Pourquoi Ankara donne à la guerre toutes ses chances dans le Caucase du sud

Des affrontements intenses se sont poursuivis dans la nuit de dimanche à lundi le long du Haut-Karabakh, une région arménienne contestée, principalement ethnique, qui s'est séparée de l'Azerbaïdjan à la fin des années 80 et au début des années 90. (AFP)
Des affrontements intenses se sont poursuivis dans la nuit de dimanche à lundi le long du Haut-Karabakh, une région arménienne contestée, principalement ethnique, qui s'est séparée de l'Azerbaïdjan à la fin des années 80 et au début des années 90. (AFP)
Short Url
Publié le Mardi 29 septembre 2020

Pourquoi Ankara donne à la guerre toutes ses chances dans le Caucase du sud

  • Les empreintes de la politique étrangère néo-ottomane d'Erdogan sont soupçonnées dans l’escalade soudaine du conflit
  • Les failles religieuses révélées par les combats sont considérées par la Turquie comme utiles pour projeter une image de pouvoir et d'influence

DUBAÏ : La politique étrangère néo-ottomane du président Recep Tayyip Erdogan, qui a ravagé de vastes étendues du monde arabe ces dernières années, menace désormais le Caucase du Sud. Ankara a monté sa rhétorique incendiaire d’un cran, alors qu'une deuxième journée de violents combats entre les forces azerbaïdjanaises et arméniennes s’annonce. Les violences, au cours desquelles au moins 21 personnes ont été tués et des centaines blessées, fait craindre une guerre totale entre les ennemis de longue date.

Alors que les États-Unis ajoutent aux appels au calme et à une solution pacifique, les responsables turcs semblent désireux de tenter leur chance à la guerre. Bien que prévisibles, venant d'un gouvernement qui nie le génocide des Arméniens du temps de l’empire ottoman, les propos des Turcs évoquent fortement la même pathologie politique qui a conduit au massacre de 1,5 million d'Arméniens entre 1915 et 1923.

«Nous soutiendrons nos frères azerbaïdjanais de tous nos moyens dans leur lutte pour protéger l’intégrité de leur territoire», a déclaré Hulusi Akar, ministre turc de la Défense, dans un communiqué, ajoutant notamment: «Le plus grand obstacle à la paix et à la stabilité dans le Caucase réside dans l’agression arménienne, et l’agression doit cesser avant qu’elle ne mette le feu à toute la région ».

Des affrontements intenses se sont poursuivis dans la nuit de dimanche à lundi le long du Haut-Karabakh, une région montagneuse arménienne contestée, principalement ethnique qui a déclaré son indépendance et déclenché une guerre au début des années 1990 qui a fait 30000 morts. La région est toujours considérée comme azérie par la communauté internationale. Le différend territorial est à l'origine des combats meurtriers qui ont éclaté en 2016, et à nouveau il y a quelques mois.

«passifs agressifs»
Dans une série de tweets, Thomas de Waal, chercheur senior à Carnegie Europe spécialisé dans le Caucase, a déclaré : «L'Azerbaïdjan, perdant du conflit des années 1990, est le plus motivé pour à recourir à l'agression militaire et redistribuer les rapports de force sur le terrain. C'est l’explication quasi-certaine de ce qui s’est passé dimanche. Et effectivement, ils ont probablement choisi un moment où ils pensaient que le monde serait distrait. »

«Mais cela ne signifie pas que la partie arménienne veut la paix. Pendant longtemps, ils ont rejeté toute forme de discussion réelle sur le conflit. La façon dont ils qualifient le territoire qu’ils occupaient en dehors du Haut-Karabakh dans les années 1990 de «libéré» leur donne un air «passifs agressifs», et complices dans la violence » poursuit de Waal.

Les analystes affirment que les failles religieuses révélées par le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont créé une brèche dans le Caucase du Sud qui allèche Erdogan et ses ambitions d’influence. La politique étrangère expansionniste du premier ministre turc s'adresse à un électorat qui compte des islamistes purs comme des ultranationalistes laïques.

