WASHINGTON: Joe Biden a annoncé jeudi, avant son départ pour l'Europe, les nouveaux contours de son plan de dépenses sociales et environnementales, présenté comme "historique", se disant confiant d'obtenir enfin le soutien de toutes les franges du parti démocrate.
"Après des mois de négociations difficiles et intenses, nous avons un accord-cadre qui, je crois, peut être adopté", a-t-il tweeté avant de se rendre lui-même au Congrès.
The Build Back Better Framework will set the U.S. on course to meet our climate targets, create millions of good-paying jobs, and grow our economy from the bottom up and the middle out.
— Joe Biden (@JoeBiden) October 28, 2021
It’s fully paid for by asking corporations and the wealthiest to reward work, not wealth.
Pour rallier les centristes, il a consenti à ramener le montant de son plan à 1 750 milliards de dollars sur une décennie, soit moitié moins que ce qu'il envisageait initialement.
Un accord représenterait une victoire politique majeure pour le président américain, qui a misé une partie de sa présidence sur l'adoption de plans d'investissements d'envergure pour réformer l'Amérique.
"Tout le monde est sur la même longueur d'ondes", a-t-il déclaré à son arrivée au Capitole, où il rencontre les élus démocrates avant de revenir à la Maison Blanche pour y prononcer un discours à 11H30 (15H30 GMT).
« Bonne foi »
A la gauche du parti, on semblait plus prudent: l'élue de New York à la Chambre des représentants Alexandria Ocasio-Cortez et sa collègue de l'Etat de Washington Pramila Jayapal ont souligné qu'elles attendraient de voir le texte finalisé avant de s'engager à le voter.
"Le président Biden est convaincu qu'il s'agit d'un cadre qui peut être adopté par les deux chambres du Congrès, et il a hâte de le signer", avait indiqué plus tôt la Maison Blanche, qui espère un consensus après des mois de tensions autour du montant et des modalités de financement du plan "Build Back Better" ("Reconstruire en mieux").
Un accord de principe permettrait aussi au président américain de présenter à ses partenaires internationaux, en Italie pour le G20 puis à Glasgow (Ecosse) pour la COP26 sur le climat, l'image d'Etats-Unis engagés dans la transition énergétique et la croissance, ainsi que dans la lutte contre les inégalités sociales et l'évasion fiscale.
La Maison Blanche souligne que Joe Biden a entendu "les commentaires de toutes les parties" et "négocié de bonne foi" avec les sénateurs centristes Joe Manchin et Kyrsten Sinema, dont les voix sont indispensables car la majorité démocrate au Sénat est si ténue qu'une seule voix dissonante équivaut à un véto.
Ces deux sénateurs ont jusqu'alors fait obstruction, jugeant le montant trop élevé et s'opposant à la manière de le financer notamment par des hausses d'impôts sur les sociétés ou les ménages les plus aisés.
Joe Biden et son administration n'ont eu de cesse, eux, de mettre en avant l'importance de ces plans, arguant que les Etats-Unis sont en perte de compétitivité et font figure de mauvais élève parmi les pays avancés, que ce soit en matière d'éducation, d'environnement ou de filet de sécurité sociale.
Dans un document détaillant les mesures, la Maison Blanche relève ainsi que ce plan permettrait "à la plupart des familles américaines d'économiser plus de la moitié de leurs dépenses de garde d'enfants" et "offrira(it) deux ans d'école maternelle gratuite pour chaque enfant de 3 et 4 ans en Amérique".
Aujourd'hui, la majorité des écoles du pays n'accueillent pas les enfants avant l'âge de 5 ans.
555 milliards pour le climat
A l'adresse des participants de la COP26, la Maison Blanche souligne par ailleurs que le plan "Build Back Better" contient "le plus grand effort (financier) de lutte contre le changement climatique de l'histoire américaine", soit 555 milliards de dollars.
C'est un investissement "unique (...) dans l'histoire", qui cible les bâtiments, les transports, l'industrie, l'électricité, l'agriculture et l'eau.
"Le cadre mettra les Etats-Unis sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs climatiques, en réalisant à l'horizon 2030 une réduction de 50 à 52% des émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 2005."
La Maison Blanche maintient que ce plan peut être financé par "les grandes entreprises rentables".
