Au Soudan, 46 jours de putsch et de silence pour la radio des jeunes

 Des journalistes soudanais brandissant des pancartes alors qu'ils se rassemblent devant le siège de la station de radio "Hala 96" dans la capitale Khartoum, le 8 décembre 2021. (AFP)
Des journalistes soudanais brandissant des pancartes alors qu'ils se rassemblent devant le siège de la station de radio "Hala 96" dans la capitale Khartoum, le 8 décembre 2021. (AFP)
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Publié le Vendredi 10 décembre 2021

Au Soudan, 46 jours de putsch et de silence pour la radio des jeunes

  • La seule radio turbulente d'un paysage audiovisuel soudanais aux ordres depuis bien longtemps vient tout juste de retrouver sa voix
  • Car dans un des pays les plus pauvres au monde, sorti en 2019 de trois décennies de dictature militaro-islamiste et désormais repris en main par l'armée après un putsch, tous les émetteurs sont aux mains de l'Etat

KHARTOUM : Sur la bande FM, pendant 46 jours, quand on arrivait à 96.00, le silence s'installait. La seule radio turbulente d'un paysage audiovisuel soudanais aux ordres depuis bien longtemps vient tout juste de retrouver sa voix.

"Avant, on avait une voix et on nous en a privé d'un coup", raconte, ému, Khaled Mohammed Yahya, un ancien auditeur devenu ingénieur du son et directeur de la production de sa radio préférée.

Car dans un des pays les plus pauvres au monde, sorti en 2019 de trois décennies de dictature militaro-islamiste et désormais repris en main par l'armée après un putsch, tous les émetteurs sont aux mains de l'Etat.

Le 25 octobre, il a pressé les boutons "off" de toute la bande FM. Puis au fil des jours, alors que le général Abdel Fattah al-Burhane, chef de l'armée et auteur du putsch qu'il présente comme "une correction du cours de la révolution", remaniait le pouvoir, les autorités les ont rallumés un à un. 

« Ordres d'en haut  »

Quinze fréquences ont recommencé à émettre, dont quatre publiques. Mais trois sont restées silencieuses : la Britannique BBC en arabe, la Française Monte Carlo Doualiya et Hala 96.

Les studios aux couleurs chatoyantes de cette radio soudanaise lancée en 2014 continuaient d'être investis chaque jour par une trentaine de jeunes passionnés, dans l'espoir d'un miracle.

"Parfois, je tourne le bouton de la radio et je me dis: +Peut-être que je vais avoir une bonne surprise...+, pourtant je sais bien que si l'émetteur avait été rallumé, j'aurais été le premier informé", raconte encore à l'AFP M. Yahya, depuis l'un des studios qui surplombe le Nil Bleu.

Le miracle est finalement arrivé: jeudi, Hala 96 a recommencé à émettre. Une bouffée d'air au Soudan, grand pays d'Afrique de l'Est où 68% de la population a moins de 40 ans mais où rares sont les espaces d'expression pour la jeunesse. Sur Hala 96, ils vont recommencer à parler sport, musique, sujets de société et politique.

En huit ans d'existence, Hala 96 n'avait eu jusqu'ici son antenne coupée qu'une autre fois, pendant 24 heures : le dictateur Omar el-Béchir régnait encore sans partage à Khartoum et Hala avait osé diffuser les chants de la "révolution" qui réclamait sa chute, obtenue en avril 2019.

Cette fois-ci, au bout de deux semaines de coupure après le coup d'Etat, Abiy Abdelhalim, le directeur des programmes, est allé se renseigner. 

"L'Autorité de l'audiovisuel m'a renvoyé vers un officier de l'armée qui m'a lâché: +J'ai des ordres venus d'en haut à cause de votre ligne éditoriale+", dit-il à l'AFP alors que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a récemment dénoncé un environnement "de plus en plus hostile aux journalistes" au Soudan.

Pays  « sous cloche »

Sous Béchir jusqu'en 2019, le pays était classé 174è sur 180 pays en termes de liberté de la presse, selon Reporters sans frontières (RSF). S'il est parvenu à grappiller des places après le départ du dictateur, son progrès n'a pas été spectaculaire: le Soudan était passé 159e avant le coup d'Etat.