Lundi, Erdogan a fait écho au message de son ministre de la Défense en déclarant sur Twitter : «J'appelle le peuple arménien à prendre son avenir en main et à se lever contre ses dirigeants qui l’entraînent vers la catastrophe, ainsi que contre ceux qui l'utilisent comme des marionnettes. Nous appelons aussi le monde entier à soutenir l’Azerbaïdjan dans sa bataille contre l’invasion et la cruauté. »

Des journalistes en Turquie ont repris les propos du premier ministre et appelé à l'utilisation de la force militaire contre l'Arménie pour protéger les intérêts azerbaïdjanais. Ibrahim Karagul, rédacteur en chef du journal pro-gouvernemental Yenisafak, a suggéré larguer un «missile au milieu d'Erevan (capitale de l'Arménie)» pour illustrer la solidarité turque avec l'Azerbaïdjan, en ajoutant : «Nous pourrons ainsi construire une armée islamique du Caucase en moins de cent ans. »

Les responsables arméniens affirment que des troupes turques sont restées en Azerbaïdjan après s’être rendu au pays pour des exercices militaires à grande échelle en août. Selon des sources de la milice kurde YPG, des centaines de mercenaires syriens ont été déplacés à travers la province de Kilis, dans le sud-est de la Turquie. Des membres de l'Armée nationale syrienne (SNA) affirment que jusqu'à «1 000 djihadistes» oeuvrent en Azerbaïdjan.

Mercenaires

Hikmet Durgun, un journaliste turc, a déclaré que des militants de la SNA sont probablement déployés dans le Haut-Karabakh, d'autres estiment que certains mercenaires sont issus de factions syriennes soutenues par la Turquie sur le champ de bataille libyen. Les combattants syriens auraient été recrutés par l’intermédiaire de l'agence de renseignement turque, offerts un salaire mensuel de 2 000 dollars, et transportés via des avions de ravitaillement militaires turcs vers les villes azéries de Ganja et Bakou en utilisant l'espace aérien géorgien.

«Il y a environ un mois, des rumeurs se sont répandues sur WhatsApp parmi les combattants de la SNA selon lesquelles ils pouvaient s'inscrire pour se rendre en Azerbaïdjan. Beaucoup se sont enregistrés sur WhatsApp, d'autres dans des bureaux situés dans les zones contrôlées par la Turquie. Les combattants se sont enregistrés en raison des rumeurs de salaires alléchantes de 2 000 à 2,5 000 dollars », a déclaré Elizabeth Tsurkov, membre du Center for Global Policy, sur Twitter.

Idlib Post, un site d'information, a publié une photo qui montre un groupe de 300 combattants supposés de la SNA au moment de leur départ d'Alep pour l'Azerbaïdjan, via la Turquie. Les hommes ont été sélectionnés principalement dans la division Hamza, un groupe rebelle qui fait la loi turque par procuration dans les opérations dans le nord de la Syrie, selon Lindsey Snell, journaliste primée.

Un assistant du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a vigoureusement nié lundi que la Turquie ait envoyé des combattants de Syrie dans le Caucase du Sud.

«Les rumeurs selon lesquelles des militants syriens auraient été redéployés en Azerbaïdjan constituent une autre provocation de la part des arméniens, c’est d’une absurdité totale», a déclaré l'assistant, Khikmet Gadzhiev.

Décision stratégique

Cependant, Paul Antonopoulos, expert régional, croit qu'il existe de solides éléments qui prouvent que la Turquie a transféré des militants du nord de la Syrie, et qu’elle les utilisera comme elle les a utilisé en Lybie.

«La Turquie soutiendra sans équivoque l'Azerbaïdjan de toutes les manières possibles, à l'exception d'une intervention militaire directe. Le solide soutien diplomatique de la Turquie à l’Azerbaïdjan se poursuivra, ainsi que l’aide matérielle et les renseignements », a-t-il déclaré à Arab News.

«J'estime que lorsqu'il y aura suffisamment de pression internationale, la Russie et la Turquie interviendront pour mettre un terme temporaire aux hostilités.

«L'Arménie est un État membre de l'Organisation du traité de sécurité collective, une alliance militaire eurasienne dirigée par la Russie. Ceci devrait dissuader la Turquie d'intervenir militairement directement, et le conflit reste ainsi contenu entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

Dans ce contexte de tensions géopolitiques grandissantes, De Waal de Carnegie Europe estime qu'en fin de compte, il appartient aux Arméniens et aux Azerbaïdjanais «de prendre la décision stratégique de traiter les uns avec les autres et de suivre un plan qui implique des concessions» et conduit à la paix.

