BERLIN : Douche froide sur l'économie allemande : la Bundesbank a abaissé vendredi sa prévision de croissance pour cette année et l'an prochain, face aux pénuries persistantes dans l'industrie et à la virulente vague de Covid-19, qui contrarient les premiers pas du nouveau gouvernement.
L'institution prévoit une hausse de 4,2% du PIB l'an prochain, contre 5,2% dans ses dernières estimations en juin. Pour l'année en cours, elle table sur une croissance de 2,5%, contre 3,7% précédemment.
Dans la foulée, l'institut Ifo, principal institut économique allemand, a publié son indice du moral des entrepreneurs, en baisse pour la sixième fois d'affilée en décembre.
Ce baromètre particulièrement scruté par les analystes a atteint 94,7 points, 1,9 point en moins sur un mois, signe des difficultés persistantes de la première économie européenne.
Les prévisions de la Bundesbank se rapprochent de celles du ministère de l'Economie, qui prévoit, selon ses dernières projections d'octobre, une hausse de 4,1% du PIB en 2022.
Elles sont en revanche plus optimistes que celles de l'Ifo, qui s'attend à une croissance de seulement 3,7%.
«Les restrictions dues à la pandémie et les goulots d'étranglement dans l'approvisionnement freinent la croissance», a commenté la Bundesbank dans son communiqué.
-Industrie-
L'Allemagne fait face, depuis plusieurs semaines, à une situation sanitaire dégradée sur le front du Covid-19 l'ayant contrainte à réintroduire des restrictions, qui freinent sa reprise économique.
Et l'arrivée du variant Omicron en Europe, considéré comme plus contagieux, fait craindre une nouvelle flambée.
Par ailleurs, les pénuries de matériaux sur les marchés mondiaux plombent l'industrie manufacturière, un secteur clé de la première économie européenne.
La pandémie de coronavirus a en effet bouleversé les chaînes d'approvisionnement, occasionnant des pénuries de matières premières et de composants, ce qui accroît les tensions inflationnistes.
L'inflation, sujet sensible dans l'opinion publique, devrait, selon la Bundesbank, atteindre une moyenne de 3,2% en 2021 et 3,6% en 2022.
L'industrie automobile, pilier de l'économie allemande, est particulièrement touchée, avec une production qui baisse continuellement depuis cinq mois.
Les commandes industrielles ont chuté de 6,9% en octobre, selon les données officielles, après une hausse de 1,8% en septembre.
Et la production industrielle a connu plusieurs mois de baisse, demeurant en dessous de son niveau d'avant crise, malgré une progression de 2,8% sur un mois en octobre.
«La reprise est un peu retardée», a résumé dans un communiqué Jens Weidmann, président sortant de la Bundesbank.
-Come back-
Après une reprise entamée au printemps, avec une hausse de 2% au deuxième trimestre, et 1,7% au troisième trimestre, l'économie allemande va connaître un hiver de stagnation.
L'institut Ifo prévoit ainsi une baisse de 0,5% du PIB au quatrième trimestre.
Selon la Bundesbank, la situation devrait toutefois s'améliorer à partir du «printemps prochain».
Ce contexte économique fragile pourrait néanmoins contrarier les plans du nouveau gouvernement, mené par le social-démocrate Olaf Scholz, en coalition avec les Verts et les Libéraux.
La hausse de l'investissement public en faveur du climat et des infrastructures est en effet un pilier du programme de cette coalition composite, qui aura besoin de croissance pour le financer.
Berlin a déjà approuvé lundi une rallonge de 60 milliards d'euros sur le budget 2021, destinée à des investissements supplémentaires, essentiellement en faveur du climat.
Ces fonds seront prélevés sur «une partie» des dettes contractées cette année pour faire face à la pandémie de coronavirus, mais n'ayant «pas été utilisées», a indiqué le nouveau ministre des Finances Christian Lindner.
Un tour de passe passe budgétaire qui a suscité les critiques de l'opposition, de nombreuses voix s'interrogeant sur le caractère légal d'une telle manoeuvre. Les conservateurs de la CDU entendent même déposer un recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsuhe.
L'Allemagne va terminer l'année «en queue des classements de croissance de la zone euro», constate Carsten Brzeski, analyste chez ING. Comparativement, la croissance française, attendue à plus de 6%, crève les plafonds.
«Mais ne vous inquiétez pas !», assure M. Brzeski : «les mesures de relance gouvernementales antérieures et les politiques d'investissement impressionnantes du nouveau gouvernement se déploieront en 2022» et l'Allemagne fera son retour comme «championne de la croissance en Europe».