L’intégration à la française, un processus long et parsemé d’embûches

Des Françaises musulmanes manifestent pour le droit de porter le voile à l’école, à Paris (Photo, AFP).
Des Françaises musulmanes manifestent pour le droit de porter le voile à l’école, à Paris (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 19 octobre 2021

L’intégration à la française, un processus long et parsemé d’embûches

  • Arnaud Lacheret compare l’intégration des femmes d’origine musulmane en France et celle des Saoudiennes dans leur propre pays
  • «En France, on dit souvent que l’intégration ne fonctionne pas. À gauche comme à droite, c’est la phrase qui revient»

ATHÈNES: Dans Femmes, musulmanes, cadres…, paru le 8 octobre dernier aux éditions Le Bord de l'Eau, Arnaud Lacheret aborde un sujet qui lui tient à cœur: il compare l’intégration des femmes d’origine musulmane en France et celle des Saoudiennes dans leur propre pays.

Pourquoi ce sujet? L’auteur confie à Arab News en français avoir choisi dans son ouvrage des femmes «les plus proches possible des Saoudiennes», en l’occurrence des musulmanes arabes qui sont cadres et qui ont fait des études supérieures. Il note: «En France, on dit souvent que l’intégration ne fonctionne pas. À gauche comme à droite, c’est la phrase qui revient.»

Maryam est chef d’entreprise, Marwa directrice d’une agence bancaire, Monia chimiste, Sonia ingénieur informatique, Khadija DRH, Mounira est psychologue… Leurs parents sont venus d’Afrique du Nord, en quête d’un avenir meilleur.

C’est cette hypothèse de départ que l’auteur a voulu réfuter en écrivant ce livre. «La surprise, c’est que la première génération d’immigrés en France, d’origine modeste et installée dans des quartiers réputés difficiles, a pu garantir une éducation solide à ses enfants. Ces derniers ont fait des études, sont souvent devenus des cadres supérieurs.»

Le poids étouffant de la culture du pays d’origine

Qu’est-ce qui, dans l’approche choisie Arnaud Lacheret, avec la comparaison qu’il dresse entre l’intégration des femmes issues de l’immigration en France et celle des femmes saoudiennes dans leur propre pays, est si surprenant? Pour lui, «la question demeure dans les deux cas de savoir comment s’insérer dans la société». Pour les Saoudiennes qui vivent en Arabie saoudite, «sociologiquement, c’est de l’intégration, car il s’agit de convaincre la société qu’il faut les accepter». Il ajoute: «Les femmes saoudiennes du début des années 2000 ont pu convaincre la société qu’elles étaient capables de travailler et d’être meilleures que les hommes».

Maryam est chef d’entreprise, Marwa directrice d’une agence bancaire, Monia chimiste, Sonia ingénieur informatique, Khadija DRH, Mounira est psychologue… Leurs parents sont venus d’Afrique du Nord, en quête d’un avenir meilleur. Souvent dépourvus d’éducation, parlant à peine le français, parfois illettrés, ils se sont installés et ont fondé une famille.

Arnaud Lacheret insiste: «Aujourd’hui, les jeunes immigrés veulent se sentir comme tout le monde»; or, le fait d’avoir «installé» dès le départ les immigrés en banlieue, loin des centres, les a exclus de facto.

Dans le livre d’Arnaud Lacheret, ces femmes incarnent la réussite de l’intégration à la française. Comment cette intégration a-t-elle fonctionné? Qu’ont-elles dû entreprendre pour sortir de leur condition sociale? Et, surtout, comment ont-elles vécu cette intégration?

Le livre décrit d’abord le poids étouffant de la culture du pays d’origine de leurs parents. Les femmes interrogées décrivent un patriarcat pesant, renforcé par la culture de la banlieue et du quartier, dont il apparaît que c’est un lieu qu’il faut fuir à tout prix pour réussir.

L’auteur souligne d’ailleurs que «les propos tenus par ces femmes lors des longs entretiens qu’elles ont eus» dans le cadre de l’écriture du livre «devraient donner à réfléchir à ceux qui débattent de l’assimilation ou de l’intégration».