"Cela arrivera un jour - mais l'effusion de sang retarde moment, et créé un climat d'insécurité et de peur mutuelles", a-t-il déclaré sur Twitter.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Quatre journalistes tués à Gaza, le nombre de morts parmi les professionnels des médias dépasse cent

Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat. (Photo AFP)
Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant un cessez-le-feu immédiat. (Photo AFP)
Short Url
  • Cent quatre journalistes palestiniens, ainsi que deux journalistes israéliens et trois libanais, auraient été tués depuis le début du conflit
  • Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui exige un cessez-le-feu immédiat

LONDRES: L’Autorité des médias de Gaza a déclaré jeudi que quatre journalistes avaient été tués lors d’une frappe aérienne israélienne, ce qui porte à plus de cent le nombre total de journalistes tués dans le conflit.

Selon l’agence Anadolu, les victimes sont Hail al-Najjar, éditeur vidéo à Al-Aqsa Media Network, Mahmoud Jahjouh, photojournaliste pour le site Palestine Post, Moath Moustafa al-Ghefari, photojournaliste pour le site Kanaan Land et pour la Palestinian Media Foundation, et Amina Mahmoud Hameed, présentatrice de programmes et rédactrice dans plusieurs organes de presse.

Le Bureau de presse de Gaza a indiqué que les quatre journalistes avaient été tués lors d’une frappe aérienne israélienne, mais il n’a pas fourni de détails supplémentaires sur les circonstances de leur mort.

Au total, cent quatre journalistes palestiniens, deux israéliens et trois libanais ont été tués depuis le début du conflit, le 7 octobre.

Ces dernières pertes s’ajoutent au lourd tribut déjà payé par les professionnels des médias. Selon le Comité pour la protection des journalistes, le conflit de Gaza constitue le conflit le plus meurtrier pour les journalistes et les professionnels des médias depuis que l’organisation a commencé à tenir des registres.

Israël poursuit son offensive sur Gaza en dépit d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui exige un cessez-le-feu immédiat.

Jeudi, l’Afrique du Sud, qui a porté plainte contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de justice, a demandé à cette dernière d’ordonner à Israël de mettre fin à son assaut contre Rafah.

Selon les autorités médicales de Gaza, plus de 35 200 Palestiniens ont été tués, principalement des femmes et des enfants, et plus de 79 200 ont été blessés depuis le début du mois d’octobre, lorsqu’Israël a lancé son offensive, répondant à une attaque du Hamas.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: l'armée annonce avoir trouvé et rapatrié les corps de trois otages de Gaza

Ricarda Louk est assise devant une pancarte représentant sa fille disparue Shani Louk, le 17 octobre 2023, à Tel Aviv. L'armée israélienne a déclaré le 17 mai 2024 avoir retrouvé les corps de trois otages israéliens à Gaza, dont Louk. (AP)
Ricarda Louk est assise devant une pancarte représentant sa fille disparue Shani Louk, le 17 octobre 2023, à Tel Aviv. L'armée israélienne a déclaré le 17 mai 2024 avoir retrouvé les corps de trois otages israéliens à Gaza, dont Louk. (AP)
Short Url
  • L'armée israélienne a récupéré «les corps de nos otages Shani Louk, Amit Buskila et Itzhak Gelerenter, pris en otage durant le massacre commis par le Hamas le 7 octobre », a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari
  • Sur les 252 personnes emmenées comme otages le 7 octobre, 125 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée israélienne

JÉRUSALEM: L'armée israélienne a annoncé vendredi avoir découvert dans la bande de Gaza les corps de trois otages israéliens enlevés lors de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre en Israël et les avoir rapatriés.

L'armée a récupéré "les corps de nos otages Shani Louk, Amit Buskila et Itzhak Gelerenter, pris en otage durant le massacre commis par le Hamas le 7 octobre", a déclaré le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de l'armée, ajoutant qu'ils avaient été "brutalement assassinés" par le Hamas en tentant de fuir le festival de musique Nova et "leur corps emmenés" à Gaza.

