Les signares du Sénégal, ou la mémoire malmenée de métisses qui ont réussi

Des mannequins travaillant avec le créateur de mode Ndeye Diop Guisse se promènent en portant leurs tenues traditionnelles de Signares à la périphérie de Saint Louis le 10 août 2021. Les Signares étaient traditionnellement des femmes euro-africaines aux XVIIIe et XIXe siècles de l'île de Gorée et de Saint Louis. au Sénégal, ils occupaient des postes de pouvoir, de statut et de richesse dans le commerce atlantique des esclaves et étaient connus pour leurs somptueuses tenues et bijoux. (Photo, AFP)
Des mannequins travaillant avec le créateur de mode Ndeye Diop Guisse se promènent en portant leurs tenues traditionnelles de Signares à la périphérie de Saint Louis le 10 août 2021. Les Signares étaient traditionnellement des femmes euro-africaines aux XVIIIe et XIXe siècles de l'île de Gorée et de Saint Louis. au Sénégal, ils occupaient des postes de pouvoir, de statut et de richesse dans le commerce atlantique des esclaves et étaient connus pour leurs somptueuses tenues et bijoux. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 13 novembre 2021

Les signares du Sénégal, ou la mémoire malmenée de métisses qui ont réussi

  • Aminata Sall est la conservatrice d'un musée dédié à l'histoire et aux traditions. Elle fait aussi partie d'une association qui préserve la mémoire de Saint-Louis et de certaines de ses filles illustres, les signares
  • Elles sont un certain nombre comme elle à faire en sorte que, malgré les siècles, les signares soient reconnues comme des femmes entreprenantes et souvent puissantes

SAINT-LOUIS, Sénégal : Aminata Sall ne s'en cache pas: elle demande "pour quoi faire" à quiconque approche son musée dans le nord du Sénégal pour piocher dans la spectaculaire collection de robes traditionnelles qu'il recèle.


Un professeur lui avait répondu que ces tenues renvoyant à l'histoire unique des femmes métisses de Saint-Louis serviraient lors d'une remise de diplômes. Elle lui a dit: "Si c'est juste pour le décor, je ne vous les loue pas", relate-t-elle dans son bureau aux fenêtres ouvrant sur le fleuve Sénégal, non loin des réserves sombres dans lesquelles une centaine de toilettes théâtrales or, grenat ou vert d'eau attendent l'occasion de sortir de leurs cartons.


Aminata Sall est la conservatrice d'un musée dédié à l'histoire et aux traditions. Elle fait aussi partie d'une association qui préserve la mémoire de Saint-Louis et de certaines de ses filles illustres, les signares.


Elles sont un certain nombre comme elle à faire en sorte que, malgré les siècles, les signares soient reconnues comme des femmes entreprenantes et souvent puissantes, et non pas réduites à des élégantes tropicales dont de lointaines et séduisantes doublures agrémenteraient les visites de ministre.


Il y a une "perte de sens", déplore la conservatrice.


L'ascension des signares épouse l'histoire de Saint-Louis, poste créé par des Français au XVIIème siècle, devenu un important comptoir du commerce de la gomme arabique, de l'or, de l'ivoire et des esclaves, et la capitale de l'ensemble colonial français en Afrique de l'Ouest.


A Saint-Louis ou plus au sud, sur l'île de Gorée, émerge alors un groupe à la croisée des cultures européennes et africaines, métissage longtemps distinctif de Saint-Louis, "laboratoire d'une nouvelle société différentielle" selon l'Unesco qui a inscrit la ville au patrimoine mondial.


A l'époque, les arrivants européens se mettent en ménage avec des autochtones. Certaines sont des esclaves que leur maître affranchit. Ils ont des enfants métis. Le "mariage à la mode du pays" s'institutionnalise, bien que réprouvé par l'Eglise, et sert d'ascenseur social.

Un rituel sorti de l'oubli
Des fortunes métisses se constituent, par le truchement de l'héritage, et grâce à l'opportunisme de ces femmes que les maris avaient associées à leurs affaires.


Apparaît un "nouveau mode de vie qui n'a rien à voir avec la tradition sénégalaise", selon les mots de la chercheuse Aissata Kane Lo. Les témoignages locaux et les récits de voyageurs dépeignent une bourgeoisie féminine agissante. A heures fixes, les signares sortent faire étalage d'un raffinement synthétisant traits européens et africains.


