PARIS: Mister V, Squeezie, Prime, et maintenant McFly et Carlito: les stars de YouTube sont nombreuses à se lancer dans l'aventure musicale avec morceaux, albums et mixtapes.
Tous, ou presque, ont commencé par se filmer en train de jouer à des jeux vidéo, ou à faire des blagues dans leur chambre, y compris des parodies musicales. En plus des millions de « vues », ils remplissent désormais des salles, tels le rappeur, vidéaste, star de l'e-sport français Prime à l'Olympia en 2019.
« Il n'y a plus de barrières entre ces deux mondes, qui collaborent, qui co-créent » explique Solène Lory, chargée de la musique chez YouTube France.
Mais comment expliquer une telle vague ?
Selon elle, le phénomène tient au fait que les vidéastes font partie d'une génération « qui n'a pas de frontières (...) et qui se permet d'exprimer sa créativité sans forcément se cloisonner dans telle ou telle catégorie de contenus artistiques ».
« Et ils ont cette audience qui les suit, ultra-connectée », ajoute-t-elle.
D'abord utilisée par les artistes pour mettre en ligne leurs clips et promouvoir leurs albums, YouTube est devenue une plateforme incontournable, dans une industrie bouleversée par la numérisation.
Confortés par leur popularité sur les réseaux sociaux, des dizaines de YouTubeurs ou d'influenceurs ont ainsi lancé des projets musicaux. Dès 2015, le Britannique KSI surprend ses millions d'abonnés en abandonnant sa manette de jeu vidéo pour se mettre à rapper.
Les retours sont mitigés, mais Olajide Olatunji, de son vrai nom, se fait une place dans le milieu et collabore avec des stars du hip-hop américain comme Offset, Lil Durk ou Trippie Redd.
Il trône désormais en haut des classements et est l'un des artistes britanniques les plus populaires, avec des dizaines de millions d'écoutes sur les plateformes.
Légitimité
Le phénomène touche également la France.
Mister V, l'un des YouTubeurs français les plus populaires, est devenu disque de platine et disque d'or avec deux albums de rap (« Double V » et « MVP ») validés par de grands noms du moment comme Jul, artiste urbain le plus écouté en France, ou PLK, avec qui il a collaboré.
Fan de hip-hop, il s'est lancé en 2017, après des années de succès en ligne, avec des vidéos parodiant les rappeurs et leurs excès. Il porte désormais les deux casquettes, même s'il a pris le soin de séparer sa chaîne musicale et sa chaîne principale, aux 5,77 millions d'abonnés.
« C'est sûr que Mister V, c'était plus efficace que Tony Parker », le basketteur vedette qui a lui aussi tenté une incursion dans l'industrie musicale, s'amuse Olivier Cachin, journaliste spécialiste de la musique afro-américaine, du hip-hop et pionnier du rap dans les médias français.
« Mais c'est amusant, de passer de la parodie à de l'’authentique’. Cela montre bien qu'à une époque, le rap, c'était de la parodie, de l'humour de plus ou moins bonne qualité. Maintenant, on a des gens qui veulent non pas se moquer, mais au contraire dire’ Je fais partie du truc’. « C'était quelque chose d'inimaginable il y a 15 ans », poursuit-il.
Ce spécialiste des musiques urbaines est néanmoins critique envers ces nouveaux venus dans le monde de la musique. »Ils ont une +fanbase+ (socle de fans, NDLR), oui. Mais la chose qu'ils n'ont pas forcément, et qui est le plus dur à obtenir, c'est une légitimité », tranche-t-il.
« La légitimité, on l'a, dans le sens où on fait les choses avec passion », rétorque Carlito, du duo comique McFly & Carlito, dont l'album sort vendredi.
« Et en plus, on fait ça depuis des années, McFly depuis encore plus longtemps. Moi, c'est depuis que j'ai 14-15 ans », dit-il.
Au final, YouTubeurs ou non, « dans cette ère digitale, il y a de la place pour tout le monde », tempère Solène Lory.