PARIS: La France a fermement rejeté lundi les accusations "inacceptables" et "indécentes" d'"abandon" du Mali portées par le Premier ministre malien à la tribune de l'ONU, qui reviennent à "s'essuyer les pieds sur le sang des soldats français", dont un est mort vendredi.
"Il n'y a pas de désengagement français, je tiens à commencer par rétablir des contre-vérités (...) Quand on a 5.000 soldats et qu'on se désengage de trois emprises, et qu'on a l'intention d'en laisser encore plusieurs milliers, lorsqu'on déploie au Sahel des blindés dernier cri (...) ce n'est pas l'attitude normale d'un pays qui a l'intention de s'en aller", a fait valoir la ministre des Armées Florence Parly lors d'une conférence devant des étudiants de Sciences-Po Paris.
Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a accusé samedi à l'ONU la France d'un "abandon en plein vol" avec la réorganisation de sa présence militaire au Sahel, et ainsi défendu la décision de Bamako d'engager des discussions avec la société paramilitaire privée russe Wagner.
"C'est beaucoup d'hypocrisie, c'est beaucoup de mauvaise foi, beaucoup d'indécence surtout parce que ces propos ont été tenus le samedi 25 septembre, or le vendredi 24 septembre un 52e militaire français a donné sa vie pour combattre le terrorisme au Sahel", s'est indignée Florence Parly.
"L'objectif" du recours à Wagner "est de ne pas tenir les engagements pris vis-à-vis de la communauté internationale" prévoyant que la junte militaire rende le pouvoir aux civils en organisant des élections en février 2022 au Mali, a commenté la ministre française.
"J'ai l'impression que la date" sur laquelle les autorités maliennes, arrivées au pouvoir via un coup d'Etat en août 2020, se sont engagées "ne leur convient pas parfaitement, et qu'ils ont envie de faire durer la chose. Mais de là à s'essuyer les pieds sur le sang des soldats français, c'est inacceptable", a-t-elle lancé.
"La transformation de notre dispositif militaire au Sahel ne constitue ni un départ du Mali, ni une décision unilatérale et il est faux d'affirmer le contraire", avait assuré plus tôt mardi la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. L'adaptation de ce dispositif a fait l'objet de "consultations avec les autorités sahéliennes et maliennes depuis le sommet de Pau (France) en janvier 2020".
Paris a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire au Sahel, en quittant notamment les bases les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et en prévoyant de réduire ses effectifs dans la région d'ici à 2023 à 2.500-3.000 hommes, contre plus de 5.000 aujourd'hui.
Le commandant de la force française Barkhane a aussi réfuté toute absence de consultations et tout abandon.
"Le projet de quitter Kidal, Tessalit et Tombouctou (...) a été élaboré avec les chefs d'Etat de la zone G5" (G5 Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad), a déclaré le général Laurent Michon au cours d'un déplacement à Nouakchott, en Mauritanie, soulignant que les Casques bleus de la Mission de l'ONU (Minusma) et l'armée malienne restaient présents dans ces trois endroits.
La France a averti Bamako qu'une implication du groupe Wagner au Mali serait incompatible avec sa présence militaire et celle d'autres pays et organisations internationales sur le terrain.
Paris a par ailleurs réitéré lundi à l'ONU son appel à l'organisation d'élections législatives et présidentielle le 27 février au Mali, conformément aux engagements pris devant la communauté internationale par la junte qui pris le pouvoir dans ce pays.
Le Premier ministre malien a affirmé dimanche à l'AFP qu'elles pourraient être reportées de quelques semaines ou de quelques mois.
"Il est impératif de respecter" ce calendrier, a déclaré dans une vidéo pré-enregistrée et diffusée à l'Assemblée générale de l'ONU le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, chargé de prononcer le discours annuel de la France au sein de cette enceinte internationale.