Le pari de Biden, qui veut réveiller le rêve américain, prend péniblement forme

Le président américain Joe Biden, le 19 février 2021. (Photo, AFP)
Le président américain Joe Biden, le 19 février 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 06 novembre 2021

Le pari de Biden, qui veut réveiller le rêve américain, prend péniblement forme

  • La Chambre des représentants a voté en faveur d'un énorme programme de construction et rénovation d'infrastructures, pesant 1.200 milliards de dollars destinés aux routes, aux ponts, aux transports publics, aux réseaux d'eau potable
  • C'est le grand pari de Biden: sauver une démocratie en péril et apaiser les clivages creusés par Trump en ravivant le rêve américain de prospérité, grâce à une intervention massive de l'Etat fédéral

WASHINGTON : Réveiller le grand rêve américain de la prospérité pour apaiser un pays meurtri? C'est le pari, risqué, que fait Joe Biden avec ses grands plans d'investissements, qui prennent péniblement forme.


Vendredi, en fin de soirée, et après bien des péripéties parlementaires de dernière minute, la Chambre des représentants a voté en faveur d'un énorme programme de construction et rénovation d'infrastructures, pesant 1.200 milliards de dollars destinés aux routes, aux ponts, aux transports publics, aux réseaux d'eau potable.


Déjà adoubé par le Sénat, l'autre chambre du Congrès américain, le texte n'attend plus que la signature du président démocrate, un an presque jour pour jour après l'élection qui l'a vu battre Donald Trump.


Certes, l'autre grand volet du plan Biden, 1.750 milliards de dépenses bien plus audacieuses dans l'éducation, la santé et la transition énergétique, n'est pas encore voté par le Congrès, même si Joe Biden promet que ce sera chose faite la semaine du 15 novembre.


Certes, le processus laissera des traces au sein du camp démocrate, où les fractures entre parlementaires centristes et élus plus progressistes sont apparues au grand jour.


Mais le président de 78 ans ne devrait pas bouder son plaisir.


"En passant ces lois, nous dirons clairement aux Américains: nous entendons vos voix, nous allons investir dans vos espoirs, vous aider à garantir un avenir meilleur pour vous-mêmes et vos familles, et assurer que l'Amérique sorte gagnante" de la grande compétition internationale avec les régimes autoritaires, a-t-il encore expliqué vendredi.

«Joey», enfant de la classe moyenne              

C'est le grand pari de Joe Biden: sauver une démocratie en péril et apaiser les clivages creusés par Donald Trump en ravivant le grand rêve américain de la prospérité pour tous, grâce à une intervention massive de l'Etat fédéral.


Le président aime à se présenter comme "Joey" Biden, enfant de la classe moyenne né dans une famille d'origine irlandaise en Pennsylvanie, dans la grande zone industrielle de la "Rust Belt", la "ceinture de rouille". Il évoque volontiers son père, homme dur à la tâche qui retournait travailler après le dîner, et qui a connu son lot de cahots financiers.


La priorité de Joe Biden, il l'a dit encore vendredi, est de "soulager l'anxiété" économique et sociale des familles américaines face à la mondialisation. Comment? En leur donnant des "boulots bien payés", en réduisant un peu la facture des médicaments ou de la crèche, en leur permettant d'acheter de rutilantes voitures électriques "Made in USA" qui rouleront sur des autoroutes neuves...


Mais ses projets restent mal compris des Américains: depuis un retrait chaotique d'Afghanistan cet été, la cote de confiance de Joe Biden n'en finit plus de chuter.


"Personne ne l'a élu pour être FDR", Franklin Delano Roosevelt, le président qui a lancé les grands plans de relance du "New Deal" pour tirer l'Amérique de la récession des années 1930, a fustigé dans le New York Times Abigail Spanberger, élue démocrate en Virginie - cet Etat du sud vient tout juste de choisir un gouverneur républicain, un cuisant revers pour la Maison Blanche.


Selon certains historiens, Joe Biden ambitionnerait moins d'imiter "FDR" que de suivre "LBJ". 


Lyndon B. Johnson, arrivé à la Maison Blanche après l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy, avait lancé d'ambitieuses réformes sociales, la "Grande société", donnant au gouvernement fédéral un poids inédit dans la vie quotidienne des Américains.

«Big government»

"LBJ" voulait tenir la promesse de la Déclaration d'indépendance, ce texte fondateur qui fait figurer la "quête du bonheur" au nombre des droits fondamentaux. Joe Biden, plus modestement, parle de "donner un peu d'air" aux familles américaines.