A partir du milieu du XIXème, l'empreinte des signares s'estompe sous l'effet de l'abolition de la traite, de la colonisation qui défavorise le commerce local, et des transformations sociales.


Marie-Madeleine Valfroy Diallo, 73 ans, journaliste, actrice, entretient la flamme. A la tête d'une société de production, elle a tiré de l'oubli en 1999 le fanal, fête populaire saint-louisienne qui aurait pour origine la procession des signares à la lumière des lanternes.


Depuis, "tout le monde vient et nous dit: +ah! on a une grande fête, on a des hôtes de marque, est-ce que Marie-Madeleine peut nous envoyer des signares+", revendique-t-elle.

(Photo, AFP)


Lors du fanal, les signares chatoient parmi les figurants en costume, robes cintrées au-dessus de la taille, bouffantes en dessous, parées de fronces, de voiles et de dentelles, avec la coiffe et le châle assortis.


Cet engouement fait travailler les artisans de la place. 


Ndéye Diop Guissé, 42 ans, deux fois lauréate du concours national des couturiers, confectionne des robes de signares sur commande, en plus de ses activités de styliste. Elle recrute comme mannequins les jeunes femmes qu'elle forme par ailleurs à la couture dans son modeste atelier d'un quartier populaire.

«Un patrimoine»

"Nous sommes vraiment fières de mettre ces tenues", dit l'une d'elles, Awa Marie Sy, après avoir consacré beaucoup de minutie et d'excitation à s'apprêter pour une démonstration sur les anciens quais de Saint-Louis.


"Ces tenues étaient portées par nos aïeules, qui étaient comme des reines, aimables, accueillantes, toujours le sourire au visage", dit-elle.


Des mots propres à piquer la conservatrice Aminata Sall. "Les gens oublient ou font semblant d'oublier. Il faut qu'ils comprennent qu'elles ont joué un grand rôle, comme les colonisateurs. On ne peut pas l'effacer, c'est l'histoire", s'enflamme-t-elle.

(Photo, AFP)


Les signares ont inspiré Léopold Sédar Senghor, le musicien Youssou Ndour et des stylistes contemporaines. 


Mais "seuls quelques notables s’en réclament encore. A Saint-Louis, mis à part le costume folklorisé à l’occasion d’événements culturels ou politiques, la mémoire des signares a disparu", dit l'universitaire Aissata Kane Lo.


"Il reste quelques noms (de signares), d'autres ont disparu parce qu'il y avait beaucoup de filles", relate Ariane Réaux, une hôtelière qui propose des conférences sur les signares et des mariages à la mode du pays dans son établissement au bout d'une étroite langue de sable entre océan et fleuve.


"Il y a beaucoup de choses que les gens ne comprennent pas trop", concède-t-elle. Mais elle rapporte une fascination répandue pour la rencontre impossible de deux mondes il y a des siècles de cela.


"C'est pas du spectacle, c'est un patrimoine, les signares. Cela fait partie d'une histoire entre la France et le Sénégal. Rien de tel ne s'est produit ailleurs", dit-elle.


Zad Moultaka à l’IMA, convoite la paix à travers la musique et l’art plastique

Zad Moultaka, artiste inclassable d’origine libanaise est de retour à l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris avec son installation revisité SAMAS, « Crier la paix », jusqu’au 6 Avril prochain. (IMA)
Zad Moultaka, artiste inclassable d’origine libanaise est de retour à l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris avec son installation revisité SAMAS, « Crier la paix », jusqu’au 6 Avril prochain. (IMA)
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  • L’installation SAMAS occupe une place particulière dans le travail de Moultaka
  • Ce mot, emprunté à l'acadien et au sumérien, désigne le Dieu de la justice dans les civilisations antiques

PARIS: Zad Moultaka, artiste inclassable d’origine libanaise est de retour à l’Institut du Monde Arabe (IMA) à Paris avec son installation revisité SAMAS, « Crier la paix », jusqu’au 6 Avril prochain.

Il s’agit d’une œuvre choc, une œuvre qui se vit, émotionnellement, physiquement… à travers un mélange de création musicale et d’art plastique.

C’est une œuvre qui ne peut pas laisser indifférent, qui peut déranger, mais à l’arrivée, c’est une prière pour que cesse la violence sur terre.

