ARLINGTON: Joe Biden a fait campagne mardi pour le candidat démocrate au poste de gouverneur de Virginie, un Etat américain clé, exhortant les électeurs à battre "l'extrémisme" républicain lors d'une élection qui a valeur de test pour le président fragilisé.
A quelques jours du scrutin, prévu le 2 novembre, le président des Etats-Unis s'est montré à Arlington aux côtés de Terry McAuliffe, 64 ans, gouverneur de l'Etat de l'est du pays de 2014 à 2018, qui voudrait en reprendre les rênes.
"Vous avez eu le courage et la sagesse de rejeter l'extrémisme qui domine désormais le parti républicain à travers l'Amérique", a lancé Joe Biden à la foule réunie à Arlington, ville de la banlieue de la capitale américaine, Washington, très orientée démocrate.
"Aujourd'hui le parti républicain ne défend rien si ce n'est continuer à réduire les impôts des plus riches et des entreprises les plus puissantes", a-t-il poursuivi.
Aux Etats-Unis, la Covid au coeur d'un scrutin clé
Le scrutin oppose Terry McAuliffe, vieux routier démocrate soutenu par le président Biden, au républicain pro-Trump Glenn Youngkin, et fait figure de répétition générale environ un an avant les élections législatives de mi-mandat aux Etats-Unis.
«Microcosme de l'Amérique»
Traditionnellement acquise aux républicains, la Virginie penche depuis le début du siècle en faveur des démocrates.
Quatre des cinq derniers gouverneurs, dont l'influence sur la politique locale est considérable, étaient démocrates, et Joe Biden a largement remporté l'Etat face à Donald Trump lors de la présidentielle de 2020.
Mais ces dernières semaines, l'avance du candidat soutenu par le président démocrate a largement fondu face à son rival.
Terry McAuliffe a fait de la course un référendum sur Donald Trump, quand son opposant a concentré ses efforts sur des sujets chers aux républicains -- éducation et Covid en tête.
La Virginie, composée à la fois de villes, de banlieues, mais aussi de comtés très ruraux, est une sorte de "microcosme de l'Amérique", pour le maire de Richmond, Levar Stoney.
"Nous sommes préoccupés par ce qui anime les débats aux Etats-Unis en ce moment: le Covid et l'impact que le virus et la pandémie ont eu sur notre économie, nos emplois, l'éducation et notre mode de vie", analyse pour l'AFP le démocrate.
Nul doute pour lui que ce scrutin reflète donc fidèlement les préoccupations nationales: le Covid, le Covid et le Covid...
"La situation a été un peu chaotique depuis mars dernier, et beaucoup de personnes souffrent encore", assure l'édile.
Durant les heures les plus sombres de la pandémie, le propriétaire du bar de Richmond, Terry O'Neill n'a évité de mettre la clé sous la porte que grâce aux aides du gouvernement.
"Nous n'aurions jamais réussi à être là où nous sommes sans les aides qu'ils nous ont envoyées. C'était mon cauchemar", confie-t-il à l'AFP.
A une semaine de l'élection, le camp de Terry McAuliffe vante ces chèques comme la preuve d'une action concrète du gouvernement démocrate -- mais son équipe s'inquiète d'une faible participation au scrutin.
«Passionnées»
Car nombre des habitants de Richmond sondés par l'AFP ont assuré être engagé politiquement, sans nécessairement soutenir des candidats traditionnels.
"Je côtoie surtout des étudiants", confie Kayla Fluitt, 19 ans, interrompue par l'AFP lors d'une répétition de danse en extérieur. "Beaucoup d'entre eux sont très intéressés par ce qu'il se passe en politique et dans la région."
Son camarade Chandler Dmitri Bradley, assure être entouré de personnes "passionnées" par les problématiques locales.
Mais beaucoup considèrent que l'humeur à Richmond reflète celle du pays, et croient déceler d'encourageants signes -- pour Terry McAuliffe et Joe Biden -- que les positions trumpistes de Glenn Youngkin pourraient lui porter préjudice.
"Je pense qu'il est facile d'imiter Trump, ce que le candidat (Glenn Youngkin, ndlr) est en train de faire, parce que les gens adorent les hommes forts et populistes, et voteront pour lui. C'est extrêmement dommage", raconte Beth Schmierer, venue rendre visite à sa famille à Richmond. Et de prédire: "Donc je doute que ce soit la fin de l'ère Trump, ou celle de ses partisans."
Avant Joe Biden, Barack Obama, la Première dame Jill Biden et la vice-présidente Kamala Harris sont déjà venus faire campagne pour M. McAuliffe que les sondages donnent au coude-à-coude avec le républicain pro-Trump Glenn Youngkin, 54 ans.
Ce défilé de poids lourds du parti démocrate en dit long sur les enjeux du scrutin, qui fait figure de répétition générale un an environ avant les "midterms", les élections législatives de mi-mandat aux Etats-Unis.
"Votez, votez, votez", a ainsi martelé Joe Biden. Car si la Virginie s'est prononcée majoritairement pour le président démocrate lors de l'élection présidentielle, il y a un an, le vent a tourné.
La cote de confiance du président ne cesse de s'effriter depuis un retrait chaotique d'Afghanistan cet été.
Ses promesses d'éradiquer rapidement la pandémie de Covid-19 n'ont pas été tenues, poussant la Maison Blanche à prendre des mesures contraignantes, qui creusent encore des clivages déjà béants dans le pays à propos de la vaccination ou d'autres gestes sanitaires.
En Virginie, Glenn Youngkin, qui veut capitaliser sur la popularité de Donald Trump auprès de l'électorat républicain sans endosser tout à fait ses prises de position les plus outrancières, a d'ailleurs fait campagne contre le port obligatoire du masque.
Par ailleurs, Joe Biden tarde à sceller son vaste programme d'investissements dans les infrastructures et les prestations sociales.
Classe moyenne et électorat afro-américain
Le président démocrate, qui promet des décennies de prospérité pour l'Amérique, veut dépenser des milliers de milliards de dollars pour construire des ponts, rénover des routes, aider à la garde de jeunes enfants, baisser le prix des médicaments...
Des mesures populaires, mais bloquées pour l'instant par des discussions internes entre démocrates, arides pour le grand public.
Si le parti présidentiel contrôle les verrous du pouvoir exécutif et législatif, sa majorité au Sénat est tellement mince qu'il ne peut se permettre aucune défection.
Or quelques démocrates refusent jusqu'ici de voter pour les projets présidentiels, trop dispendieux à leur goût, forçant la Maison Blanche à raboter ses ambitions et à refaire sans cesse ses calculs.
Le scrutin en Virginie sera donc un test de la faculté de Joe Biden à séduire la classe moyenne, mais aussi à mobiliser les électeurs afro-américains, dans cet Etat du sud où le passé esclavagiste fait régulièrement l'objet de débats brûlants.
Le président démocrate a pu s'appuyer sur les voix afro-américaines pour entrer à la Maison Blanche, mais des militants lui reprochent d'avoir perdu de vue ses grandes promesses sur l'accès des minorités au vote ou sur la réforme de la police.
La semaine dernière, Joe Biden a expliqué sur CNN qu'il n'avait pas eu le temps de s'en saisir à cause des interminables négociations sur les réformes économiques et sociales.
Mais le président démocrate a assuré qu'il n'avait pas oublié ses promesses. Il s'est ainsi engagé à soutenir une révision des règles de majorité parlementaire, indispensable pour faire passer une loi sur l'accès au vote. C'est là une revendication de longue date des militants des droits civiques.