PARIS : Va-t-il réitérer à la présidentielle son succès des élections européennes ? En mai 2019, le Parti Animaliste remportait 2,2% des suffrages, faisant pratiquement jeu égal avec les communistes et les centristes de l'UDI. Depuis, le sujet s'invite de plus en plus dans le débat politique.
"Très clairement, il y a un avant et un après", confirme Douchka Markovic, co-fondatrice du jeune parti, créé en 2016. "Ce n'est plus un sujet de niche, c'est un vrai sujet. On a décomplexé les politiques, et des députés se sentent libres de porter des choses."
Jeudi, le Sénat examine la proposition de loi de lutte contre la maltraitance animale portée par la majorité, huit mois après son adoption par l'Assemblée nationale. Le texte vise notamment à interdire progressivement les animaux sauvages dans les cirques et delphinariums.
Au 1er janvier 2022, la castration à vif des porcelets sera interdite.
La cause animale doit notamment sa visibilité croissante depuis cinq ans aux actions militantes d'associations, comme L214 et ses vidéos choc de maltraitance dans des abattoirs.
Désormais, elle "pèse électoralement, et peut attirer les convoitises", estime Hélène Thouy, la candidate des animalistes pour 2022.
De la constitutionnalisation du droit des animaux proposée par LFI à l'interdiction de l'abattage sans étourdissement dans le programme du RN en 2017, ou à la fin de l'élevage intensif proposé par ces deux partis: la lutte contre la souffrance animale semble faire consensus, au moins dans les intentions.
Mais "ça ne coûte pas cher de revendiquer son attachement à la protection des animaux, sans jamais derrière s'engager sur des mesures concrètes fortes", s'agace Hélène Thouy, dont le parti propose notamment la fin "pure et simple" de l'élevage industriel et intensif.
D'autres formations sont encore frileuses, soucieuses de ménager l'électorat des éleveurs ou des chasseurs.
"Le problème est que l'on oppose toujours le bien-être animal au bien-être des agriculteurs, des chasseurs", estime Eric Diard, député LR des Bouches-du-Rhône, qui jure dans sa famille politique par ses positions anti-corrida et anti-chasse à courre assumées.
"A mon avis, on peut trouver une ligne qui concilie les deux", veut croire le député, qui assure recevoir des soutiens d'élus, mais "sous cape", par crainte de "pressions".
«Le sens de l'histoire»
"L'argument premier, c'est la souffrance. Et ça permet justement au Parti Animaliste d'agréger des personnes qui viennent à la fois d'associations plutôt abolitionnistes - pour l'arrêt total de l'élevage - et plutôt réformistes - pour la réduction de la souffrance animale par petites avancées", explique Jérôme Michalon, chargé de recherche au CNRS.
En 2019, une étude publiée par la fondation Jean Jaurès conclut que le vote animaliste n'est pas un vote écologiste mais péri-urbain, avec de meilleurs scores dans le quart nord-est du pays, la grande périphérie francilienne, et l'extrême sud-est.
"Le vote pour les animaux est un vote de protestation", estime Daniel Boy, directeur de recherche au CEVIPOF, à l'aune de ces résultats.
"Ce qui nous a étonné, c'est qu'on a fait des bons scores dans les zones rurales, alors qu'on ne s'y attendait pas forcément: c'est aussi un vote contre la chasse, contre les élevages, de la part de gens dérangés par ces activités qu'on dénonce", explique Douchka Markovic.
Selon Hélène Thouy, ses électeurs sont aussi des personnes "écoeurées par le système politique, qui n'ont plus foi en la démocratie, et qui ont l'impression que le Parti Animaliste est un des derniers votes qui ait un sens".
En 2022, la formation rêve de voir sa cause reprendre la lumière.
"Vous allez voir, à la présidentielle, tous les candidats vont montrer leur chat, leur chien, leur canari", s'amuse Eric Diard. "Les gens vont de plus en plus s'occuper du bien-être animal, c'est le sens de l'histoire."
Sans pour autant devenir un thème majeur de la campagne, selon Daniel Boy.
"Les évolutions concernent certaines espèces, certaines pratiques: on n'est pas encore à l'abolition de la chasse ou à la fermeture des abattoirs", abonde Jérôme Michalon. Et de rappeler: "Il y a des enjeux économiques très, très puissants".