AJACCIO, France : Alternative branchée mais coûteuse à des transports en commun déficients et aux traditionnels scooters jugés trop dangereux, les voiturettes sans permis sont les nouveaux joujoux de la jeunesse dorée du sud-est de la France, de la Corse à la Côte d'Azur.
Baptiste, 17 ans, pose fièrement devant sa rutilante Ligier rouge version sport achetée 10.500 euros d'occasion. Sièges noirs imitation cuir, Bluetooth, tablette tactile: loin de l'image du «pot de yaourt» longtemps associée à ces engins deux places.
«C'est hyper bien», s'enthousiasme cet élève d'un lycée privé sur la chic rue Paradis à Marseille, la deuxième ville de France, où ces voiturettes pullulent: «Ça fait trois ans que je l'attendais. Je voulais avoir mon autonomie», explique-t-il à l'AFP, précisant qu'il habite un quartier «excentré et mal desservi».
Laura, elle, est venue à bord de son Aixam noire mate, achetée neuve 18.400 euros. Son passager se moque: «C'est que du plastique ta voiture, et un truc de bourge». «C'est un confort», dit-elle, reconnaissant ne pas habiter si loin.
«De plus en plus de jeunes ont ces voitures sans permis», confirme Ilan, 17 ans, lycéen également, propriétaire d'une Ligier bleue achetée 11.000 euros d'occasion.
De fait, les immatriculations des voitures sans permis (VSP) ont presque doublé entre 2016 et 2020 dans l'île méditerranéenne de Corse, et les progressions vont de 30% à 45% dans les trois départements du Var, des Alpes-Maritimes et des Bouches-du-Rhône, selon AAAdata, expert des données sur le parc automobile français. Au total, 15.500 VSP ont été immatriculées en 2020 en France, contre 13.000 en 2016 (+16%).
Un succès favorisé par la législation qui depuis 2014 les a rendues accessibles dès 14 ans, contre 16 ans auparavant. Seule obligation: les jeunes conducteurs doivent passer un brevet de sécurité routière, délivré après huit heures de cours d'auto-école.
À Ajaccio, chef-lieu de la Corse, Alice est équipée depuis ses 14 ans d'une Chatenet CH26 achetée neuve 12.000 euros. Sa mère, Sylvie Didier, a circulé avec elle les premiers temps pour la conseiller. D'emblée, elle avait écarté l'option scooter, «trop dangereuse».
- Bridées à 45 km/h -
«Les jeunes sont beaucoup mieux protégés, ils sont carrossés, contrairement aux scooters ou trottinettes électriques, ils ont une ceinture de sécurité, et ces voitures sont bridées à 45 km/h», confirme à l'AFP Anne Lavaud, déléguée générale de l'association de prévention routière qui sensibilise chaque année 700.000 enfants.
«Au début j'ai trouvé ça un peu farfelu, surtout vu le prix», reconnaît la mère d'Alice. Mais habitant à 8 kilomètres du lycée de sa fille, situé en centre-ville d'Ajaccio, elle ne se voyait pas la laisser à la merci de «passages du bus aléatoires» et ne pouvait pas assurer les allers-retours incessants.
«Et ça les dégourdit vachement», justifie-t-elle: il faut mettre de l'essence, recharger une batterie, gérer les stationnements, les révisions, la fourrière parfois.
Et si ces voiturettes sont chères, elles «consomment peu» et «se revendent très bien». «Ça fait presque quatre ans qu'Alice l'a et elle cote aujourd'hui à 9.600 euros», explique sa mère: par contre, «les assurances sont très coûteuses, 1.100 euros par an», et «c'est extrêmement bruyant».
Pour conquérir une jeunesse moins aisée et concurrencer les fabricants traditionnels -principalement des entreprises familiales françaises (Aixam, Ligier, Microcar, Chatenet, Bellier)-, Citroën a lancé en mai 2020 l'Ami, une voiture électrique sans permis en forme de petit cube, vendue 6.900 euros hors bonus écologique de 900 euros.
Selon la marque française, 77% des acheteurs sont «une famille avec 2 adolescents, multi-motorisés», l'Ami étant «le 2e ou 3e moyen de mobilité du foyer», avec «plus de 40% des utilisateurs qui ont moins de 18 ans».
Un modèle qui a séduit Rocc'Antone, 16 ans, élève de première à Ajaccio, ravi de son «jouet»: «Elle est beaucoup plus abordable et c'est plus pratique d'avoir une électrique que d'aller à la pompe». Trois de ses camarades ont fait le même choix.