A Marseille, des artistes afghans en exil tentent de se reconstruire

Naseer Turkmani, photographe de 31 ans fait partie de la dizaine d'artistes afghans évacués en France depuis la prise du pouvoir par les talibans fin août (Photo, AFP)
Naseer Turkmani, photographe de 31 ans fait partie de la dizaine d'artistes afghans évacués en France depuis la prise du pouvoir par les talibans fin août (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 14 octobre 2021

A Marseille, des artistes afghans en exil tentent de se reconstruire

Naseer Turkmani, photographe de 31 ans fait partie de la dizaine d'artistes afghans évacués en France depuis la prise du pouvoir par les talibans fin août (Photo, AFP)
  • Appareil photo en main, Naseer Turkmani explore sa nouvelle terre d'accueil
  • Naseer appartient à cette génération résiliente qui, «après l'intervention occidentale en 2001, a développé sa pratique artistique pendant la guerre, dans un contexte d'insécurité permanente, et a commencé à créer avec audace»

MARSEILLE:  Il y a deux ans, Marseille consacrait une exposition aux artistes contemporains d'Afghanistan. Aujourd'hui, certains ont trouvé refuge dans cette ville méditerranéenne et veulent continuer à créer, malgré la nostalgie.  

Appareil photo en main, Naseer Turkmani explore sa nouvelle terre d'accueil. Ce photographe de 31 ans fait partie de la dizaine d'artistes afghans évacués en France depuis la prise du pouvoir par les talibans fin août.  

« Tout est allé très vite. Pour nous, artistes, journalistes, activistes, employés du gouvernement, c'était trop dangereux de rester », explique-t-il.   

Après six jours à attendre à l'ambassade de France à Kaboul et plusieurs échecs pour fuir avec sa famille, Naseer parvient à rejoindre l'aéroport. Sa femme et son fils ne pourront l'accompagner.  

« Du matin jusqu'au soir, tout ce qu'on entendait c'était des cris et des coups de feu », raconte-t-il dans un anglais hésitant.  

« Jamais je n'aurais cru affronter de telles difficultés dans ma vie », assure-t-il. « Tous les jours je parle avec ma femme et mon fils, ils sont inquiets et me disent ‘s'il te plaît, fais quelque chose pour nous, aide-nous à sortir d'Afghanistan’ ».  

« J'ai appris que les talibans avaient créé une liste de femmes dont les maris ont fui, pour les noter comme veuves », s'inquiète Naseer, qui assure « faire tout ce qu'il peut, avec l'aide des gens ici, pour les faire venir ».  

Depuis son arrivée, il a été accueilli par la fondation Iméra de l'Université Aix-Marseille, l'une des institutions culturelles ayant permis aux artistes afghans d'obtenir leur visa.   

Passionné de photographie de mode et d'art visuel, il espère intégrer l'Ecole nationale de la photographie d'Arles et « repartir de zéro »: « J'espère que beaucoup d'Afghans comme moi quitteront l'Afghanistan, qu'ils travailleront dur, essaieront de faire des études et qu'ils reviendront (...) et aideront nos compatriotes ».  

« Génération résiliente »   

Naseer appartient à cette génération résiliente qui, « après l'intervention occidentale en 2001, a développé sa pratique artistique pendant la guerre, dans un contexte d'insécurité permanente, et a commencé à créer avec audace », décrit Guilda Chahverdi, ex-directrice de l'Institut français de Kaboul, à l'origine de la mobilisation pour les artistes.  

C'est elle qui avait monté « Kharmora, l'Afghanistan au risque de l'art », exposition inédite qui avait réuni au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) des artistes débordant de créativité, malgré la guerre et les attentats.  

Mais avec l'arrivée au pouvoir des talibans, qui avaient notamment banni la musique durant leur premier règne, entre 1996 et 2001, la vie des créateurs est devenue impossible.  