L’installation SAMAS occupe une place particulière dans le travail de Moultaka. Ce mot, emprunté à l'acadien et au sumérien, désigne le Dieu de la justice dans les civilisations antiques. Mais derrière cette référence historique se cache une réflexion bien plus large sur la construction et la déconstruction des sociétés.

« J'ai mis en parallèle l'image d'un moteur de Bombardier des années 50 et celle du code de hammurabi. Les deux ont une forme identique, cela m'a frappé : les mêmes structures qui ont servi à poser les bases d'une civilisation sont celles qu'on utilise pour la détruire », explique-t-il à Arab News en français.

Une constatation glaçante qui alimente une réflexion profonde sur la répétition des cycles de violence à travers l'histoire. « Comme disait Einstein, ce qu'on a appris de l'histoire c'est qu'on a jamais rien appris de l'histoire. SAMAS est une tentative de questionner cette fatalité, de voir s'il est possible d'en sortir ».

Mais si ces œuvres sont porteuses d'un message, il tient à ce qu'elle parle d'elle-même. « Une œuvre forte doit pouvoir toucher sans avoir besoin d'explications, on peut la ressentir, se l'approprier, et même lui donner un sens différent de celui qu'avait en tête l'artiste ».

Dans un monde où les disciplines artistiques tendent parfois à se cloisonner, Zad Moultaka fait figure d'exception. Son univers est à la croisée de multiples influences mêlant peinture, écriture, musique et installations immersives. Une approche qui selon lui s'inscrit dans une tradition bien plus ancienne qu'il n'y paraît

« Les artistes de la Renaissance étaient musiciens, peintres, sculpteurs… Il n'y avait pas de frontières entre les arts tant que l'ensemble restait cohérent. Aujourd’hui, on retrouve cette liberté, et c'est passionnant », confie-il avec un enthousiasme. Cette polyvalence n'est pas qu'un simple goût pour l'expérimentation : elle est au cœur de sa démarche, un langage multiple pour exprimer une vision du monde.

Mais d’où vient cette aisance dans tant de discipline, Moultaka hésite. « c'est un peu mystérieux ... Je ne sais pas vraiment, j'ai grandi dans un environnement ouvert aux arts avec des parents impliqués dans le théâtre. Très tôt, j’ai baigné dans le rapport à l'espace, au son, au visuel ». Un héritage culturel évident mais qui ne suffit pas à expliquer ce talent pluridisciplinaire.

Car chez Moultaka, la création est avant tout une nécessité une quête « je me laisse guider, chaque médium me permet d'explorer un aspect différent de ce que je cherche à dire ».

Cette liberté d'interprétation fait écho à sa propre approche de la création. il refuse de s'enfermer dans une seule direction, préférant suivre les hasards du processus artistique « pour l'instant, je poursuis une quête à travers différents médias. mais je me laisse aussi la liberté d'être surpris, tout est possible ».

Un artiste nourri d'influences multiples, à l'image de son travail les inspirations de  moultaka sont vastes. De la pensée chinoise à la sculpture contemporaine, en passant par la littérature et l'art japonais, il puise dans des univers variés. « Il y a des points de lumière sur mon chemin des œuvres qui me nourrissent. Christian bobin, par exemple, a une importance particulière pour moi ».

Interdisciplinaire, cosmopolite, imprévisible : Moultaka incarne une vision de l'art en perpétuelle évolution. Une démarche qui refuse les étiquettes préférant le dialogue entre les formes, les époques et les émotions, une liberté rare qui fait toute la force de son œuvre.

Parallèlement à l’IMA, l’aventure continue pour Moultaka à travers l’année 2025 qui lui est consacrée par Radio France, ponctuée d’une série de concerts, dont un concert à Notre Dame de Paris.

