L'hypocrisie qui entoure le terrorisme israélien alimente la violence

Des colons armés de la colonie juive radicale d'Yitzhar patrouillent au bord d'une falaise qui surplombe un village palestinien. (AFP)
Des colons armés de la colonie juive radicale d'Yitzhar patrouillent au bord d'une falaise qui surplombe un village palestinien. (AFP)
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Publié le Dimanche 28 novembre 2021

L'hypocrisie qui entoure le terrorisme israélien alimente la violence

L'hypocrisie qui entoure le terrorisme israélien alimente la violence
  • Dimanche dernier, un homme armé palestinien a abattu un Israélien et en a blessé quatre autres à l'entrée du dôme du Rocher, à Jérusalem-Est
  • La fusillade a été qualifiée d'«acte terroriste» par presque tout le monde, notamment par le gouvernement et les médias américains, ainsi que par les militants pro-israéliens

Toute violence est terrible et doit être condamnée, qu'elle vienne d'un musulman, d'un chrétien palestinien ou d'un juif israélien.

Pourtant, ce n'est pas du tout le cas. De fait, la violence des Israéliens est souvent occultée, tandis que celle des Palestiniens est assimilée à des «actes terroristes».

Dimanche dernier, un homme armé palestinien a abattu un Israélien et en a blessé quatre autres à l'entrée du dôme du Rocher, à Jérusalem-Est. L'agresseur, Fadi Abu Shkhaidem, 42 ans, qui enseigne dans un lycée voisin, a immédiatement été accusé d’être un terroriste ainsi qu’un membre du Hamas.

Même si le doute persiste sur l’affiliation du suspect au Hamas, la fusillade a été qualifiée d'«acte terroriste» par presque tout le monde, notamment par le gouvernement et les médias américains, ainsi que par les militants pro-israéliens.

Le département d'État américain a publié lundi le bref communiqué suivant, lu par son porte-parole, Ned Price: « Nous condamnons fermement l'attaque terroriste menée aujourd'hui par un homme armé du Hamas dans la Vieille Ville de Jérusalem, qui a fait une victime et des blessés. Nous présentons nos condoléances aux victimes et à leurs familles.»

J'ai effectué une rapide recherche sur le site Internet du département d'État américain avec le mot «terroriste» pour voir combien de fois les États-Unis, sous la présidence de Joe Biden ou de Donald Trump, avaient dénoncé la violence exercée par Israël contre les Palestiniens comme de la «terreur». Bien sûr, je n'ai pu trouver un seul exemple.

J'ai également fait une recherche sur Google News afin de savoir combien de médias avaient utilisé le terme «terroristes» pour décrire des Israéliens qui ont attaqué et tué un Palestinien et, là encore, rien. Certes, il existe de nombreux rapports sur des colons israéliens qui attaquent violemment des agriculteurs palestiniens, principalement rapportés par des organisations de défense des droits humains telles que l’ONG B'Tselem; mais peu d'incidents qui impliquent la violence des colons israéliens contre les Palestiniens sont rapportés par les médias israéliens ou américains traditionnels.

Bien sûr, chaque fois que le département d'État condamne un acte de violence israélien, il est toujours formulé dans un contexte plus large de dénonciation de la violence «de toutes parts».

B'Tselem, l'un d'une demi-douzaine de groupes de défense des droits humains qu'Israël essaie de réduire au silence et de fermer, a déclaré en 2017: « La violence des colons [et, parfois, d'autres civils israéliens envers les Palestiniens fait depuis longtemps partie des activités quotidiennes en Cisjordanie. Ces actions vont du blocage de routes, de jets de pierres sur des voitures et des maisons, de raids sur des villages et des terres agricoles, d'incendie de champs et d'oliveraies et de dégradation de récoltes et de biens à des agressions physiques – parfois au point de lancer des cocktails Molotov ou d’utiliser des balles réelles. Au fil des années, cette violence généralisée envers les Palestiniens a fait des blessés et a porté préjudice aux biens et aux terres.»

Le fait est que la violence entre Israël et les Palestiniens est définie par la politique. Si le fait de dénoncer les Palestiniens qui attaquent ou tuent des Juifs israéliens constitue une «bonne politique», ce n’est pas le cas lorsqu’on signale que des Israéliens attaquent ou tuent des Palestiniens.

Des colons israéliens armés, avec la protection des Forces de défense israéliennes, attaquent fréquemment des agriculteurs palestiniens et leurs familles. Toutefois, ces incidents, pour la plupart d’entre eux, ne sont pas signalés; ils ne sont pratiquement jamais condamnés par le gouvernement américain. De même, les rapports sur la violence des colons sont rares dans les principaux médias américains et, si quelques incidents sont mentionnés, leur importance est minimisée.

Lorsque les assaillants sont palestiniens, dans presque tous les cas, les suspects sont abattus par des soldats de Tsahal ou la police israélienne, comme ce fut le cas avec Abu Shkhaidem dimanche dernier. Mais, lorsque les attaquants sont israéliens, aucun n'est jamais qualifié de «terroriste». Pire encore, plus de 85% des Israéliens accusés dans les attaques signalées ne sont jamais inculpés ni traduits en justice, selon B'Tselem.

 

Plus de 85% des Israéliens responsables des attaques signalées n'ont jamais été inculpés ni traduits en justice, selon B'Tselem.

Ray Hanania

Comme mes «cousins» juifs israéliens, je dénonce donc la fusillade qui a eu lieu dimanche à Jérusalem-Est et les tragiques pertes de vies humaines. La violence n'est pas justifiée et les personnes reconnues coupables de violence devraient être punies. Cependant, contrairement à ces Israéliens et à la plupart des responsables publics américains, je dénonce avec la même fermeté la violence dont font preuve les Israéliens et le rôle complice que jouent Tsahal et la police en autorisant cette violence.

Un jour, j'espère lire une déclaration forte publiée par le département d'État américain qui condamnerait la violence quotidienne des colons israéliens en Cisjordanie occupée, j’aimerais découvrir un article publié dans l'un des journaux les plus influents d'Amérique qui dénoncerait cette violence si rarement signalée ou voir un éditorial qui la condamnerait.

Jusque-là, le public et les responsables américains, ainsi que les membres des principaux médias des États-Unis, devraient dissocier la politique de la violence qui se manifeste tous les jours entre Palestiniens et Israéliens et commencer à traiter les deux parties sur un pied d'égalité, avec la même mesure de justice et de respect pour la vie humaine.

Les condamnations unilatérales, les reportages à sens unique dans les médias, le fait de ne pas condamner les deux parties ne font qu’encourager la violence.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l'adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.