PARIS : L'Assemblée nationale entame lundi la dernière saison budgétaire du quinquennat, avec un projet de loi de finances pour 2022 lourd de dépenses et investissements post-crise mais encore incomplet, et que les oppositions dénoncent comme trompeur.
Deux importants volets manquent à l'appel: le plan d'investissement promis par Emmanuel Macron pour bâtir la France de 2030 et qu'il dévoilera mardi, et le "revenu d'engagement" pour les jeunes, encore nimbé d'incertitudes.
Sur ce point, toujours en cours d'arbitrage, le gouvernement pourrait revoir à la baisse ses ambitions et privilégier un "contrat d'engagement" recentré sur 500 000 jeunes de 16 à 25 ans (plutôt qu'1 million évoqué au départ), les plus éloignés de l'emploi et des études.
"Faute de temps" et "d'argent", cela "pourrait atterrir sur une simple extension de la garantie jeunes", estime une source gouvernementale, soit un dispositif d'accompagnement déjà existant, avec une allocation d'environ 500 euros.
Le gouvernement entend compléter le projet de budget par amendements.
"Je préfère qu'on temporise sur le revenu d'engagement, si on n'a pas les solutions d'accompagnement. Quant au plan d'investissement, ce ne sera pas 30 milliards d'un coup et il y a une part de recyclage du PIA4", le 4e programme d'investissements d'avenirs lancé en 2021, relativise la députée LREM Cendra Motin.
Cette copie a valu à l'exécutif des remontrances du Haut conseil des finances publiques, qui n'a pu rendre un avis "pleinement éclairé" sur ce projet de loi de finances et la "plausibilité" du déficit prévu à 4,8% du PIB en 2022, pour une dette toujours vertigineuse, attendue à 114% du PIB.
Et l'opposition s'en donne à coeur joie.
"Votre PLF, c'est un terrain de golf, je ne sais encore s'il est composé de dix-huit ou de neuf trous", ironise la socialiste Christine Pires Beaune, en regrettant l'absence d'un RSA pour les 18-24 ans, que réclame le PS de longue date.
«Euphorie dépensière»
"C'est un budget de farces et attrapes. On n'a pas budgété de l'ordre de cinq à six milliards de dépenses, je n'ai jamais vu ça", complète Charles de Courson (Liberté et Territoires), qui entame à 69 ans son 29e exercice budgétaire à l'Assemblée.
Le gouvernement revendique lui un budget "de retour à la normale", après le "quoi qu'il en coûte" face au Covid-19. Bercy promet de consacrer à la réduction du déficit une partie des meilleures recettes attendues grâce à une croissance dynamique cette année (+6%, puis +4% en 2022 selon le gouvernement).
Les annonces d'Emmanuel Macron et de Jean Castex se sont toutefois multipliées ces dernières semaines, entre plan pour les indépendants, coup de pouce à MaPrimeRénov, Beauvau de la sécurité, plan pour Marseille...
Et l'exécutif compte tenir ses "engagements", avec l'augmentation de moyens alloués aux missions régaliennes - Intérieur, Justice, Armées - ainsi qu'à l'Education et à la Recherche.
"La croissance est là, (...) puissante" et "c'est le moment d'investir, de préparer la France au succès économique des 15 à 20 prochaines années", assume le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
LR fustige une "euphorie dépensière". Valérie Pécresse, candidate à la présidentielle à droite, accuse le gouvernement de "cramer la caisse" avant l'élection.
A gauche, Eric Coquerel (LFI) trouve à l'inverse que "ce budget dépense à la fois insuffisamment et mal", pointant des baisses d'impôts qui "bénéficient surtout aux plus riches". Il n'y a "pas d'impôt de solidarité", déplore aussi le communiste Jean-Paul Dufrègne.
Le rapporteur Laurent Saint-Martin (LREM) revendique la "stabilité fiscale", notamment pour les entreprises. Ce budget ne devrait pas contenir de changements fiscaux notables, si ce n'est la poursuite de mouvements engagés avant la crise.
Ainsi, les 20% de ménages les plus aisés qui payent encore une taxe d'habitation verront son montant encore réduit, avant sa suppression totale prévue en 2023.
Lundi, l'Assemblée nationale attaque la première partie consacrée aux recettes, avec quelque 2 000 amendements à la clé, en vue d'un vote solennel le 19 octobre. Puis viendra le second volet dévolu aux dépenses et la navette parlementaire avec le Sénat, afin d'adopter définitivement ce dernier budget du quinquennat avant Noël.