« Il était essentiel de les accueillir, de sauver leur vie, mais aussi de leur donner la possibilité de continuer à créer », souligne Guilda Chahverdi, qui espère exfiltrer d'autres artistes menacés.  

Visages fermés, Kaveh et Fatemah peinent à trouver les mots pour définir leur état d'esprit. Pour ce couple, qui a fui un jour avant la prise de Kaboul, « la nostalgie » domine.   

« J'ai dû laisser toutes mes affaires là-bas. Je n'ai pu prendre aucune de mes marionnettes. Une vague de dépression m'a submergée, tout s'est effondré, c'était horrible », résume Fatemah. 

« Toujours triste au fond de moi »   

A ses côtés, Kaveh, 40 ans, auteur, scénariste et metteur en scène hazara, une minorité persécutée, a vécu son enfance exilé en Iran pour fuir la guerre. Revenu en Afghanistan en 2008, il monte un spectacle avec des toxicomanes en sevrage, élabore des performances urbaines pour rendre hommage aux victimes d'attentats. Aujourd'hui, en France, il regrette d'être redevenu « un simple migrant ».   

Avec Fatemah, loin de leur atelier face aux montagnes afghanes, ils tentent de démarrer une nouvelle vie à la Villa des auteurs, ancienne bastide destinée à l'accueil d'artistes.  

Mi-septembre, ils ont été invités à Charleville-Mézières (nord), au festival mondial des marionnettes, leur moyen d'expression favori.  

« Les rues étaient remplies de scènes de théâtre. Toute ma vie j'avais cet espoir de voir un événement comme ça. C'était presque jouissif, j'étais vraiment heureuse, mais toujours très triste au fond de moi », raconte Fatemah.   

« Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ceux qui sont encore là-bas. Mais, qu'est-ce que je peux faire, à part pleurer? »  

Menacé pour son art et son engagement militant, Kaveh veut « pouvoir continuer ses activités ici, avoir de l'influence sur la nouvelle génération. Car plus les jeunes seront sensibilisés à l'art, moins les talibans auront de pouvoir sur eux ».  

« Mais en tant qu'artistes étrangers, la société française est-elle prête à nous accepter? », se demande Fatemah. « Est-ce que la France va nous aider? Pas seulement avec une allocation pour survivre, mais aussi pour nous faire une place dans le domaine artistique? »  

Un de ses espoirs? Qu'une exposition mette de nouveau en lumière l'art contemporain afghan, enrichi de nouvelles désillusions et de nouveaux exils, mais aussi de nouveaux rêves. 


Hoor al-Qasimi nommée directrice artistique de la Biennale de Sydney

Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
Al-Qasimi a créé la Fondation d’art de Sharjah en 2009 et en est actuellement la présidente et la directrice. (Instagram)
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  • Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre
  • Depuis 2017, Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique

DUBAÏ : La Biennale de Sydney a annoncé cette semaine la nomination de la commissaire d’expositions émiratie Hoor al-Qasimi au poste de directrice artistique de sa 25e édition, qui se tiendra du 7 mars au 8 juin 2026.

Créée en 1973, la Biennale de Sydney est l'une des expositions les plus anciennes du genre et s’affirme en tant que première biennale établie dans la région Asie-Pacifique.

En 2009, Al-Qasimi a créé la Fondation d'art de Sharjah, dont elle est actuellement la présidente et la directrice. Tout au long de sa carrière, elle a acquis une vaste expérience dans la conception de biennales internationales, notamment en tant que commissaire de la deuxième Biennale de Lahore en 2020 et du Pavillon des Émirats arabes unis à la 56e Biennale de Venise en 2015.

Elle a également cocuraté la sixième édition de la Biennale de Sharjah en 2003 et en assure la direction depuis.

Al-Qasimi préside l'Association internationale des biennales ainsi que l'Institut d’Afrique depuis 2017.  Elle a précédemment siégé au conseil d'administration du MoMA PS1 à New York et à celui du Ullens Center for Contemporary Arts (UCCA), à Beijing, entre autres fonctions.

Elle est également directrice artistique de la sixième Triennale d'Aichi, qui se tiendra au Japon en 2025.

 


Cannes: le conflit israélo-palestinien en filigrane

L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
L'actrice française Leila Bekhti porte un badge en forme de pastèque palestinienne alors qu'elle arrive à la projection du film "Furiosa : A Mad Max Saga" lors de la 77e édition du Festival de Cannes à Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024. (Photo Valery Hache AFP)
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  • Sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza
  • Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité »

CANNES, France : Un symbole palestinien ou un portrait d'otage: à l'heure où le conflit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza embrase les campus et les réseaux sociaux, les stars présentes au 77e Festival de Cannes préfèrent afficher un soutien discret.

Ruban jaune accroché à la veste, l'acteur Philippe Torreton a gravi mardi les marches du Festival. Un symbole en soutien aux quelque 250 personnes prises en otage par le Hamas le 7 octobre.

L'actrice Leïla Bekhti, qui a récemment enregistré un message en faveur des enfants de Gaza pour l'Unicef, a arboré mercredi un pin's pastèque, l'un des symboles de la résistance palestinienne.

Des positionnements très discrets quant au conflit israélo-palestinien, au moment où sur TikTok, le hashtag «blockout2024» fait florès et invite les internautes à bloquer les comptes de stars restées silencieuses sur la guerre à Gaza. Beyoncé et Kim Kardashian figurent parmi les cibles de cette mobilisation propalestinienne et ont déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés.

En réponse, des célébrités comme Omar Sy, membre du jury à Cannes, ont mis en ligne en début de semaine un appel au cessez-le-feu sur Instagram.

Sur le tapis rouge cannois, le message le plus fort à propos de ce conflit est venu jusqu'ici d'une survivante de l'attaque du Hamas le 7 octobre, Laura Blajman-Kadar, vêtue d'une robe jaune affichant des portraits d'otages israéliens et une écharpe noire «Bring them home» («Ramenez-les à la maison»).

Vendredi, une projection privée du film-témoignage monté par le gouvernement et l'armée israélienne sur les massacres du 7 octobre, «Bearing Witness», a été envisagée avant d'être annulée «pour raisons de sécurité, ont indiqué à l'AFP ses organisateurs.

Ce film, composé d'extraits des caméras et téléphones des assaillants du Hamas et d'images captées par des victimes et des secouristes, avait été diffusé le 14 novembre à l'Assemblée nationale en France. Des projections privées ont déjà eu lieu en marge de sommets comme Davos, selon les organisateurs.

- Haute surveillance -

Mais point de manifestation politique, ni côté public, ni côté montée des marches. Une discrétion à l'extrême, qui pourrait basculer avec la présentation vendredi à 18H00 de «La belle de Gaza», documentaire dans le milieu très fermé des femmes transgenres palestiniennes réfugiées à Tel-Aviv.

Même si le conflit israélo-palestinien, évoqué à travers la dureté des autorités pour les «clandestines» venues de Cisjordanie sans permis de travail, s'efface totalement dans ce film de Yolande Zauberman, supplanté par un autre type de conflit intime et universel.

Si aucun film palestinien n'est présent en sélection, «Vers un pays inconnu» du réalisateur danois d'origine palestinienne Mahdi Fleifel, suit deux jeunes cousins palestiniens se retrouvant en Grèce, après avoir fui un camp au Liban. Le film est présenté à la Quinzaine des cinéastes.

Au Marché du film, le plus grand au monde, le pavillon du «film arabe» a déroulé une grande banderole appelant à soutenir l'industrie des territoires occupés ou ses cinéastes en exil.

Le seul film israélien présenté cette année est le court-métrage d'Amit Vaknin, étudiante en cinéma à l'Université de Tel-Aviv. «It's no time for pop» s'attache à une jeune femme qui refuse de prendre part à des festivités patriotiques.