Le repli, l’œuvre de la politique française d’intégration

Car la problématique qui se pose aujourd’hui en France est de savoir comment et pourquoi la troisième génération d’immigrés n’a pas réussi là où la deuxième a pu transcender une tradition rurale très ancrée et un niveau d’éducation généralement assez bas pour parvenir là où elle se trouve aujourd’hui. «En évoluant, les enfants font indirectement évoluer leurs parents. Mais on ne comprend pas à présent pourquoi la troisième génération n’y arrive pas: est-ce l’impact d’un repli sociétal, d’un rejet de la société française, du fait des attentats, mais aussi de la stigmatisation d’une certaine partie de la société en raison de la radicalisation?», se demande ainsi l’auteur.

Depuis le 11 septembre 2001, au sein de la société française, tout prénom à consonance arabe ou musulmane suscite, au mieux, de la réticence.

Pour lui, le repli est l’œuvre de la politique française d’intégration: «Ils se sont laissé avoir comme ça», déplore Arnaud Lacheret, qui étaye son propos: «Au lieu de dépenser de l’argent pour faire connaître aux immigrés nouvellement arrivés les codes de la société française, la tendance a toujours été à la valorisation de leur identité d’origine. On organise des événements culturels qui font référence à leurs origines. Or, en se refermant et en restant dans leurs quartiers, ils restent, en pratique, dans cet entre-soi. Ils n’acquièrent pas les codes de la société. Par conséquent, ils se désintègrent là où les parents se sont intégrés…»

Arnaud Lacheret insiste: «Aujourd’hui, les jeunes immigrés veulent se sentir comme tout le monde»; or, le fait d’avoir «installé» dès le départ les immigrés en banlieue, loin des centres, les a exclus de facto. «Ils habitent à 20 kilomètres de Paris, mais ne s’y rendent pas. Et, lorsqu’ils y vont et s’y installent, ils reproduisent les codes de leur quartier. En les valorisant dans leur différence culturelle, on ne les aide aucunement à s’intégrer.»

L’auteur indique que, depuis le 11 septembre 2001, au sein de la société française, tout prénom à consonance arabe ou musulmane suscite, au mieux, de la réticence.

Selon lui, il existe en outre, indéniablement, une influence extérieure qui pousse ces jeunes-là à se réfugier dans un retour au religieux, voire à se tourner vers des racines qu’ils ne connaissent pas, qu’ils n’ont jamais connues.  «Donc, ils les inventent; il s’agit d’une identité déconnectée de la réalité qui constitue finalement un frein à leur intégration», ajoute M. Lacheret. «Il faut aujourd’hui une vraie réflexion sur ce que signifie le fait d’être français; or, ce discours n’existe que chez Zemmour, sous une forme très extrême, et c’est pour cela qu’il fait des émules. En face, personne ne développe de discours pour expliquer comment faire pour s’intégrer, de peur de passer pour un extrémiste. C’est cela, en réalité, le piège Le Pen-Zemmour.»


Laurent Wauquiez dépose une proposition de loi pour interdire le voile aux mineures

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  • Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public
  • Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier

PARIS: Le chef des députés Les Républicains Laurent Wauquiez a déposé lundi une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l'espace public, mais son examen rapide semble peu probable et sa constitutionnalité mise en doute par des juristes.

M. Wauquiez veut interdire "à tout parent d'imposer à sa fille mineure ou de l'autoriser à porter, dans l'espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure", selon l'article unique de sa proposition de loi.

Il s'appuie notamment sur un rapport sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l'augmentation "massive et visible du nombre de petites filles portant le voile".

Il estime que "le voilement de jeunes filles" heurte les principes républicains "les plus fondamentaux", tels que la "protection de l'enfant", "la liberté de conscience" et "l'égalité entre les hommes et les femmes".

Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

Il apparaît toutefois peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

En outre, des professeurs de droit public interrogés par l'AFP émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai - même si celui-ci n'avait pas déposé de texte.

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n'a "aucune chance d'être conforme", rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de "sécurité à l'ordre public" et ne "vise aucune religion en particulier".

Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l'espace public, contrevenant "au principe de liberté de religion", ajoute l'enseignante.

Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’Université de Lille, se dit également "très réservé".

Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, Laurent Wauquiez justifie sa démarche par la "préservation des droits de l’enfant", ce qui est "assez habile", reconnaît-il, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.