S'il obtient enfin un feu vert du Congrès pour ses plans d'investissements, ce sera une indéniable victoire, à un an d'élections de mi-mandat traditionnellement difficiles pour le parti du président au pouvoir.


Mais le pari de réformateur de Joe Biden est risqué, comme l'a montré le récent scrutin en Virginie. Là où le candidat démocrate malheureux a tenté de mobiliser contre Donald Trump et sur des thématiques nationales, le républicain Glenn Youngkin, qui l'a emporté, a choisi des problématiques locales, en particulier l'éducation.


Le nouveau gouverneur de Virginie a agité un épouvantail qui effraie au-delà du seul camp conservateur, celui d'un Etat fédéral jugé trop intrusif, qui se mêle des programmes scolaires, des choix familiaux, de la vie des entreprises... Ce que l'on appelle aux Etats-Unis, de manière péjorative, le "big government".

Infrastructures, dépenses sociales, climat: les deux grands plans de Biden

WASHINGTON : Routes, ponts, internet à haut débit, éducation, transition énergétique et protection du climat: les deux grands plans d'investissements de Joe Biden soumis vendredi à la Chambre des représentants promettent de transformer les Etats-Unis.


Voici les principales mesures du plan sur les infrastructures, qui doit être définitivement adopté, et du plan "Build Back Better" ("Reconstruire en mieux"), qui doit encore être validé par le Sénat:

Infrastructures
Le plan de 1.200 milliards de dollars prévoit la construction, la modernisation ou l'entretien de milliers de kilomètres de routes, des ponts, des barrages, des écluses sur les fleuves et les canaux, ainsi que la construction de pistes cyclables ou voies piétonnes et des investissements dans des projets aéroportuaires.


Le transport ferroviaire de voyageurs sera modernisé, avec la création de nouvelles liaisons entre villes, notamment en train à grande vitesse.


L'accès à l'internet à haut débit, très cher aux Etats-Unis, sera étendu dans les zones "blanches" rurales et de nouvelles régulations pour faire baisser les prix ou aider les familles qui n'en ont pas les moyens sont prévues.


Des milliers de kilomètres de nouvelles lignes électriques seront aussi construites, avec une énergie produite à partir de sources renouvelables. Des investissements sont aussi prévus dans la recherche sur les nouvelles technologies: capture du CO2, "hydrogène propre" et énergie nucléaire.


Un volet sur la dépollution des zones contenant des déchets toxiques, des terrains miniers abandonnés et des puits de gaz qui n'ont pas été bouchés, ainsi que le remplacement des conduites d'eau qui comportent du plomb est également à l'ordre du jour.


Le plan financera des mesures pour atténuer l'impact du changement climatique, en améliorant l'adaptation des populations aux catastrophes naturelles (incendies, inondations, ouragans). 


Les fameux bus scolaires jaunes passeront au zéro-émission et un réseau national de bornes de rechargement sera développé pour stimuler le marché des véhicules électriques.


Enfin, des mesures concernent la lutte contre les cyberattaques, qui ont récemment visé la distribution de carburant.

«Build Back Better»
Le gigantesque volet social de Biden, doté d'au moins 1.750 milliards de dollars, prévoit l'accès gratuit à une structure scolaire pour les enfants de 3 et 4 ans, et des coûts de garde d'enfants qui ne doivent pas dépasser 7% des revenus d'un foyer.


L'actuel crédit d'impôts sur les enfants serait prolongé pour les foyers touchant jusqu'à 150.000 dollars par an.


Il propose aussi un congé parental ou pour raison familiale ou médicale de quatre semaines.


Des investissements de "résilience" sont prévus pour faire face aux événements climatiques extrêmes comme les feux de forêt, les sécheresses, et les ouragans.


Il comprend des crédits d'impôts pour l'énergie verte concernant la production, le transport, et le stockage d'énergies renouvelables, ainsi que la production de véhicules dits "propres" pour particuliers et professionnels.


Des incitations ciblées vont stimuler l'innovation technologique dans l'énergie solaire, les batteries et les matériaux de pointe.


Le plan propose l'extension des crédits d'impôts sur les options d'assurance-maladie pour les Américains les plus défavorisés.


Le Medicare, un système public d'assurance santé destiné aux plus de 65 ans et à ceux aux revenus les plus modestes, couvrirait les coûts des soins auditifs et pourrait négocier avec les laboratoires pharmaceutiques les prix de certains médicaments.


L'accès au logement, y compris dans les zones rurales, serait étendu avec la construction de plus d'un million de maisons à louer, des aides pour le paiement du loyer et pour un crédit immobilier.


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »