Selon les dernières statistiques du HCR, l’Agence des nations unies pour les réfugiés, 82,4 millions de personnes auraient été contraintes de fuir leur domicile en 2020. Parmi elles, on compte 48 millions de déplacés à l’intérieur de leur propre pays, tandis que les autres auraient tendance à chercher refuge ailleurs. Plus des deux tiers de ces réfugiés sont originaires de cinq pays: la Syrie, le Soudan du Sud, le Myanmar, le Venezuela et l’Afghanistan.
Même si ces personnes ont fui des pays rongés par une violence sociale et politique endémique, le fait d’être déraciné d’un environnement familier, de perdre amis et famille et, parfois, de devoir prendre en charge des frères et des sœurs plus jeunes constituent autant de changements traumatisants.
Inévitablement, la première réponse à toute crise de réfugiés est de fournir un abri, de la nourriture et une certaine administration civile. Cependant, les troubles de santé mentale sont souvent négligés; ce problème existe dans de nombreux systèmes de santé.
Si les individus ne reçoivent pas de traitement, ils réagiront au traumatisme d’une manière qui altérera leur qualité de vie et constituera une menace pour la société en général. Le problème de l’automédication se pose: il peut entraîner le risque de sombrer dans la drogue et l’alcool, de s’éloigner de sa famille et de sa communauté ou de perdre toute empathie vis-à-vis des autres.
Lorsqu’elles existent, les dispositions favorisent souvent de petites interventions psychosociales conçues pour aider les jeunes à analyser leurs souvenirs traumatisants et à s’adapter. Elles peuvent s’avérer efficaces lorsque les événements traumatisants sont peu importants, mais se soldent par un échec dans les cas où le traumatisme d’origine est toujours présent et qu’il s’accompagne d’autres facteurs de stress. De même, le trouble de stress post-traumatique et d’autres problèmes qui en découlent rendent nécessaire un plus haut degré d’investissement.
À l’autre bout du spectre, il importe non seulement de se concentrer sur un problème de santé mentale identifiable, mais d’offrir également aux enfants un meilleur environnement, dans lequel ils se sentent en sécurité et peuvent recevoir les soins nécessaires, en plus d’avoir la possibilité de jouer et d’avoir accès à l’éducation. L’absence de ces moyens porte atteinte à la santé mentale, même si elle ne cause pas de maladies identifiables.
Les problèmes de santé mentale sont traditionnellement considérés comme importants, mais secondaires; il existe pourtant de solides arguments en faveur d’une approche qui tiendrait compte du milieu actuel des réfugiés, contribuerait à traiter le stress ou l’anxiété et proposerait l’aide de spécialistes pour faire face aux conséquences graves des traumatismes.
À l’heure actuelle, les services de santé mentale dans les camps de réfugiés sont faibles, voire inexistants.
Dr Azeem Ibrahim
À l’heure actuelle, les services de santé mentale dans les camps de réfugiés sont faibles, voire inexistants. Certains réfugiés ont besoin d’une intervention relativement modeste pour les aider à s’adapter, leur permettre de faire face aux traumatismes et dissiper la peur que provoque en eux des phénomènes précis comme des avions qui passent au-dessus de leurs têtes. D’autres souffrent de plusieurs problèmes de santé mentale qui constitueraient un véritable défi dans un système de santé performant, même s’ils vivaient dans un environnement parfaitement sécurisé.
En ce qui concerne la crise des réfugiés qu’a engendrée de la guerre civile syrienne, l’Unicef soutient 697 000 personnes, enfants et adultes, grâce à des programmes de protection de l’enfance et des projets psychosociaux. Par ailleurs, l’organisme a identifié au moins 812 000 autres individus qui ont besoin d’aide. Des camps comme celui de Zaatari disposent d’un psychiatre qualifié. Il y a plus de 400 000 Rohingyas de moins de 18 ans dans les camps du HCR du Bangladesh et il y en aura bientôt davantage, qui ne seront pas enregistrés.
Il s’agit d’un champ d’action dans lequel l’écart entre la demande et l’offre est énorme. Le problème est complexe, puisque la quasi-totalité des personnes qui fuient leur domicile vers un camp de réfugiés ont été victimes d’événements traumatisants, parfois sur une longue période. De même, la plupart des réfugiés espèrent retourner dans leur pays d’origine ou emménager dans un foyer plus sûr et plus stable.
En outre, ce problème affecte lourdement les pays voisins relativement pauvres qui ont déjà du mal à répondre aux besoins de leurs propres populations. Ainsi, la Jordanie, la Turquie et le Liban ont accueilli la plus grande partie des personnes qui fuyaient la Syrie, le Bangladesh abrite désormais plus d’un million de Rohingyas, et ceux qui s’échappent d’Afghanistan cherchent à s’installer au Pakistan ou en Iran.
Tous ces pays peinent à subvenir aux besoins élémentaires de leurs propres populations et, inévitablement, les questions de santé mentale ont tendance à être négligées.
Cependant, les enfants et les jeunes adultes qui souffrent de problèmes de santé mentale graves et non traités en subiront les conséquences à l’âge adulte. Nombreux sont ceux qui paieront eux-mêmes le prix de cette absence de prise en charge: ils auront du mal à mener à bien leurs études, à conserver un emploi ou même à socialiser normalement.
D’autres perdront leur compassion envers les autres et seront sans doute enclins à perpétrer des actes de violence, qu’ils soient de nature politique ou criminelle.
Le Dr Azeem Ibrahim est le directeur des initiatives spéciales au Newlines Institute for Strategy and Policy à Washington. Il est l’auteur de l’ouvrage The Rohingyas: Inside Myanmar’s Genocide («Les Rohingyas: à l’intérieur du génocide de Birmanie»), publié aux éditions Hurst en 2017.
Twitter: @AzeemIbrahim
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com