TUNIS : Quatre partis tunisiens ont déclaré jeudi que le président Kaïs Saïed avait perdu sa légitimité et ont appelé à la fin de ce qu'ils ont appelé un «coup d'État», après que le président a déclaré qu'il prend le contrôle des pouvoirs législatif et exécutif.
Saïed a déclaré mercredi qu'il va gouverner par décret et ignorer certaines parties de la constitution au moment où il se prépare à changer le système politique.
Les partis Al-Tayar (le Courant démocrate), Al-Jouhmouri (parti républicain), le parti d'Afek Tounes et Ettakatol ont souligné dans une déclaration commune que la décision de Saïed consacrera un monopole absolu du pouvoir.
Les décrets de mercredi incluent la suspension continue des pouvoirs du parlement et la suspension de l'immunité de tous les députés contre les poursuites. Mais le texte publié au journal officiel est allé encore plus loin, gelant désormais les salaires des parlementaires.
Les quatre partis ont également averti que si les lois ne passeront pas par le parlement, dont les pouvoirs sont gelés, cela accorde à Saïed un pouvoir quasi illimité.
Le 25 juillet, Saïed a limogé le Premier ministre tunisien, suspendu le parlement et pris le pouvoir exécutif, affirmant que c'était à cause d'une urgence nationale.
Pour le professeur de droit Mouna Kraiem, les nouvelles mesures d'urgence signifient «l'instauration d'une dictature, au sens propre du terme».
Saïed a complètement nié vouloir être un dictateur, assurant qu'il vise finalement à présenter ses réformes politiques au public sous la forme d'un référendum à l'échelle nationale. Mais ses détracteurs politiques restent sceptiques quant à cette intention. L'événement de juillet est intervenu après des années de lenteur économique, mais a été déclenché par une journée de violentes manifestations et une augmentation des cas de coronavirus.
L'expert en constitution Chafik Sarsar affirme que tandis que le parlement n'a pas été définitivement dissous, Saïed a mis en place une «mini-constitution» qui rompt avec le système hybride parlementaire-présidentiel établi par la constitution tunisienne de l'après-révolution de 2014.
«Cela semble être une nouvelle organisation temporaire des pouvoirs dans le but de préparer une transition vers un nouvel ordre constitutionnel», a expliqué Sarsar.
De son côté, l'analyste Salah Al-Din Al-Jourshi convient que Saïed est en train de transformer l'ordre politique en Tunisie.
« Saïed est très clair dans ses objectifs : il veut du changement, pas seulement l'instauration d'un système présidentiel mais aussi la transformation des relations entre le chef de l'État et le peuple», a-t-il soutenu.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com