MARSEILLE: «Reconstruire», un verbe désormais sur toutes les lèvres au Liban, dont la capitale a été lourdement sinistrée lors de l’explosion meurtrière du 4 août dernier. Depuis, des civils bénévoles s’improvisent maçons, couvreurs, peintres et électriciens pour redonner à Beyrouth son visage d’antan.
Le chantier est immense. En plus des habitations, des monuments, des bâtiments classés patrimoine historique et des musées ont été complètement ou partiellement détruits. En tout, 650 édifices patrimoniaux sont quasiment à l’état de ruines.
Grâce au soutien de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph), le Musée national, le musée Sursock, des maisons historiques, ainsi que des édifices religieux feront cependant peau neuve. Au Liban, pour répondre à la catastrophe, l’organisation a très vite réagi, et a réussi à débloquer 5 millions de dollars nécessaires au lancement des projets de réhabilitation. Afin de mieux comprendre ce soutien, Arab News en français s’est entretenu avec Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat français de 2011 à 2014, et vice-présidente de l’organisation Aliph.
Comme une start-up
Pour Bariza Khiari, il n’y a pas de choix diplomatiques concernant les projets retenus par Aliph, mais plutôt des priorités, à l’instar de l’Irak, du Mali, de la partie nord-est de la Syrie, et récemment du Liban, puisque ces régions ont été la proie de destructions considérables.
«Le Liban fait désormais partie de nos priorités, assure-t-elle. Nous réhabilitons le Musée national, le musée Sursock, le Musée archéologique de l’université Américaine et la cathédrale Saint-Georges, tout en gardant pour objectif de mettre hors de l’eau la majorité des maisons sinistrées avant les pluies. L’hiver n’attend pas.»
Si la devise d’Aliph est : «Action, action, action!», Bariza Khiari explique : «nous ne sommes pas une grosse structure, et nous n’avons donc pas besoin de demander la permission de plusieurs personnes avant de délibérer».
«L’organisation privée au statut d'organisation internationale a en effet pour mission de protéger et de réhabiliter le patrimoine dans les zones de conflit, et fonctionne comme une une start-up, avec des prises de décision en circuit court, grâce à un panel d’experts très expérimentés capables d’établir un plan d’action concret dans des délais très brefs», explique-t-elle.
Née de l’alliance entre plusieurs États, dont la France, les Émirats arabes unis, l'Arabie saoudite, le Koweït, le Maroc, le Luxembourg et la Chine, Aliph, c’est aujourd’hui plus de 60 projets partagés entre seize pays, et un budget global de 20 millions de dollars. La fondation qui existe depuis mars 2017, a pour vocation de répondre aux besoins sur le terrain, tout en collaborant avec des opérateurs internationaux et des experts locaux. À bien des égards, elle porte bien son nom puisque Aliph rappelle la première lettre de l’alphabet arabe, qui signifie ainsi le «commencement», ou plutôt le «recommencement», dans ce contexte de reconstruction.
Un message d’espoir
En effet, la mission d’Aliph comporte deux volets : d’une part, le financement et, d’autre part, le suivi des projets par l’intermédiaire des opérateurs sur place. Soutenue par le Conseil international des musées (Icom), une équipe d’architectes, d’ingénieurs et d’autres professionnels rattachés au Louvre de Paris, travaille actuellement sur place à Beyrouth, aux côtés de la direction générale des Antiquités du Liban, qui a elle-même fait appel à différents corps de métier et associations libanaises, comme la Beirut Built Heritage Rescue 2020.
Pour assurer une gestion efficiente de l’investissement, Aliph débloque les fonds nécessaires au fur et à mesure, en fonction de l’évolution des chantiers. «À terme, nous serons prêts à débloquer plus que les 5 millions de dollars annoncés pour la reconstruction de Beyrouth», atteste Bariza Khiari. Les dommages, eux, sont estimés à plus de 300 millions de dollars.
Dans le but de limiter les risques de destruction, Aliph œuvre également pour la protection préventive. Étant donné la situation instable du Liban, des actions de prévention en aval des réhabilitations pourraient être nécessaires.
«Nous avons l’habitude de travailler dans des zones de conflits. Or, la pagaille actuelle qui secoue le Liban est le fruit de conflits antérieurs. Nous étudions le fait générateur, qui est l’organisation actuelle de l’État, et les conflits qui en découlent», confie Bariza Khiari.
Sans changement structurel, le pays du Cèdre pourra difficilement se relever, et le domaine de la culture sera encore une fois le plus affecté.
«J’ai été la présidente du groupe d’amitié France-Liban du Sénat. C’est un pays que je connais bien, révèle la vice-présidente d’Aliph, émue par la situation d’un pays qui, depuis quelque temps, accumule les coups durs. Oui, je mesure toutes les souffrances vécues par ce pays. J’ai l’impression que le sort s’acharne sur le Liban, et nous lui viendrons en aide.»