PARIS: Quitter Paris pour transformer une maison abandonnée dans un village de montagne en restaurant où les produits locaux sont cuisinés de A à Z: l'Auberge de la Roche a été consacrée lundi par le Fooding comme la table et la chambre de l'année.
Cette double récompense du guide, qui promeut depuis 21 ans une cuisine moderne et branchée, est le point culminant d'un palmarès 2022 qui « est presque entièrement hors Paris », a déclaré Christine Doublet, directrice de la rédaction.
« Ce sont à la fois des Parisiens qui sont allés s'installer en dehors de Paris après des carrières dans la capitale ou des Français qui venaient de Bretagne, de Bordeaux, de Lyon ou de Marseille qui sont retournés investir les villes d'où ils viennent », souligne-t-elle. « Ce n'est pas du tout négatif par rapport à Paris, au contraire, c'est hyper enthousiasmant de voir qu'il se passe des choses partout en France ».
L'Auberge de la Roche, inaugurée en mai à Valdeblore, dans le massif du Mercantour, « après 13 mois de travaux acharnés, trois confinements et une catastrophe naturelle », est un projet d'un trio de trentenaires, amoureux de la nature.
La native du sud de la France Mickaëlle Chabat, son mari québécois Louis-Philippe Riel et leur associé Alexis Bijaoui ont abandonné leurs vies parisiennes pour s'installer dans un village de 80 habitants construit au XIVe siècle, à 1 100 mètres d'altitude.
« Au retour des skis, mon mari est tombé par hasard sur cette maison abandonnée depuis 30 ans (...). On l'a visitée, on est tombé fous amoureux de la maison, de la vue », raconte Mickaëlle Chabat.
Lorsqu'ils habitaient à Paris, ils partaient skier les week-ends d'hiver à Chamonix et faire de l'escalade en été en Bourgogne. « En 2016, on a eu un enfant et on s'est dit : ‘il faut qu'on trouve un lieu où tout est à proximité’ ».
Ils l'achètent en septembre 2019 avant le premier confinement et lâchent leur vie à Paris pour en faire « une auberge ancrée dans son environnement ».
La cuisine est « vivante » et le menu change tous les jours.
« Restaurant de demain »
« On achète des bêtes entières, des poissons entiers », raconte Mickaëlle Chabat.
Les ingrédients viennent du potager ou bien des fermiers ou poissonniers qui se trouvent à « une heure de route maximum » de l'Auberge, souligne pour sa part Alexis Bijaoui, aux fourneaux avec Louis-Philippe Riel.
Des pièces de viande sont rôties en entier et le pain au levain est fait sur place de même que des yaourts.
Le légume est au centre de l'assiette comme le céleri rave confit avec des graines de livèche du jardin accompagné de sauce poulette à base de fond de viande et de champignons.
Coupés finement, les haricots verts sont servis en risotto lié avec une sauce à base de graines de courges.
« Dans un endroit isolé comme le nôtre, il y a une réflexion plus importante, on travaille les produits avec plus de rigueur et d'attention, on traite la totalité des légumes, les peaux , tous les tiges », souligne Alexis Bijaoui qui avait travaillé avec le chef triplement étoilé Alain Passard.
Il aime « être créatif dans la restriction » et retrouver des goûts complexes avec le peu de produits dont il dispose. Ainsi un mélange de plantes séchées trouvées dans la nature remplacent le goût de la vanille...
« C'est un travail plus fatiguant, mais c'est beaucoup plus gratifiant de servir des choses que les gens n'ont pas l'habitude de manger ».
Pour lui, le restaurant de demain soutiendra l'agriculture locale et « sera plus écoresponsable qu'un restaurant de ville ». « Cet exode sera positif pour la France », conclut-il.