LONDRES: D'importants groupes de défense des droits humains ont salué les mesures disciplinaires engagées contre la Turquie par le plus haut tribunal européen des droits et de la démocratie, pour la détention du militant Osman Kavala.
Human Rights Watch, basé à Washington, et Amnesty International, basé à Londres, deux des groupes de défense des droits humains de premier plan dans le monde, ont publié des déclarations appuyant une décision du Conseil de l'Europe de pénaliser Ankara pour le maintien en détention de Kavala.
Les mesures disciplinaires concernent le non-respect par la Turquie d'une décision de la Cour européenne des droits de l’homme qui a décrété que Kavala devait être libéré.
«La Turquie refuse de se conformer au jugement définitif de la Cour dans cette affaire», a indiqué un communiqué du Conseil, qui a engagé une procédure qui pourrait finalement faire perdre à la Turquie ses droits de vote, voire son adhésion au Conseil de l’Europe, composé de 47 pays.
Aisling Reidy, conseillère juridique principale auprès de Human Rights Watch, a déclaré: «Comme ce n'est que la deuxième fois que le Conseil de l'Europe déclenche une telle procédure de sanctions contre un État membre, cette décision est une reconnaissance de la situation critique de l'État de droit en Turquie.»
«Face au mépris de la Turquie de son obligation d'exécuter un arrêt clé de la Cour européenne des droits de l'homme, le comité des ministres a pris la bonne décision en notifiant la Turquie du fait qu'il allait activer une procédure d'infraction», a-t-elle poursuivi.
Le directeur d'Amnesty International pour l’Europe, Nils Muiznieks, a déclaré: «Il y a deux ans, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que le droit à la liberté d'Osman Kavala avait été violé, dans le but inavoué de le réduire au silence, et a demandé sa libération immédiate. Au lieu de mettre en application cette décision, les procureurs ont été systématiquement à la recherche de crimes à lui imputer, portant à son encontre un simulacre d’accusations sans aucune preuve. Tous les tours et détours de cette saga d'injustice ont mis en évidence la nature profondément politique de l'affaire, telle qu'elle a été clairement définie par la Cour européenne.»
«Le message du comité des ministres à la Turquie est limpide: l'échec de la Turquie à assurer la libération immédiate d'Osman Kavala et à mettre fin à ses poursuites contre lui pour des motifs politiques est une violation inadmissible des engagements du pays en matière de droits humains.»
Kavala, âgé de 64 ans, a longtemps défendu les droits des minorités turques, notamment les Arméniens, les Kurdes et autres. Il est le fondateur d'une organisation artistique et culturelle à but non lucratif basée à Istanbul.
Il a été arrêté en 2017 à la suite d'un coup d'État manqué en Turquie et accusé d'avoir des liens avec le mouvement guléniste, un groupe islamiste d'opposition dirigé depuis les États-Unis par Fethullah Gulen.
En 2020, Kavala a été brièvement remis en liberté, pour être détenu quelques heures plus tard – cette fois pour des accusations liées à son implication présumée dans l'organisation des manifestations du parc Gezi en 2013, qui ont secoué la Turquie après qu’elles se sont transformées en un mouvement antigouvernemental.
Muiznieks, d'Amnesty, a affirmé: «Après plus de quatre ans derrière les barreaux pour des motifs politiques, il doit être autorisé à enfin rentrer chez lui et retrouver sa famille.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com