquie, d’Iran, du gouvernement syrien et de l’opposition.

Elle s’est également entretenue avec des représentants du Groupe de travail sur la libération des détenus et personnes enlevées, ainsi que la remise des corps et l’identification des personnes disparues. Selon M. Pedersen, de bonnes propositions ont émané de cette réunion, «mais ce qui est absolument nécessaire, c’est que ces idées soient mises en œuvre maintenant, et nous exhortons toutes les parties prenantes à agir».

M. Pedersen a mentionné qu’il avait également tenu une série de réunions bilatérales avec des responsables de Russie, de l’UE, de Turquie, du Qatar, de la Ligue arabe, de l’Allemagne, de France, d’Italie, du Royaume-Uni et des États-Unis. Il a décrit ces consultations comme un «processus continu qui exigera de s’adresser aux interlocuteurs à plusieurs reprises au fil du temps».

«Ma question à tous les interlocuteurs est la même: pouvez-vous identifier non seulement ce que vous exigez mais aussi ce que vous êtes prêts à mettre sur la table en échange de mesures de l’autre partie?», a-t-il ajouté.

L’envoyé a révélé qu’il était à la recherche «d’idées nouvelles venant de tous les horizons et susceptibles de déboucher sur des actions» concernant des questions telles que les détenus et les personnes disparues; le retour sûr et «volontaire» des réfugiés; la restauration d’une économie qui s’est «effondrée après plus d’une décennie de guerre, de corruption et de mauvaise gestion»; l’instauration du calme dans toute la Syrie; la coopération dans la lutte contre le terrorisme; et des réflexions sur la crise financière au Liban voisin.

M. Pedersen a par ailleurs mis en lumière le sort des civils détenus dans la prison d’Al-Ghuwayran à Hassaké, dans le nord-est de la Syrie, où des centaines d’insurgés de Daech ont tenté de s’évader la semaine dernière, faisant au moins 300 morts parmi les détenus.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, plus de 45 000 civils ont été déplacés par les affrontements qui ont suivi et par les frappes aériennes de représailles de la coalition mondiale dirigée par les États-Unis pour soutenir les Forces démocratiques syriennes sur le terrain.

Fionnuala Ni Aolain, experte en droits de l’homme de l’ONU, a fait part de sa vive inquiétude quant au bien-être de plus de 700 enfants détenus dans la prison.

Elle a constaté que des garçons âgés d’à peine douze ans «vivent dans la crainte de perdre la vie à cause du chaos et du carnage qui règnent dans la prison, et sont tragiquement négligés par leur propre pays sans avoir commis de faute, à part le fait qu’ils sont nés de personnes prétendument liées ou associées à des groupes terroristes désignés.»

«L’Unicef a attiré l’attention sur des informations selon lesquelles des membres de Daech se planquent dans des dortoirs pour mineurs, mettant ainsi en danger des centaines d’enfants en détention», a signalé M. Pedersen.

«Cet épisode nous rappelle les terribles souvenirs des évasions de prison qui ont alimenté la montée initiale de Daech en 2014 et 2015.»

«J’y vois un message clair pour nous tous sur l’importance de s’unir pour lutter contre la menace des groupes terroristes à vocation internationale et pour résoudre le conflit plus large dans lequel le terrorisme prospère inévitablement.»

L’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a quant à elle souligné que la situation actuelle à Hassaké était «un rappel brutal» que Daech «représente toujours une menace réelle».

En outre, elle a réitéré le soutien de son pays au processus diplomatique en Syrie et a déploré les «commentaires peu constructifs» de certains États concernant les efforts de M. Pedersen pour faire avancer le dialogue.

Elle a pointé du doigt le ministre syrien des Affaires étrangères, Faisal Mekdad, en citant sa déclaration publique dans laquelle il affirme: «Le modèle progressif de M. Pedersen en vue de résoudre la crise en Syrie est inacceptable pour nous.»

Mme Thomas-Greenfield a ajouté que son pays partageait le mécontentement de M. Pedersen face à l’absence de progrès de la part du Comité constitutionnel syrien, et a exprimé sa déception «face au manque de volonté des acteurs du régime Assad de progresser dans ce sens». 

L’ambassadeur Mohammed Abushabab, représentant permanent adjoint des Émirats arabes unis auprès des Nations unies, a exprimé son soutien aux efforts de M. Pedersen et a déclaré au Conseil que la vision de son pays d’une solution pacifique en Syrie impliquait «l’ouverture de canaux de communication et la construction de ponts, la création d’opportunités pour soutenir et revigorer le Comité constitutionnel et la fin de l’ingérence étrangère».

