PARIS : Marie Trintignant aurait eu 60 ans le 21 janvier. Dix-huit ans après sa mort sous les coups du chanteur Bertrand Cantat, sa mère Nadine lui rend hommage dans un documentaire poignant sur Arte.
Dès les premières images, le film -diffusé en direct le 26 janvier sur la chaîne et entre le 19 janvier et le 25 avril en ligne - évoque la fin tragique de l'actrice.
«Je ne voudrais pas qu'elle vieillisse (...). Je crois qu'elle ne devrait jamais mourir «, lance son père Jean-Louis, monstre sacré du cinéma, en regardant la caméra.
«Mais je vais mourir et vieillir», affirme Marie, souriante.
«Hélas Marie non, tu n'as pas eu le temps de vieillir», rétorque Nadine en voix off. Elle s'adresse à son enfant comme dans une lettre d'amour: «Comme tant de femmes battues, tu as reçu un premier coup. Quand tu as voulu quitter cet homme, il s'est acharné à te détruire, à gommer ton si beau visage, à t'arracher à la vie».
La réalisatrice âgée de 87 ans n'a jamais plus filmé après la disparition de sa fille. «Je le regrette aujourd'hui», confie-t-elle, «j’adorais faire du cinéma».
«Les cinq derniers films que j’ai fait, je les avais écrits et tournés avec Marie», raconte-t-elle. Après, «j'ai dit, je ne vais faire qu'écrire, je ne vais pas tourner».
Son documentaire se consacre presque exclusivement à la carrière de sa fille, commencée de façon fracassante à 17 ans dans «Série Noire» d'Alain Corneau, son beau-père, aux côtés de Patrick Dewaere.
Nadine Trintignant explique qu'elle ne voulait pas qu'on garde pour seule image de sa fille celle d'une femme battue, morte à 41 ans à Vilnius (Lituanie) en août 2003.
- «Je ne pardonnerai jamais» -
«C'est un documentaire très joyeux et uniquement sur la profession, parce qu'elle ne voulait pas d’intrusions dans sa vie privée», décrit-elle. Les quatre fils de Marie, nés de quatre pères différents, sont d'ailleurs à peine évoqués.
On y voit en revanche beaucoup de réalisateurs, d'acteurs comme Guillaume Depardieu, lui aussi disparu, avec qui Marie a tourné trois films, dont «Comme elle respire». Il lance qu'«elle n'est pas chiante comme toutes les autres comédiennes et qu'en plus elle sent bon».
Faire ce documentaire «m’a apporté de voir Marie rieuse», raconte Nadine. «Je ne l’avais pas vue depuis très longtemps, même en film».
La réalisatrice aborde aussi la mort de sa fille Pauline à seulement neuf mois quand Marie avait huit ans. «Tu aimais la prendre dans tes bras, tu aimais rire avec elle. Et puis un jour sombre à Rome, impossible de te dire, ta soeur est morte», dit-elle, en voix off.
«Je mettrais longtemps à comprendre que dans un couple, quand on perd un enfant, on n'attend plus grand chose de la vie», écrit Nadine dans un livre consacré à son premier époux, Jean-Louis, intitulé «C'est pour la vie ou pour un moment», paru en novembre 2021.
Mais, elle l'assure: «on peut vivre avec une plaie ouverte.»
Elle ne veut pas entendre parler de Bertrand Cantat, le chanteur de Noir Désir, condamné à huit ans de prison en Lituanie en 2003 pour avoir porté des coups mortels à Marie, et remis en liberté en 2007.
Contacté par l'AFP, Universal (qui possède le catalogue de Noir Désir et avait sorti «Amor Fati», album solo de Cantat en 2017 dont les dernières dates de concerts avaient été annulées) a refusé de commenter.
«Il n'est pas question pour moi de lui pardonner. Le vrai pardon, c'est l’oubli de ce que l’on vous a fait de mal. Je n'oublierai jamais, je ne peux pas, donc je ne pardonnerai jamais», affirme Nadine Trintignant.
«Je n’avais jamais haï personne de ma vie, je ne connaissais pas la haine. Et la haine est quelque chose d’atroce à ressentir, qui vous détruit, qui vous fait mal. Maintenant je la connais».