Le projet de loi contient ainsi des mesures pour que ces entreprises "ne puissent pas réduire leur facture fiscale à zéro" et prévoit des dispositions pour que les millionnaires et milliardaires mettent davantage la main au pot.
En revanche, il n'intègre pas la taxe sur les super-riches présentée mercredi, qui supposait d'imposer les plus-values latentes des milliardaires, ces gains dormants dans les épais portefeuilles d'actions des grandes fortunes américaines.
Outre "Build Back Better", le Congrès doit aussi valider un second plan de quelque 1.000 milliards de dollars destiné à moderniser les infrastructures du pays.
Les principales mesures du plan d'investissement
Voici les principales mesures incluses dans le programme d'investissements annoncé par la Maison Blanche:
Ecole et garde d'enfants
L'accès gratuit à une structure scolaire, avant l'entrée en école primaire, serait garanti pour les enfants de 3 et 4 ans - étendant ainsi un accès gratuit à plus de six millions d'enfants. Le programme est financé pour six ans.
Le plan propose également que les coûts de garde d'enfants pour les familles ne dépassent pas 7% de leurs revenus, concernant potentiellement 20 millions d'enfants.
L'actuel crédit d'impôts sur les enfants serait étendu d'un an pour plus de 35 millions de foyers américains. Les foyers touchant jusqu'à 150 000 dollars par an seraient ainsi bénéficiaires de ces aides mensuelles.
Energie verte
Des investissements de "résilience" sont prévus pour faire face aux évènements climatiques extrêmes comme les feux de forêt, les sécheresses, et les ouragans.
Des crédits d'impôts pour énergie verte, à hauteur de 320 milliards de dollars, concerneraient la production, le transport, et le stockage d'énergies renouvelables, ainsi que la production de véhicules dits "propres" pour particuliers et professionnels.
Des incitations ciblées souhaitent stimuler l'innovation technologique dans le domaine solaire, des batteries, et des matériaux de pointe.
Couverture santé
Le plan propose l'extension des crédits d'impôts sur les options d'assurance maladie de l'Obamacare, qui avait permis à partir de 2010 de fournir une assurance santé à des millions d'Américains jusque-là non-couverts. Cette extension irait jusqu'en 2025 et pourrait permettre à plus de trois millions de personnes d'obtenir une assurance santé.
Le Medicare, un système public d'assurance santé destiné aux plus de 65 ans et à ceux aux revenus les plus modestes, pourrait couvrir les coûts des soins auditifs.
Logement
Un investissement de 150 milliards de dollars est prévu pour l'accès au logement, y compris dans les zones rurales, avec la construction de plus d'un million de maisons individuelles à louer, des aides destinées au paiement du loyer, ainsi que des aides à l'apport pour un crédit immobilier.
Des mesures supprimées
Plusieurs mesures présentes initialement dans le plan ont été écartées ou rabotées après d'âpres négociations entre élus démocrates au Congrès.
L'harmonisation au niveau fédéral des règles du congé parental, aujourd'hui laissées à l'appréciation des Etats et des entreprises, a été supprimée, représentant une défaite majeure pour Joe Biden.
Une réforme de la tarification des médicaments n'est plus à l'ordre du jour, tout comme l'expansion du Medicare aux soins dentaires et optiques.
Les montants du plan d'investissements dans les énergies durables étaient également bien plus considérables initialement.
De même, la taxation des 700 Américains les plus riches, afin de financer les mesures, a été mise de côté.
Financement du plan
La Maison Blanche affirme qu'elle demandera "aux Américains les plus riches et aux entreprises les plus profitables de payer leur juste part".
Elle affirme en outre que le plan ne prévoit pas d'augmenter les impôts sur les petites entreprises ou sur ceux gagnant moins de 400 000 dollars par an.
Sont notamment prévus un taux d'imposition minimal de 15% sur les grandes entreprises ou encore un taux de pénalité pour les entreprises étrangères basées dans des pays non-conformes à la réglementation américaine.
Le plan devrait permettre également la suppression d'une niche fiscale qui permet aux plus riches d'éviter de payer la taxe sur le Medicare, et la création d'une nouvelle surtaxe sur les multimillionnaires et les milliardaires.
Enfin des investissements sont prévus pour mieux lutter contre l'évasion fiscale, estimée à 160 milliards de dollars par an en pertes de revenus pour l'Etat.