PARIS : Au procès des attentats jihadistes du 13 novembre 2015 en région parisienne, deux habitués du café belge des frères Abdeslam ont raconté l'ambiance aux "Béguines" dans les mois précédant les attentats.
Rafik H. témoigne auprès de la justice française en visioconférence, des locaux du parquet fédéral belge, préférerait être ailleurs. Ses réponses sont brèves, son audition laborieuse.
Crâne rasé, gros pull, il a 36 ans, est originaire de Molenbeek, une commune de la région de Bruxelles où il a grandi avec Brahim Abdeslam, le gérant du bistrot et futur tueur des terrasses parisiennes. Il est visé par une procédure miroir en Belgique pour l'avoir conduit à l'aéroport pour un périple vers la Syrie, début 2015.
Un an plus tôt, Rafik H. s'était associé avec celui qui était "comme un frère", au café Les Béguines. C'est de là qu'il connaît certains des accusés. "C'était 'bonjour, au revoir'", nuance-t-il.
Le président l'interroge sur le lieu - selon le dossier, on y vendait de la drogue, note-t-il. "C'était surtout Brahim", balaie Rafik H.
S'y passait-il d'autres choses ?, s'enquiert Jean-Louis Périès. "Brahim regardait de temps en temps des vidéos sur Youtube". De quel genre ? "Des trucs terroristes". Ça se passait en Syrie ? "Voilà".
Lui, "au comptoir", s'occupait des clients. "Je faisais pas trop attention".
Poussé par la cour, il confirme que Brahim Abdeslam descendait souvent à la cave où il avait aménagé une pièce "spécialement" pour discuter sur Skype avec Abdelhamid Abaaoud, futur coordinateur des attentats, à ce moment-là en Syrie. "Je suis descendu une fois, j'ai vu qu'il parlait avec Abaaoud. Il m'a crié de remonter, je suis remonté".
«Chien qui aboie...»
Sur les écrans de la salle d'audience, c'est Bilal S. qui apparaît ensuite dans les mêmes locaux.
"Je suis sociable, je parle à tout le monde", prévient ce brun de 35 ans au débit ultra-rapide. Également très proche de Brahim Abdeslam, il passait "tous les soirs" après le travail pour "jouer au cartes, boire un café". "Une bonne ambiance", à part "les gens qui regardaient les vidéos".
Il mime de ses bras, "moi j'étais assis là", "le comptoir", et "l'ordinateur à côté des toilettes". Comme les autres, il a vu les vidéos "en passant" devant. Brahim Abdeslam les regardait avec son petit frère Salah, et son ami Ahmed Dahhmani, autre accusé jugé en son absence, certifie-t-il.
"Brahim, il disait: 'regardez ce qu'ils font, c'est injuste, ils tuent des enfants'. Dès qu'il commençait à boire ou à fumer, il s'excitait. Mais pour moi, un chien qui aboie, il ne fait rien".
En septembre 2015, raconte-t-il, Salah Abdeslam lui demande de louer une voiture pour lui. "Je lui dis 'non je sais pas ce que tu vas faire'".
Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos parisiens, est aussi jugé pour ses allers-retours en voiture - louées - pour ramener les autres assaillants en Belgique.
"Je pensais plus à des amendes, ou qu'il rende pas la voiture à temps", dit Bilal S., qui a l'impression de l'avoir échappé belle, contrairement à certains accusés "qui ont pas eu de chance" et ont "rendu service".
Comme Hamza Attou, l'un de ceux jugés pour être allés chercher Salah Abdeslam à Paris le soir des attentats qui ont fait 130 morts et plus de 350 blessés à Paris et en proche banlieue.
"Ils étaient pas au courant, Salah leur a dit dans la voiture. Moi je lui ai dit à Hamza, 'tu aurais dû quitter la voiture, tu appelles la police tu expliques'".
"Salah est un sale type", conclut Bilal S. "J'aurais pu être à leur place. D'un autre côté, ils ont vraiment été cons".