Donald Trump, la seule chance des démocrates aux abois

Donald Trump (fournie)
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Publié le Samedi 11 décembre 2021

Donald Trump, la seule chance des démocrates aux abois

Donald Trump,  la seule chance des démocrates aux abois
  • Les démocrates comptent sur Donald Trump, ce cancer qui ronge encore ses rivaux républicains, pour les sortir de l'impasse en 2024
  • Trump sera tenté de se présenter aux élections de 2024, ce qui fait littéralement bondir de joie les responsables du parti démocrate

Lors de mon dernier voyage à Washington, la plupart des membres du parti démocrate que j'ai rencontrés m'ont avoué un sale petit secret : leur parti se trouve certainement au pied du mur, mais il compte sur Donald Trump, ce cancer qui ronge encore ses rivaux républicains, pour les sortir de l'impasse en 2024.

Nombreux sont les démocrates qui admettent que les élections de mi-mandat prévues en 2022 provoqueront une marée républicaine, que le GOP (Grand Vieux Parti, en l’occurrence le parti républicain NDRL) remportera aisément la majorité de la Chambre des représentants et probablement celle du Sénat. Cependant, ce tsunami produira un résultat paradoxal : Trump sera tenté de se présenter aux élections de 2024, ce qui fait littéralement bondir de joie les responsables du parti démocrate. En effet, si le trumpisme (déréglementation des monopoles publics encore en place, réductions d'impôts, rejet des guerres sélectives, stratégie axée sur la Chine et le renforcement des mesures protectionnistes) conserve sa popularité – comme vient de le montrer Glenn Youngkin dans les élections du gouverneur de Virginie –, Trump ne bénéficie pas de la même popularité. Cette tendance est perceptible auprès des électeurs indépendants qui déterminent souvent l'issue des élections présidentielles américaines.

Force est de reconnaître que le GOP continue d'être le parti de Trump. Selon un sondage réalisé en octobre par la firme Morning Consult, 47 % des républicains ont répondu qu'ils voteraient pour Trump s'il se présentait aux élections primaires du parti en 2024. Seuls 13 % d'entre eux soutiendraient l'ancien vice-président Mike Pence et 12 % la nouvelle vedette Ron DeSantis, qui occupe actuellement le poste de gouverneur de la Floride. À la lumière du l'humeur générale, la plupart des républicains n'osent pas se présenter aux élections. Ils préfèrent attendre de voir si Trump se lancera à nouveau dans la course.

De toute évidence, la victoire des républicains aux élections de mi-mandat de 2022 sera le seul événement qui l’encouragera à se lancer dans la course à la présidence en 2024. Le camp de Trump est convaincu que grâce à la montée en puissance des Républicains et à la popularité de leur homme fort - selon les sondages de Gallup - qui est le chef de parti le plus populaire de tous les temps, le contexte politique est aujourd’hui idéal pour le retour de M. Trump sur le devant de la scène politique. Il sera le deuxième président de l'histoire des États-Unis (après Grover Cleveland) à reconquérir la Maison-Blanche après s’en être séparé.

Ces prévisions apparaissent pertinentes dans une certaine mesure. Cependant, elles ignorent le point le plus évident : la responsabilité de M. Trump dans les émeutes qui ont secoué le Capitole le 6 janvier, qui constituent la plus grande honte pour la démocratie aux États-Unis.  Au-delà de ces événements qui ternissent la réputation de Trump et depuis ce jour funeste, les électeurs indépendants se sont éloignés en grand nombre de l'ancien président. Tout au long de la prochaine campagne présidentielle, Trump sera sans aucun doute interrogé sans répit sur cet incident accablant.

L’ancien président contraint les républicains à défendre des allégations extraconstitutionnelles selon lesquelles les élections présidentielles lui ont été volées.

    Dr. John C. Hulsman

Ce qui est encore plus inquiétant pour le GOP, c'est que Trump ne parviendra jamais à faire oublier cette calamité. En effet, il est le premier président de l'histoire du pays à refuser de reconnaître sa défaite à une élection contre toute évidence. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Américains sont loin d'accueillir avec enthousiasme l'atteinte à la stabilité politique qui caractérise l'Amérique et à laquelle elle est attachée, rien que pour satisfaire l'ego d'un seul homme.

Face à cette situation épineuse, M. Trump poursuit son chemin en invoquant des théories du complot et en refusant d'accepter les preuves qui se présentent à lui. À la mi-octobre, l'ancien président a affirmé avec beaucoup d'insistance que ses partisans populistes ne voteront pas en 2022 si les républicains refusent d'admettre ses allégations infondées selon lesquelles on a détourné les élections de 2020 qui lui étaient favorables ; déclaration qui – bien qu'elle ne soit qu'un vœu pieux –  a visiblement ravi les démocrates aux abois.

Le parti républicain en est arrivé à ce stade si préoccupant. Le leader du GOP les contraint à défendre des allégations extraconstitutionnelles selon lesquelles les élections présidentielles lui ont été volées. Voilà le prix que les dirigeants du parti paient pour leur lâcheté persistante (en effet, ils sont tous conscients de cette situation lorsqu’ils en discutent entre eux) qui les empêche de réfuter les affirmations venimeuses de Trump ou de démentir ouvertement les actions dangereuses et égoïstes qu'il a orchestrées en janvier dernier.

Le GOP ne prend pas part à la vendetta que Trump souhaite mener en 2020 et il ne le fera pas à l'avenir. Mais en refusant de s'y opposer ou de s'opposer à l’ancien président, le reste du parti continue de subir les caprices de cet homme imprévisible. Lorsque je leur ai demandé ce qui les pousserait à sortir enfin du giron de Trump – puisqu’aucune personnalité n'a osé le faire – ils m'ont répondu sans ambages : « Nous attendons qu'il perde à nouveau ».  La lâcheté politique du GOP est tellement inquiétante en ce moment.

A la fin de mon séjour à Washington, j'ai pu constater que les critiques que se lancent les deux partis sont pertinentes. Les républicains ont raison de qualifier les démocrates de querelleurs bornés, qui s'inquiètent de tout, sauf du seul problème majeur –celui de l’inflation – principale préoccupation des Américains, alors qu'un président vieillissant suit docilement les diktats de la gauche incontrôlée au sein de son parti.  Par ailleurs, les démocrates ne se trompent pas en affirmant que l'échec lâche du GOP à affronter le problème majeur qu'est l'ancien président Trump les laisse solidement attachés à lui comme à un fardeau qui ralentit leur action politique.

En temps ordinaire, ces deux reproches suffiraient amplement à condamner le parti en question à des années d'opposition. Mais, bien entendu, nous ne vivons pas à une époque ordinaire. Au bout du compte, le parti qui se débarrassera de ses œillères pour se regarder dans le miroir et abandonnera ses idées préconçues, aura toutes les chances de remporter la victoire en 2024.

    Dr. John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via chartwellspeakers.com

 

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com