PARIS: « Je ne suis pas un ange », déclarait Alexandre Benalla au dernier jour de son procès. Voici les moments forts de ces trois semaines d'audience, alors que le tribunal doit rendre son jugement vendredi.
« Le trou pour vous mettre dedans »
Le 13 septembre, celui qui est à l'origine du plus grand scandale du quinquennat est à la barre. Larges épaules serrées dans un costume, lunettes rondes et courte barbe, l'ancien proche collaborateur d'Emmanuel Macron, qui vient d'avoir 30 ans, décline son identité.
Le tribunal l'interroge d'abord sur son parcours, sur un selfie de 2017 où il semble porter une arme et sur ses nébuleuses fonctions à l’Élysée, au fil d'échanges parfois tendus avec la présidente Isabelle Prévost-Desprez, connue pour son franc-parler.
Le deuxième jour, la magistrate le questionne sur son téléphone personnel, qu'il a assuré en garde à vue avoir « perdu » - or les investigations ont montré qu'il l'avait utilisé une fois dehors.
« Perdre quelque chose, le retrouver, c'est une possibilité », maintient le prévenu, se défendant d'avoir fait « obstacle à la manifestation de la vérité ».
« Ici on peut mentir comme on veut, mais quand ça coince, ça coince », prévient la présidente. « C'est comme si vous creusiez le trou pour vous mettre dedans ». Au dernier jour du procès, Alexandre Benalla reconnaîtra avoir « menti » sur ce point.
L'« énarque » et le « débrouillard »
S'il admet avoir utilisé frauduleusement ses deux passeports diplomatiques après son départ de l’Élysée - une « bêtise » - Alexandre Benalla conteste avoir fabriqué un « faux » pour obtenir un autre passeport, de service cette fois.
L'ancien chef de cabinet François-Xavier Lauch, dont le prévenu est soupçonné d'avoir utilisé le papier a en-tête, est partie civile.
Entre les deux hommes aux parcours très différents, l'atmosphère est glaciale au quatrième jour du procès. Au fil des questions, ils s'échangent des salves grinçantes.
« C'est ma parole contre trois personnes », s'énerve Alexandre Benalla en fin de journée, citant ses anciens supérieurs au « Château ». « Qu'est-ce que vous voulez que je fasse face à ces gens-là ? S'ils veulent dire que je suis un menteur, je suis un menteur ! »
« Coups » et « effleurements »
Le 24 septembre, le tribunal arrive au cœur du dossier: les violences reprochées à Alexandre Benalla sur un couple place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018.
Les vidéos des évènements sont diffusées, disséquées, au ralenti, image par image.
Alexandre Benalla conteste vigoureusement avoir porté des « coups volontaires », parle de « gestes techniques ratés ».
Il assure qu'il ne frappe pas mais « effleure » la tête de Georgios D., se met à mimer à la barre pour montrer qu'il ne « marche » pas volontairement sur lui mais qu'il est « entraîné dans (sa) chute ».
Le tribunal semble sceptique, confronte sa version à celle du couple, Georgios D. et Chloé P.
« C'est pas facile, on ne comprend toujours pas pourquoi ça s'est passé comme ça aujourd'hui », déclare cette dernière en fin d'audience. « Pour dire la vérité, je n'attends pas grand-chose de ce procès, dès le départ ce qu'on veut, c'est des excuses. Tout le reste c'est plus fort que nous, ça va rester un traumatisme à vie. »
« Janus » aux deux visages
Dans un réquisitoire de près de quatre heures qui s'étire dans la nuit du 30 septembre, le parquet appelle à la « nuance » dans un dossier « déjà jugé par le tribunal de l’opinion ».
Dépeignant Alexandre Benalla en « Janus » - d'un côté, « ce professionnel reconnu et compétent », de l'autre, un jeune « sans filtre, qui sera rattrapé par son tempérament », l'accusation requiert 18 mois d'emprisonnement avec sursis à son encontre.
Une « condamnation en forme de reçu, en solde de tout compte. Pour que l'affaire Benalla (...) s'efface devant un jugement ».
« Regrets »
Le lendemain, à l'issue des plaidoiries de relaxe de ses avocats, Alexandre Benalla a la parole en dernier.
« Je ne suis pas un ange, je ne fais pas les choses dans les règles, sinon je ne serais pas arrivé où j'en étais », déclare-t-il. « Est-ce que ça fait de moi un délinquant ? »
Le 1er mai 2018, il assure avoir voulu « rendre service » mais admet une « erreur de jugement ».
Il énonce aussi ses « regrets »: pour « ses coprévenus », pour « ne pas avoir réussi à protéger l'institution que je servais, l’Élysée », pour « la trentaine de personnes qui se sont échouées dans ce naufrage Benalla ».
L'audience levée, il se dirige vers Georgios D. et lui serre la main.