PARIS : "Millionnaire avant 30 ans": partagé sur les réseaux sociaux, ce genre de "faux bon plan" démultiplie l'impact de ces arnaques financières qui ciblent surtout les jeunes, ont alerté lundi les autorités judiciaires et de régulation.
Le parquet de Paris, les gendarmes de la banque-assurance (ACPR) et des marchés financiers (AMF), ainsi que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont mis en garde contre "la montée inquiétante des pratiques commerciales trompeuses en ligne dans le domaine des services financiers, notamment de la part d'influenceurs".
Le préjudice causé par les escroqueries financières est estimé à environ 500 millions d'euros par an, sans compter le préjudice moral, selon le parquet. C'est souvent "l'épargne d'une vie qui disparait".
Devant les campagnes de marketing d'influence sur les réseaux sociaux, véritables "vitrines publicitaires pour les fraudeurs" qui font miroiter des gains mirifiques, les épargnants ont tendance à se montrer plus crédules que dans la vraie vie, car ils sont "rassurés par une communauté d'amis", a relevé Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF.
C'est le cas d'un jeune homme qui raconte, dans une vidéo diffusée par l'AMF, être tombé dans le piège.
Victime d'un mode opératoire bien rôdé, il est rappelé une demi-heure après avoir rempli un formulaire de contact en ligne et réalise alors un premier versement. Au bout d'un mois, il retire son argent, ce qui l'incite à investir plus de 5 000 euros par la suite. Puis, tout dérape: l'épargnant se fait flouer, contraint par le prestataire fictif de payer des taxes pour récupérer son argent.
Sous peine d'un risque de poursuites pour "pratique commerciale trompeuse", les influenceurs ont l'obligation de dire s'ils sont rémunérés pour un placement de produit, rappelle la DGCCRF.
La vedette de télé-réalité Nabilla en a déjà fait les frais, avec une amende de 20 000 euros dans une affaire remontant à 2018 relative à la promotion sur le réseau social Snapchat d'un site de formation au trading en ligne.
La tentation de hauts rendements est forte: les restrictions durant la crise sanitaire ont permis à certains épargnants de remplir leur bas de laine et, face à un environnement de taux d'intérêt très bas, ils sont attirés par des placements alternatifs qui rapporteraient plus que les investissements classiques.
Paradoxalement, si la quasi-totalité des Français (97%) sont conscients du risque d'arnaque financière, six sur dix (64%) considèrent pourtant qu'il existe des placements non risqués plus rentables que les livrets d'épargne traditionnels, a rappelé lundi l'AMF, citant une étude BVA auprès de 5 000 personnes.
Aussi, les escroqueries aux livrets et aux crédits se sont intensifiées ces deux dernières années, occasionnant des pertes phénoménales: 72 000 euros en moyenne par victime concernant les livrets d'épargne et 12 000 euros concernant les crédits pour les dossiers signalés à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en 2021.
Les fausses offres d'investissement dans les chambres d'Ehpad ont généré des pertes de plus de 70 000 euros et celles concernant les places de parking d'aéroport dépassent 50 000 euros.
«Endormir la méfiance»
"Dès le premier confinement, en mars 2020, on a vu fleurir de nouvelles arnaques" en ligne, note Patrick Montagner, premier secrétaire général adjoint de l'ACPR.
"Ne cédez jamais à des offres promotionnelles à échéance de vie limitée: Il n'y a pas de promotions flash, ce n'est pas un grand magasin", a-t-il prévenu.
Les escrocs se sont, selon lui, toutefois "adaptés et ne promettent plus des rendements extraordinairement élevés", mais "des rendements entre 3% et 5% suffisent à allécher de potentielles victimes".
Ils utilisent aussi un "vocabulaire connu", histoire d'"endormir la méfiance" des épargnants. Ils ont tendance à dénoncer les banques et les autres malfaiteurs. Dorénavant, "ils clonent leurs sites", espérant que, si certains seront détectés par les autorités, d'autres passeront entre les mailles du filet.
Hasard du calendrier, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a annoncé lundi une augmentation du taux du livret A début 2022, sans préciser de combien.