VIENNE: L'Iran a exigé lundi que les puissances mondiales l'autorisent à vendre du pétrole sur les marchés internationaux afin de reconstituer ses réserves en devises étrangères qui s'amenuisent, alors que les négociations ont repris à Vienne pour relancer l'accord de 2015 visant à limiter le programme nucléaire de Téhéran.
Les pourparlers indirects entre l'Iran et les États-Unis ont également repris. Téhéran ne se concentre que sur l'une des parties de l'accord initial, à savoir la levée des sanctions à son encontre, en dépit des légers progrès réalisés quant à la limitation de ses activités atomiques.
Les ventes de pétrole iranien se sont effondrées, passant d'environ 2,8 millions de barils par jour à seulement 200 000 depuis 2018, depuis que les États-Unis se sont retirés de l'accord de 2015, que le Plan d’action global commun (PAGC) a été établi et que Donald Trump a réimposé des sanctions économiques paralysantes. Tout pays ou entreprise faisant des affaires avec l'Iran risque d'être gelé(e) du système financier international.
Depuis le retrait des États-Unis, l'Iran a augmenté l'enrichissement de l'uranium fissile à des niveaux interdits par l'accord. L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'organisme de surveillance nucléaire des Nations unies, a fait part de ses préoccupations concernant le stock croissant d'uranium hautement enrichi de l'Iran.
Le septième cycle de négociations visant à sauver le PAGC a repris fin novembre, après une interruption de cinq mois qui a suivi l'élection du président iranien ultraconservateur Ebrahim Raisi. Ce cycle s’est achevé depuis dix jours après que de nouvelles exigences iraniennes ont été ajoutées à un texte de travail. Les puissances occidentales ont jugé les progrès trop lents et ont précisé qu'il restait aux négociateurs «des semaines et non des mois» avant que l'accord de 2015 ne devienne totalement insignifiant.
La demande iranienne
Le huitième cycle de négociations, qui a commencé lundi, implique des délégations de l'Iran et des autres pays toujours parties à l'accord historique, à savoir le Royaume-Uni, la Chine, la France, l'Allemagne et la Russie.
Avant de reprendre les pourparlers, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a indiqué que «la question des garanties et de la vérification» de la levée des sanctions américaines devait être à l’ordre du jour.
«Le plus important pour nous est de pouvoir nous assurer que le pétrole iranien sera vendu facilement et sans aucune limite», a-t-il dit lundi.
«L'argent du pétrole doit être déposé en devises étrangères dans les banques iraniennes, afin que nous puissions bénéficier de tous les avantages économiques stipulés dans le PAGC.»
«Aujourd'hui, il y a un document conjoint valable sur la table des négociations (les documents du 1er et du 15 décembre). Nos discussions vont ainsi commencer sur la base de ce document conjoint. Les garanties et la vérification feront partie des questions à l'ordre du jour.»
Les deux projets de texte de l'Iran, soumis lors de précédents pourparlers, ont été intégrés dans un projet élaboré en juin après six cycles de négociations entre l'équipe iranienne précédente et les grandes puissances.
Le temps presse
Washington participe aux négociations de façon indirecte, avec des diplomates qui font le va-et-vient entre le côté iranien et le côté américain.
L’Iran a constaté que les pourparlers avançaient, mais les diplomates européens ont signalé que «les progrès s’estompaient rapidement.»
Selon le négociateur américain Rob Malley, il ne reste que «quelques semaines» pour relancer l'accord, si l'Iran poursuit ses activités nucléaires au rythme actuel.
Le diplomate de l’UE Enrique Mora, qui préside les discussions, a déclaré que toutes les parties faisaient preuve d'une «volonté claire d’œuvrer pour la réussite de ces négociations.»
«Si nous travaillons dur dans les jours et les semaines à venir, nous devons aboutir à un résultat positif… Ce sera très compliqué. Des décisions politiques difficiles doivent être prises aussi bien à Téhéran qu’à Washington», a révélé le coordinateur des pourparlers lors d’une conférence de presse.
Il a pris la parole après que la réunion des parties toujours à l'accord (Iran, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne et Union européenne) a donné le coup d'envoi officiel du cycle de négociations lundi soir.
«Il faudrait que ces négociations s’achèvent dans un délai relativement raisonnable. Encore une fois, je n’imposerais pas de limites, mais il s’agirait de semaines, et non pas de mois», a déclaré Mora.
«Non à un Iran nucléaire»
Le grand rival de l'Iran, Israël, qui s'oppose fermement à l'accord nucléaire, aurait averti en novembre que la République islamique avait pris les mesures techniques nécessaires pour se préparer à enrichir de l'uranium à des niveaux de qualité militaire d'environ 90 %.
«Arrêter le programme nucléaire de l’Iran est le premier défi pour la politique sécuritaire et extérieure d'Israël», a dit lundi le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid.
«Nous préférons agir à travers la coopération internationale, mais nous nous défendrons par nous-mêmes si nécessaire.»
Samedi, le directeur de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, Mohammad Eslami, a indiqué que son pays n'avait pas l'intention d'enrichir de l'uranium au-delà de 60%, même si les pourparlers de Vienne échouent.
Eslami a précisé que les niveaux d’enrichissement étaient relatifs aux besoins du pays, a rapporté l'agence de presse russe RIA Novosti.
Mora a annoncé qu'il avait décidé de reprendre les discussions entre Noël et le nouvel an afin de ne pas perdre de temps, mais il a ajouté que les discussions seraient interrompues pendant trois jours à partir de vendredi «parce qu’il n’y aura pas d’installations», faisant référence à l'hôtel de luxe au sein duquel se déroulent la plupart des réunions. Les négociations devraient donc reprendre lundi prochain.
L'ambassadeur de Moscou à l'ONU à Vienne, Mikhaïl Oulianov, a écrit sur Twitter que les négociateurs avaient eu «des discussions professionnelles axées sur les résultats.»
«Ils se sont surtout mis d’accord pour intensifier le processus de rédaction afin de parvenir à un accord le plus tôt possible», a-t-il ajouté.
Plus tôt le lundi, il avait déclaré que ce serait probablement le dernier cycle de négociations.
(Avec AFP & Reuters)
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com