Le pavillon israélien a été maintenu, sous très haute surveillance, avec un filtrage sécuritaire drastique à l'entrée.

L'équipe de l'ambassade israélienne a déclaré à l'AFP avoir douté jusqu'au dernier moment du maintien de sa présence, moins d'une semaine après les manifestations monstre lors de l'Eurovision en Suède.

 


Pour sa nouvelle création, Angelin Preljocaj livre son «Requiem(s)»

Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
Le chorégraphe et danseur français Angelin Preljocaj participe à une répétition de sa chorégraphie, le ballet «Le lac des cygnes» du compositeur russe Tchaïkovski, avec les danseurs du «Ballet Preljocaj», au Théâtre de l'Archeveche à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. (Clement Mahoudeau AFP)
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  • Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes
  • Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal

AIX-EN-PROVENCE, France : De la tristesse, de la rage parfois mais aussi des moments de joie, le chorégraphe français Angelin Preljocaj présente ce week-end à Aix-en-Provence, en première mondiale, «Requiem(s)», un spectacle autour de toutes les facettes de la mort et du deuil.

«C'est un thème magnifique et puis l'année 2023 était une année assez dure pour moi personnellement. J'ai perdu beaucoup d'amis, mes parents aussi. Je me suis dit que c'était peut-être le moment de faire un requiem», confie M. Preljocaj à l'AFP.

Basé avec son ballet à Aix-en-Provence, dans le sud de la France, au Pavillon noir, le chorégraphe d'origine albanaise est connu notamment pour ses ballets «Le Parc» et «Blanche-Neige», et ses collaborations fréquentes avec des artistes issus de la musique électro comme Air, le DJ Laurent Garnier et les Daft Punk.

Dans la salle du Grand Théâtre de Provence d'Aix, 300 personnes ont assisté à la répétition générale, la veille de la première, et les deux premières dates de «Requiem(s)» étaient annoncées complètes.

Pour ce spectacle, Angelin Preljocaj dit s'être longuement documenté, allant piocher des références entre autres chez le sociologue Émile Durkheim, qui expliquait que les hommes ont fait société quand ils ont commencé à donner une cérémonie pour leurs morts.

Les facettes de ce cérémonial ressortent tout au long du ballet, tantôt langoureux, tantôt très rythmé, parfois complètement frénétique, les danseurs jouant avec les différentes émotions liées au deuil.

«Ce n'est pas toujours triste, il y a beaucoup de joie dans le spectacle aussi, de la rage parfois, de la mélancolie», énumère le chorégraphe.

- De Mozart au métal -

Cette mosaïque d'émotions jaillit aussi de la musique qui accompagne les 19 danseurs, avec des ruptures aussi rapides qu'un claquement de doigts, passant brutalement du +Lacrimosa+ du requiem de Mozart à une chanson de métal.

«Les musiques m'apportaient des nuances d'émotions différentes et j'avais envie de travailler avec ces choses-là, par exemple les cantates de Bach (1685-1750), Ligeti (1923-2006), Mozart (1756-1791)... et du métal. Je me suis beaucoup amusé avec ça», sourit Angelin Preljocaj.

Des décors aux costumes en passant par la lumière, les danseurs se retrouvent plongés dans une bichromie noire et blanche pudique, seulement troublée par quelques très rares touches de rouge.

Après une heure trente de danse, le public a applaudi de longues minutes.

«Un spectacle, c'est comme une photographie qu'on met dans le révélateur; le révélateur c'est le public, et ce soir c'était très très chaleureux», souffle le chorégraphe à l'issue de la générale.

Après les deux dates inaugurales au Grand Théâtre de Provence vendredi et samedi, une tournée à Paris et dans plusieurs autres villes de France, le spectacle reviendra au mois d'octobre à Aix puis sera joué le 4 décembre à Modène (Italie) puis en 2025 à Athènes, Madrid et Fribourg (Suisse).