Pour RSF, le putsch, qui a été suivi par des centaines d'arrestations parmi les médias et le reste de la société civile, a placé "sous cloche" les médias et le pays tout entier. 

Mercredi, au 45e jour de fermeture, des dizaines de journalistes se sont postés devant le siège de la radio avec des bannières "Libérez Hala 96" ou "En fermant les radios, on perd la vérité".

"Nous rejetons les décisions de Burhane et son musellement de Hala 96", lance ainsi à l'AFP un participant, Abdel Nasser Alaj.

Les jeunes journalistes de Hala 96, eux, se sont mobilisés... en silence.

Actifs sur les réseaux sociaux où ils diffusaient déjà à plus de 285.000 abonnés leurs émissions avant le putsch, ils ont récemment publié une vidéo frappée du logo rouge de leur média. 

Sans un mot, ils se filmaient devant des micros ou des tables de montage. La bouche barrée de deux morceaux de scotch blanc.


Le Liban réforme le secret bancaire, une mesure clé pour ses bailleurs

Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
Cette photo prise le 20 mai 2020 montre une vue de l'entrée fortifiée de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, dans la capitale Beyrouth. (AFP)
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  • Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays
  • Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans

BEYROUTH: Le Liban a accordé jeudi, par un vote au Parlement, un accès plus large des organismes de contrôle aux informations bancaires, une réforme clé réclamée dans ce pays, plongé dans une grave crise économique, par les bailleurs internationaux, dont le FMI.

Le gouvernement a indiqué que la loi s'appliquerait de manière rétroactive sur 10 ans, couvrant donc le début de la crise économique lorsque les banquiers ont été accusés d'aider des personnalités à transférer des fonds importants à l'étranger.

Le Premier ministre libanais, Nawaf Salam, a salué une "étape indispensable vers la réforme financière" que son gouvernement a promis de réaliser et un "pilier essentiel d'un plan de reconstruction".

Cette mesure, a-t-il ajouté, est "fondamentale pour restaurer les droits des déposants et la confiance des citoyens et de la communauté internationale". Il a mis en avant que l'opacité financière, prévalant de longue date au Liban, n'était plus aussi attractive pour les investisseurs qu'elle avait pu l'être.

"Il ne faut pas croire qu'avec cette loi, n'importe qui va entrer dans une banque et demander des détails sur un compte", a tempéré le ministre des Finances, Yassine Jaber, en déplacement à Washington avec son collègue de l'Economie, Amer Bisat, et le nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid.

Ces responsables doivent se rendre à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI).

Le Liban a longtemps été une plaque-tournante financière régionale, dont la législation stricte sur le secret bancaire était perçue comme un atout, jusqu'à la profonde crise économique et financière qui a éclaté en 2019 et terni sa réputation.

Depuis, les autorités sont sous pression, interne et internationale, pour réformer une législation accusée d'avoir permis une fuite de capitaux au déclenchement de la crise, alors que les simples déposants étaient privés de leur épargne et que la valeur de la monnaie locale plongeait.

- Loi rétroactive sur dix ans -

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les changements votés jeudi autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations sans raison particulière".

Ces organismes pourront avoir accès à des informations comme le nom des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars et aider à la relance de l'économie libanaise, dont les maux sont imputés à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a besoin de fonds pour la reconstruction.

M. Salam a souligné que la réforme "ouvrait une page nouvelle" dans la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption et le blanchiment.

Le ministre des Finances a relevé que la Banque centrale aura "plus de marge de manoeuvre" pour accéder à certains comptes.

Selon Alain Aoun, membre de la commission des finances du Parlement, une première réforme en 2022 avait été jugée insuffisante par le FMI. Les organismes de contrôle pourront désormais demander "l'information qu'ils veulent", a-t-il dit à l'AFP.

En avril 2022, le Liban et le FMI avaient conclu un accord sous conditions pour un prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord, et le nouveau gouvernement libanais a promis d'autres réformes. Il doit prochainement soumettre au Parlement un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.

Mercredi, le gouvernement a aussi signé un accord de 250 millions de dollars avec la Banque mondiale pour relancer son secteur électrique en déshérence, qui prive régulièrement les Libanais de courant.