 

Spécial
Samas, de Zad Moultaka à l'IMA, pour crier la paix
Par Arab News en français -
Spécial
Semaine de la langue arabe à l'Institut du Monde arabe
Par Arab News en français -

«Seeking Haven for Mr. Rambo» fait ses débuts aux États-Unis avec le soutien du Royaume

«Seeking Haven for Mr. Rambo» raconte l'histoire du protagoniste Hassan qui cherche un refuge pour son meilleur ami, son chien bien-aimé Rambo. (Photo fournie)
«Seeking Haven for Mr. Rambo» raconte l'histoire du protagoniste Hassan qui cherche un refuge pour son meilleur ami, son chien bien-aimé Rambo. (Photo fournie)
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  • Le film sera projeté les 9, 11 et 14 février dans le cadre d'un festival américain après la Mostra de Venise et le Festival international du film de la mer Rouge (RSIFF) de Djeddah en 2024
  • Il raconte l'histoire du protagoniste Hassan qui cherche un refuge pour son meilleur ami, son chien bien-aimé Rambo, après que celui-ci a été menacé par leur propriétaire

DUBAÏ: Soutenu par le le Fonds de la mer Rouge, «Seeking Haven for Mr. Rambo» du cinéaste égyptien Khaled Mansour a été présenté en première américaine au 40e Festival international du film de Santa Barbara.
Le film sera projeté les 9, 11 et 14 février au festival américain après la Mostra de Venise et le Festival international du film de la mer Rouge (RSIFF) de Djeddah en 2024.

Premier film égyptien à être projeté à la Mostra de Venise en septembre depuis 12 ans, «Seeking Haven for Mr. Rambo» raconte l'histoire du protagoniste Hassan qui cherche un refuge pour son meilleur ami, son chien bien-aimé Rambo, après que celui-ci a été menacé par leur propriétaire.

«L'histoire de 'Seeking Haven for Mr. Rambo' est centrée sur ma génération et, à travers le voyage de Hassan, nous avons approfondi nos pensées, nos croyances, nos peurs et notre sentiment d'appartenance. La réalisation de ce projet a pris environ huit ans, car j'avais l'intention de présenter un cinéma unique et authentique», a déclaré M. Mansour à Arab News lors du RSIFF de décembre.

L'auteur, qui a également réalisé trois courts métrages et une mini-série intitulée «Rawaa Reads» (2023), a poursuivi: «C'est mon premier long métrage de fiction, et ce film n'est pas (seulement) l'histoire d'un chien et de son ami, mais il traite des complexités de notre génération, mettant en lumière (la) lutte... que nous traversons dans notre société.»

Le film s'inspire d'un incident réel qui a conduit un tribunal égyptien à emprisonner quatre hommes en 2015 pour le meurtre brutal d'un chien, qui avait été filmé, suscitant une vague d'indignation sur les réseaux sociaux.


Le festival littéraire de Diriyah inspire les enfants

Dans le village des histoires, les jeunes visiteurs ont écouté des récits inspirants racontés par des professionnels. (SPA)
Dans le village des histoires, les jeunes visiteurs ont écouté des récits inspirants racontés par des professionnels. (SPA)
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  • Les enfants ont pu montrer leurs talents artistiques dans le coin des histoires et des dessins, où ils ont transformé les histoires en peintures reflétant leur vision créative.

RIYADH : Le festival du conte de Diriyah, qui s'est achevé le 8 février, visait à encourager l'amour de la lecture et des contes chez les jeunes enfants.

Faisant partie d'une série d'événements organisés dans le cadre de la Saison de Diriyah sur le thème « Divertissez votre curiosité culturelle », le festival a transformé Diriyah en un monde magique pour les enfants, qui se déplaçaient d'un pavillon à l'autre.

Photo/Agence de presse saoudienne
Photo/Agence de presse saoudienne

Dans le village des contes, les jeunes visiteurs ont pu écouter des histoires inspirantes racontées par des professionnels.

Les spectacles d'ombres, pour leur part, transportaient les enfants dans des univers inspirés du livre Kalila et Dimna, offrant une expérience visuelle unique alliant art et littérature.

Photo/Agence de presse saoudienne
Photo/Agence de presse saoudienne

Les enfants ont également pu montrer leurs talents artistiques dans le coin des histoires et des dessins, où ils ont transformé des histoires en peintures reflétant leur vision créative.

Les spectacles interactifs n'étaient pas en reste, présentant des récits historiques inspirés du riche patrimoine de Diriyah dans un format théâtral et interactif qui encourageait les enfants à s'impliquer activement. Cette expérience a ainsi pris une dimension éducative et culturelle enrichie.

L'initiative a été organisée pour renforcer le rôle du Royaume en tant que plaque tournante des arts et de la littérature à l'échelle mondiale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com