L'Arménie a annoncé jeudi qu'elle lèverait à partir du 1er janvier son embargo sur les produits turcs en vigueur depuis un an, un nouveau geste en faveur de la normalisation de ses relations historiquement tendues avec Ankara.
Ces rapports sont crispés en raison de la non-reconnaissance par la Turquie du génocide des Arméniens sous l'Empire ottoman et, plus récemment, de son soutien à l'Azerbaïdjan pendant une guerre contre l'Arménie l'an dernier.
Mais après des années de tensions, les deux pays, dont la frontière commune est fermée depuis presque trois décennies, ont multiplié ces dernières semaines les gestes d'apaisement, le dernier en date étant l'annonce de la levée de l'embargo.
"Il a été décidé de ne pas prolonger l'embargo sur l'importation des produits turcs dans notre pays", une mesure qui arrive à expiration vendredi, a déclaré jeudi le ministère arménien de l'Économie dans un communiqué.
"Nous espérons (...) qu'en vertu du principe de réciprocité, des conditions favorables seront mises en place pour permettre l'exportation des produits arméniens" en Turquie, a-t-il ajouté.
Autres signes d'apaisement ayant précédé cette annonce, des compagnies aériennes turques et arméniennes avaient déposé des demandes d'autorisation pour des vols charters et, surtout, Ankara et Erevan avaient nommé, mi-décembre, des émissaires pour normaliser leurs relations.
Le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a déclaré jeudi que ces deux envoyés se rencontreraient vraisemblablement en janvier à Moscou, donc en terrain neutre, la Russie ayant de bons rapports avec à la fois la Turquie et l'Arménie.
"Cette première réunion sera importante", a souligné M. Cavusoglu dans une interview télévisée, estimant que les efforts de l'Arménie pour améliorer ses rapports avec son pays étaient la preuve de ses "bonnes intentions".
Il a toutefois relativisé l'importance de la fin de l'embargo arménien, estimant que celui-ci n'était "de toute façon pas appliqué".
Pour Hakob Badalyan, un politologue arménien, cette annonce d'Erevan est surtout un geste symbolique de bonne volonté avant la première réunion des deux émissaires et le début des négociations.
"L'Arménie veut créer une atmosphère propice au dialogue", a-t-il déclaré à l'AFP.
L'embargo d'Erevan sur les produits turcs a été mis en place le 1er janvier 2021 pour punir Ankara de son soutien à l'Azerbaïdjan dans la guerre qui l'a opposé à l'Arménie au Nagorny-Karabakh, à l'automne 2020.
Ce conflit, qui a fait plus de 6.500 morts, s'est soldé par une lourde défaite de l'Arménie, contrainte de céder à Bakou plusieurs régions formant un glacis autour du Nagorny-Karabakh, un territoire en majorité peuplé d'Arméniens et ayant fait sécession de l'Azerbaïdjan à la chute de l'URSS, il y a trente ans.
Au cours de la guerre de l'an dernier, la Turquie a notamment fourni des drones armés à l'Azerbaïdjan.
Des observateurs s'interrogent toutefois sur les chances d'une normalisation à court terme des relations entre la Turquie et l'Arménie, des voisins aux contentieux anciens et qui n'ont jamais établi officiellement de relations diplomatiques.
Ces deux pays avaient déjà signé, en 2009, un accord visant à normaliser leurs rapports. Censé aboutir à l'ouverture de leur frontière commune, le document n'a jamais été ratifié par Erevan qui a abandonné la procédure en 2018.
Le principal obstacle qui se dresse entre eux reste le refus d'Ankara de reconnaître comme étant un génocide les massacres d'Arméniens par l'Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale.
De nombreux historiens qualifient ces tueries de génocide, reconnu en tant que tel par les gouvernements ou les parlements de nombreux pays, dont les États-Unis, la France et l'Allemagne. Le nombre des Arméniens ayant alors trouvé la mort est évalué à entre 600.000 et 1,5 million.
Mais la Turquie, issue du démantèlement de l'Empire ottoman en 1920, récuse ce terme et évoque une guerre civile, doublée d'une famine, dans laquelle 300.000 à 500.000 Arméniens et autant de Turcs ont péri.