Assimiler le port du voile par une mineure à "une forme d’asservissement" reste juridiquement fragile. "Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l'effet d’une instrumentalisation", observe-t-il. "Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle."

Il rappelle par ailleurs que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir "identifier les personnes", un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.


Quatre associations musulmanes portent plainte contre un sondage Ifop

Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
Le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, pose dans la grande mosquée de Lyon le 30 septembre 2025. (AFP)
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  • Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop
  • Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021

PARIS: Quatre associations du culte musulman ont porté plainte lundi pour dénoncer le manque d'objectivité supposé d'un sondage Ifop sur le rapport des fidèles à l'islam, ont annoncé leurs avocats à l'AFP.

Les Conseils départementaux du culte musulman (CDCM) du Loiret, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône et de Seine-et-Marne ont déposé plainte contre X auprès du tribunal judiciaire de Paris après la publication le 18 novembre du sondage Ifop "Etat des lieux du rapport à l'islam et à l'islamisme des musulmans de France".

Les CDCM sont l'échelon départemental du Conseil français du culte musulman (CFCM), ex-instance de représentation de l'islam auprès des pouvoirs publics, tombée en disgrâce en 2021.

Ce sondage "viole le principe d'objectivité posé par la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et la diffusion des sondages d'opinion", se "fonde sur des questions orientées" et se "focalise sur des résultats minoritaires mis en avant à des fins polémiques", accusent les avocats Mes Raphaël Kempf et Romain Ruiz, dans un communiqué.

Selon eux, le sondage distille "le poison de la haine dans l'espace public", renforçant "les amalgames".

Contacté par téléphone, François Kraus, directeur du pôle politique/actualités de l'Ifop, a indiqué qu'il répondrait à l'AFP par écrit, ce qu'il n'avait pas fait dans l'après-midi.

Le CFCM avait déjà dans un communiqué vendredi déploré "une nouvelle mise à l’index des citoyens français de confession musulmane et de leurs pratiques religieuses", avec des analyses et données "contestables".

L'enquête Ifop, basée sur un échantillon de 1.005 personnes de religion musulmane, a été commandée par le média confidentiel "Ecran de veille", qui se présente comme "le mensuel pour résister aux fanatismes".

L'attention médiatique et politique s'est beaucoup focalisée sur le sous-échantillon des 15-24 ans, constitué de 291 personnes, et révélant une forte pratique (87% se considèrent religieux, 67% disent prier "au moins une fois par jour", 83% font le ramadan)

François Kraus écrit dans sa conclusion sur le site de l'Ifop que "cette enquête dessine très nettement le portrait d'une population musulmane traversée par un processus de réislamisation, structurée autour de normes religieuses rigoristes et tentée de plus en plus par un projet politique islamiste".

Le sondage a provoqué de vives réactions, l'extrême droite y voyant un signe d'"islamisation", tandis que des représentants de la communauté musulmane ont regretté "une stigmatisation".

"A mal poser les questions, on finit toujours par fabriquer les peurs qu’on prétend mesurer", affirmait dans son billet hebdomadaire le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz.

Le politiste Haouès Seniguer qualifie pour sa part de raccourci "grossier et réducteur" l'idée, sous-jacente selon lui au sondage, qu'une observance stricte de l'islam soit la porte d'entrée mécanique vers l'islamisme.


Macron invité de RTL mardi matin

 Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué. (AFP)
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  • Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat Français a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine
  • Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire

PARIS: Emmanuel Macron, en déplacement en Afrique en ce début de semaine, sera l'invité de RTL mardi matin à 07h35, a annoncé la radio lundi dans un communiqué.

Le président de la République sera notamment interrogé sur la situation internationale, alors qu'une nouvelle réunion de la "coalition des volontaires" au soutien de l'Ukraine est prévue mardi en visioconférence.

Après sa participation au G20 ce week-end à Johannesburg et une visite au Gabon, le chef de l'Etat a décollé lundi pour l'Angola, où il doit participer au sommet Union européenne-Union africaine.

M. Macron sera aussi interrogé sur "les menaces qui pèsent sur la France", selon le communiqué de RTL.

Emmanuel Macron se rendra notamment jeudi à Varces (Isère), sur un site de l'armée de terre, où il pourrait annoncer l'instauration d'un service militaire volontaire.