«La création d’un environnement approprié pour parvenir à la paix et à la stabilité en Syrie nécessite la fin de l’ingérence étrangère dans les affaires syriennes. Nous soulignons ici l’importance de préserver l’unité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne», a-t-il ajouté.

«Dans ce contexte, les Émirats soutiennent l’appel du secrétaire général de l’ONU et de l’envoyé spécial pour la Syrie à parvenir à un cessez-le-feu immédiat dans tout le pays, et nous insistons sur l’importance de le maintenir.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: Netanyahu promet qu'Israël entrera dans Rafah, «avec ou sans accord» de trêve avec le Hamas

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis de remporter une « victoire totale » dans la guerre (Photo, Reuters).
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis de remporter une « victoire totale » dans la guerre (Photo, Reuters).
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  • «L'idée que nous allons arrêter la guerre avant d'avoir atteint tous nos objectifs est hors de question»
  • «Nous allons entrer dans Rafah et y éliminer les bataillons du Hamas, avec ou sans accord»

JÉRUSALEM: Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a promis mardi que l'armée israélienne entrerait dans Rafah, localité du sud de la bande de Gaza, qu'un accord de trêve pressenti soit conclu ou non avec le mouvement islamiste palestinien Hamas.

"L'idée que nous allons arrêter la guerre avant d'avoir atteint tous nos objectifs est hors de question. Nous allons entrer dans Rafah et y éliminer les bataillons du Hamas, avec ou sans accord (de trêve), afin d'obtenir une victoire totale", a déclaré M. Netanyahu, cité dans un communiqué publié par son cabinet, à des représentants de familles d'otages à 


Selon David Cameron, le Hamas doit accepter l’accord de trêve et être exclu de la direction de Gaza  

Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a exhorté lundi le Hamas à accepter une offre de cessez-le-feu de quarante jours et la libération «potentielle de milliers» de prisonniers palestiniens en échange de la remise en liberté des otages israéliens. (Forum économique mondial)
Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a exhorté lundi le Hamas à accepter une offre de cessez-le-feu de quarante jours et la libération «potentielle de milliers» de prisonniers palestiniens en échange de la remise en liberté des otages israéliens. (Forum économique mondial)
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  • Une délégation du Hamas est attendue lundi en Égypte, où elle devrait répondre à la dernière proposition de trêve à Gaza et de libération des otages
  • «Le monde ne connaîtra pas la tranquillité sans une paix permanente à Gaza. Je vous le dis très franchement», a affirmé le Premier ministre pakistanais

RIYAD: Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, a exhorté lundi le Hamas à accepter une offre de cessez-le-feu de quarante jours et la libération «potentielle de milliers» de prisonniers palestiniens en échange de la remise en liberté des otages israéliens.

S’exprimant lors d’une réunion spéciale du Forum économique mondial à Riyad, l’ancien Premier ministre britannique a déclaré que le groupe militant palestinien avait reçu «une offre très généreuse de cessez-le-feu soutenu de quarante jours, ainsi que la libération de milliers de prisonniers palestiniens potentiels, en échange de la libération de ces otages».

Une délégation du Hamas est attendue lundi en Égypte, où elle devrait répondre à la dernière proposition de trêve à Gaza et de libération des otages, dans le cadre d’une guerre qui dure dans l’enclave depuis sept mois environ et qui a éclaté après que des militants ont tué près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël le 7 octobre.

«J’espère que les dirigeants du Hamas accepteront cet accord. À vrai dire, tous les regards devraient être rivés sur eux aujourd’hui et toute la pression mondiale exercée pour leur demander d’accepter cet accord», a soutenu M. Cameron. Ce dernier a jouté que la proposition conduirait à «l’arrêt des combats, tant souhaité par nous tous».

L’Égypte, le Qatar et les États-Unis tentent depuis des mois de négocier un accord entre Israël et le Hamas, mais, ces derniers jours, une certaine effervescence diplomatique semble suggérer un nouvel élan vers l’arrêt des hostilités.

Le ministre britannique des Affaires étrangères a déclaré qu’un changement radical de mentalité était nécessaire, tant du côté israélien que palestinien, pour que l’État palestinien puisse voir le jour.

Pour que naisse un «horizon politique en faveur d’une solution à deux États», avec une Palestine indépendante coexistant avec Israël, «les responsables du 7 octobre et la direction du Hamas devront quitter Gaza et il faudra démanteler les infrastructures du groupe terroriste à Gaza», a-t-il indiqué.