Selon l'amiral Hagari, les corps des otages ont été récupérés "durant une opération conjointe entre l'armée et l'agence de renseignements" sur la base de renseignements obtenus notamment "lors d'interrogatoire de terroristes arrêtés dans la bande de Gaza" et ont été identifiés à l'institut national de Médecine légale israélien.

Germano-Israélienne de 22 ans, Shani Louk était apparue dans une vidéo sur les réseaux sociaux, allongée sur le ventre, apparemment inconsciente et à moitié dénudée, à l'arrière d'un pick-up dans la bande de Gaza.

Amit Buskila était âgée de 27 ans et Itzhak Gelerenter de 56 ans lors de l'attaque.

"Le retour de leurs corps est un rappel douloureux et brutal que nous devons rapidement ramener tous nos frères et soeurs de leur cruelle captivité", les vivants et les morts, a réagi le Forum des familles d'otages, principale association de proches.

Sur les 252 personnes emmenées comme otages le 7 octobre, 125 sont toujours détenues à Gaza, dont 37 sont mortes selon l'armée israélienne.

L'attaque surprise menée depuis la bande de Gaza par des commandos du Hamas dans le sud israélien a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens. Plus de 360 personnes ont été tuées sur le seul site du festival de musique Nova, organisé dans le sud d'Israël, tout près de la frontière avec la bande de Gaza.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35.000 morts, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a adressé ses condoléances aux familles. "Cette perte terrible brise le coeur", nous "pleurons avec les familles", a assuré M. Netanyahu, promettant de ramener "tous les otages, les vivants et les morts".

 

 


Tunisie: l'ONU dénonce «l'intimidation et le harcèlement» des avocats

Ces arrestations ont suscité des condamnations de la part de la société civile tunisienne et ont déclenché une réaction internationale. (Dossier/AFP)
Ces arrestations ont suscité des condamnations de la part de la société civile tunisienne et ont déclenché une réaction internationale. (Dossier/AFP)
Short Url
  • «L'Etat de droit doit être respecté et les personnes détenues arbitrairement, y compris pour avoir défendu les droits des migrants et lutté contre la discrimination raciale, doivent être libérées», exige le Haut-Commissariat
  • Mme Shamdasani a indiqué que le Haut-Commissariat était «très préoccupé par le fait que des migrants sont de plus en plus souvent pris pour cible»

GENEVE: Le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a dénoncé vendredi "l'intimidation et le harcèlement" dont sont victimes en Tunisie des avocats et membres des médias critiques du gouvernement et de ses politiques migratoires.

Les perquisitions contre l'Ordre des avocats dans ce pays "portent atteinte à l'Etat de droit et violent les normes internationales relatives à la protection de l'indépendance et de la fonction des avocats. De tels actes constituent des formes d'intimidation et de harcèlement", a dénoncé Ravina Shamdasani, la porte-parole du Haut-Commissariat à Genève, lors d'un point de presse.

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, "exhorte les autorités à respecter et à sauvegarder les libertés d'expression, d'association et de rassemblement pacifique, qui sont garanties par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel la Tunisie est partie", a souligné Mme Shamdasani.

"L'Etat de droit doit être respecté et les personnes détenues arbitrairement, y compris pour avoir défendu les droits des migrants et lutté contre la discrimination raciale, doivent être libérées", exige encore le Haut-Commissariat, ajoutant que "les droits humains de tous les migrants doivent être protégés et les discours de haine xénophobe doivent cesser".

Mme Shamdasani a indiqué que le Haut-Commissariat était "très préoccupé par le fait que des migrants, pour la plupart originaires du sud du Sahara, ainsi que les personnes et les organisations qui leur viennent en aide, en Tunisie, sont de plus en plus souvent pris pour cible".

Et elle a dénoncé "une augmentation de l'utilisation d'une rhétorique déshumanisante et raciste à l'encontre des migrants noirs et des Tunisiens noirs".

Le président tunisien Kais Saied, qui concentre tous les pouvoirs depuis juillet 2021, s'est insurgé jeudi contre les critiques occidentales, défendant la légalité de ces mesures.