Le Parlement libanais approuve un projet de loi sur le secret bancaire

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri. (AFP)
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  • La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise
  • Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière

BEYROUTH: Le Parlement libanais a approuvé jeudi un projet de loi sur la levée du secret bancaire, une réforme clé réclamée par le Fonds monétaire international (FMI), au moment où des responsables libanais rencontrent à Washington des représentants des institutions financières mondiales.

Le Parlement a adopté des amendements à "la loi relative au secret bancaire" et à la législation monétaire, selon le bureau de son président, Nabih Berri.

La communauté internationale exige depuis longtemps d'importantes réformes pour débloquer des milliards de dollars afin d'aider à la relance de l'économie libanaise, plongée depuis 2019 dans une profonde crise imputée à la mauvaise gestion et à la corruption.

La récente guerre entre Israël et le Hezbollah a aggravé la situation et le pays, à court d'argent, a désormais besoin de fonds pour la reconstruction.

Selon le groupe de défense des droits libanais Legal Agenda, les amendements autorisent "les organes de contrôle et de régulation bancaire (...) à demander l'accès à toutes les informations" sans fournir de raison particulière.

Ces organismes pourront avoir accès à des informations telles que les noms des clients et les détails de leurs dépôts, et enquêter sur d'éventuelles activités suspectes, selon Legal Agenda.

Le Liban applique depuis longtemps des règles strictes en matière de confidentialité des comptes bancaires, ce qui, selon les critiques, rend le pays vulnérable au blanchiment d'argent.

En adoptant ce texte, le gouvernement avait précisé qu'il s'appliquerait de manière rétroactive pendant 10 ans. Il couvrira donc le début de la crise économique, lorsque les banquiers ont été accusés d'aider certaines personnalités à transférer d'importantes sommes à l'étranger.

Le feu vert du Parlement coïncide avec une visite à Washington des ministres des Finances, Yassine Jaber, et de l'Economie, Amer Bisat, ainsi que du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Karim Souaid, pour des réunions avec la Banque mondiale et le FMI.

M. Jaber a estimé cette semaine que l'adoption des amendements donnerait un "coup de pouce" à la délégation libanaise.

En avril 2022, le Liban et le FMI ont conclu un accord sous conditions pour un programme de prêt sur 46 mois de trois milliards de dollars, mais les réformes alors exigées n'ont pour la plupart pas été entreprises.

En février, le FMI s'est dit ouvert à un nouvel accord avec Beyrouth après des discussions avec M. Jaber. Le nouveau gouvernement libanais s'est engagé à mettre en oeuvre d'autres réformes et a également approuvé le 12 avril un projet de loi pour restructurer le secteur bancaire.


Syrie: Londres lève ses sanctions contre les ministères de la Défense et de l'Intérieur

Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
Abdallah Al Dardari, chef régional pour les Etats arabes au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), lors d'une interview avec l'AFP à Damas le 19 avril 2025. (AFP)
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  • "Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor
  • Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier

LONDRES: Le Royaume-Uni a annoncé jeudi avoir levé ses sanctions contre les ministères syriens de l'Intérieur et de la Défense ainsi que contre des agences de renseignement, qui avaient été imposées sous le régime de Bachar al-Assad.

"Les entités suivantes ont été retirées de la liste et ne sont plus soumises à un gel des avoirs: ministère de l'Intérieur, ministère de la Défense", indique notamment le communiqué du département du Trésor.

Des agences de renseignement sont également retirées de la liste. La totalité d'entre elles ont été dissoutes par les nouvelles autorités en janvier.

Ces autorités, issues de groupes rebelles islamistes, ont pris le pouvoir le 8 décembre.

Le Royaume-Uni avait début mars déjà levé des sanctions à l'égard de 24 entités syriennes ou liées à la Syrie, dont la Banque centrale.

Plus de trois cents individus restent toutefois soumis à des gels d'avoirs dans ce cadre, ainsi qu'une quarantaine d'entités, selon le communiqué du Trésor.

Les nouvelles autorités syriennes appellent depuis la chute d'Assad en décembre dernier à une levée totale des sanctions pour relancer l'économie et reconstruire le pays, ravagé après 14 années de guerre civile.