«Il faudrait garantir un avenir politique pour le peuple palestinien, mais assurer à tout prix également la sécurité d’Israël. Ces deux objectifs doivent aller de pair», a-t-il ajouté.

Le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, qui a rejoint Cameron au sein du panel, a évoqué ce que les décideurs politiques devaient faire pour dynamiser la croissance mondiale. Il est même allé plus loin et a déclaré que, sans paix, le monde ne pourrait se concentrer sur le développement économique.

«Je tiens à être très clair: le monde ne connaîtra pas la tranquillité sans une paix permanente à Gaza. Je vous le dis très franchement», a-t-il insisté.

M. Sharif a précisé que le conflit entre la Russie et l’Ukraine avait déjà mis en garde contre l’incidence du conflit sur la croissance. Selon lui, cette guerre a provoqué une montée en flèche des prix des produits de première nécessité, exacerbé l’inflation et entraîné des répercussions sur les importations ainsi que sur les exportations de produits alimentaires et de matières premières.

Le ministre saoudien de l’Économie et de la Planification, Faisal Alibrahim, a fait écho aux propos du dirigeant pakistanais. Il a fait savoir que les niveaux de croissance économique actuels étaient inférieurs à ceux qui étaient souhaités. Il a ajouté qu’une productivité accrue et une collaboration mondiale étaient indispensables pour améliorer la situation.

«La productivité doit augmenter. Nous devons nous concentrer sur les outils et sur les interventions qui nous aideront à accroître notre productivité», a-t-il souligné.

«Ensuite, la question est de savoir si nous préférons la collaboration ou la fragmentation. Un monde plus fragmenté est un monde à faible croissance et la fragmentation entraîne des coûts élevés. Sans collaboration, nous ne pouvons atteindre des taux de croissance plus élevés pour l’économie mondiale.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Blinken se rend en Jordanie pour discuter de l'aide humanitaire à Gaza

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken salue alors qu'il monte à bord d'un avion alors qu'il part pour la Jordanie dans le cadre de la dernière opération diplomatique à Gaza, dans la capitale saoudienne Riyad (Photo, AFP).
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken salue alors qu'il monte à bord d'un avion alors qu'il part pour la Jordanie dans le cadre de la dernière opération diplomatique à Gaza, dans la capitale saoudienne Riyad (Photo, AFP).
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  • En Jordanie, le chef de la diplomatie américaine doit rencontrer le roi Abdallah II et son homologue jordanien, Ayman Safadi
  • Malgré des critiques à l'étranger et la colère grandissante sur les campus universitaires américains, l'administration du président Joe Biden soutient Israël dans sa campagne contre le Hamas

RIYAD: Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, se rend mardi en Jordanie pour discuter des moyens d'accroître l'aide humanitaire à la bande de Gaza, et remercier discrètement le royaume pour son aide lors de l'attaque iranienne sans précédent contre Israël à la mi-avril.

M. Blinken s'est envolé dans la matinée pour Amman après s'être entretenu avec les dirigeants des pays arabes du Golfe à Ryad, en Arabie saoudite, dans le cadre de sa septième tournée dans la région depuis le début de la guerre le 7 octobre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas.

En Jordanie, le chef de la diplomatie américaine doit rencontrer le roi Abdallah II et son homologue jordanien, Ayman Safadi, ainsi que Sigrid Kaag, la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour la bande de Gaza.

M. Blinken se rendra ensuite en Israël où il abordera les négociations en cours visant à instaurer une trêve dans la bande de Gaza et obtenir une libération des otages qui y sont retenus depuis le 7 octobre.

Colère grandissante  

Malgré des critiques à l'étranger et la colère grandissante sur les campus universitaires américains, l'administration du président Joe Biden soutient Israël dans sa campagne contre le Hamas, tout en exhortant son proche allié à faire plus pour protéger les civils.

"Le président Biden a insisté pour qu'Israël prenne des mesures spécifiques, concrètes et mesurables, afin de mieux répondre aux souffrances humanitaires, aux dommages causés aux civils et à la sécurité des travailleurs humanitaires à Gaza", a affirmé M. Blinken à ses homologues du Golfe à Ryad.

"Nous avons constaté des progrès mesurables au cours des dernières semaines, notamment l'ouverture de nouveaux points de passage, une augmentation du volume des livraisons d'aide vers Gaza et à l'intérieur de Gaza, et la construction du couloir maritime américain, qui sera ouvert dans les semaines à venir", a-t-il déclaré.