PARIS: Porté par de bons sondages, Emmanuel Macron, toujours pas candidat, se retrouve favori de l'élection présidentielle: une situation d'apparence favorable mais qui suscite la méfiance des troupes macronistes, tant le scrutin semble incertain à six mois du premier tour.
Dimanche, lors de l'université de rentrée de La République en marche à Avignon, Richard Ferrand estimait "retrouver les accents des débuts" de l'aventure macroniste, face à 4.500 militants euphoriques.
"Mais si j'évoque notre premier rendez-vous", a poursuivi le président de l'Assemblée nationale, "c'est parce que rien n'est jamais acquis: (...) tout est possible, y compris sa réélection, mais y compris l'échec". Et ce marcheur de la première heure de mettre en garde contre "les bons augures qui pourraient nous endormir et flatter notre paresse".
Trop haut, trop tôt? Emmanuel Macron se retrouve dans une situation singulière, si ce n'est inédite, d'un président probable candidat à sa réélection disposant d'une majorité parlementaire et (largement) favori à six mois du scrutin, entre 24 et 26% au premier tour selon un sondage Ifop-Fiducial pour Le Figaro et LCI publié lundi.
"Il y a une préoccupation sur l'absence potentielle d'humilité", reconnaît un porte-parole de LREM Roland Lescure, quand l'ancienne ministre Sibeth Ndiaye exhorte à "ne jamais considérer qu'une élection est gagnée d'avance" car, fait-elle valoir, "si on m'avait dit en juillet que Zemmour serait à 15% début octobre, je ne l'aurais pas cru".
Volatilité de l'électorat, accidents de campagne: la macronie est d'autant plus inquiète qu'elle brandit les exemples de Lionel Jospin en 2001-2002, ou Edouard Balladur, sept ans plus tôt, balayés après avoir dominé les intentions de vote. "Je sens Emmanuel Macron non pas confiant, mais plutôt fébrile", croit même savoir un député.
Le favori de l'automne est-il condamné à être le déçu du printemps? "Ça n'est pas vrai", conteste le directeur du pôle opinion de l'Ifop, Frédéric Dabi, qui rappelle que François Mitterrand n'a jamais été inquiété par les sondages pour sa réélection et qu'à partir de 2006, "Sarkozy n'a jamais été donné perdant".
Candidature mi-janvier ?
Dans la manche du chef de l'Etat, un étiage de score de premier tour comparable à celui de 2017, "ce que n'avait pas Chirac en 2002", rappelle le politologue et sondeur, alors que les trois quarts des électeurs d'Emmanuel Macron d'il y a cinq ans assurent vouloir à nouveau voter pour lui.
Le président de la République convertit en outre environ trois quarts de ses 40% de bonnes opinions en intentions de vote, "ce qui n'est pas honteux", selon M. Dabi, puisque comparable au ratio de François Mitterrand en 1988.
"On a vraiment un président qui est en pôle position: c'est le seul îlot de stabilité dans un paysage politique fragmenté, tourmenté" et, dès lors, "il peut laisser et voir venir et jouer de ce statut", estime-t-il.
Mais "oui, il peut se passer des choses", convient l'expert, notamment "le regard peut changer quand Emmanuel Macron va entrer en campagne".
En macronie, la question de l'annonce de candidature fait l'objet de spéculations. Une campagne courte, à l'instar de celle de Mitterrand en 1988, qui s'était dévoilé moins de cinq semaines avant le premier tour? "Il faut arrêter avec ça, ça n'a aucun sens", peste un ministre qui estime au contraire que "Sarkozy était sorti trop tard", en février 2012.
La piste d'une entrée en campagne dans la foulée d'un discours du président le 19 janvier au Parlement européen, alors que la France présidera l'UE pendant le premier semestre 2022, est désormais largement évoquée.
Demeure l'incertitude des adversaires, notamment au second tour - si tant est que le chef de l'Etat y soit qualifié -, alors que le "ticket d'entrée" pourrait être historiquement bas, autour de 15-16%.
"Ce qui inquiète Macron, c'est qu'il croyait refaire le match avec Le Pen, et là on n'en est plus du tout certain", note un député.
"Le président peut battre tout le monde au deuxième tour, c'est une question de dynamique", balaie un ministre. "Et la politique, c'est un sujet d'offre, on doit se concentrer sur l'élaboration de notre projet", abonde Sibeth Ndiaye, selon qui "on n'a pas fait le dépassement pour dire qu'aujourd'hui, on veuille choisir notre adversaire".