PARIS: La France fait son entrée dans la campagne présidentielle – l’élection aura lieu au mois d’avril prochain – sous le signe d’une dispersion inédite.
Plus d’une trentaine de candidats potentiels sont d’ores et déjà dans les starting-blocks pour succéder à l’actuel président, Emmanuel Macron.
Ces candidatures, par leur variété, couvrent toutes les déclinaisons de l’éventail politique français, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par le centre et les vestiges des deux partis traditionnels, le Parti socialiste (PS) et Les Républicains (LR).
Querelles internes
Profondément ébranlés par le triomphe de Macron en 2017, ces deux mouvements ont en effet sombré dans des querelles internes dont ils n’ont toujours pas réussi à se relever.
Il est difficile pour les électeurs de s’y retrouver tant l’offre est multiple, même au sein de chacune des familles politiques. S’il est vrai que plusieurs de ces candidatures seront départagées par des élections primaires, une si grande rivalité au sein d’une même famille révèle le degré d’éclatement des différentes forces politiques.
Dans le rang des Républicains, cinq candidats sont en lice pour la primaire de la droite.
Parmi eux, la présidente du Conseil régional d’Île-de-France, Valérie Pécresse, a annoncé sa candidature pour «restaurer la fierté française» et rompre avec «dix ans de mauvais choix» qui ont mené à «l’affaissement de notre pays».
Michel Barnier, qui fut ministre des Affaires étrangères et négociateur du Brexit, a souhaité faire son retour sur la scène politique française en annonçant sa candidature.
Le député des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, connu pour ses positions tranchées et proches de l’extrême droite, notamment sur l’instauration du droit du sang pour l’acquisition de la nationalité française, se porte candidat lui aussi.
Un grand débat divise en ce moment Les Républicains autour de cette élection. Pour certains, elle doit être ouverte à tous, mais, pour d’autres, elle ne doit concerner que les militants du parti.
L’entrepreneur Denis Payre, qui se présente comme conservateur, et le maire de La Garenne-Colombes, Philippe Juvin, participeront également à cette primaire, dont l’objectif est clair – départager les concurrents –, mais les modalités encore mal définies.
Un grand débat divise en ce moment Les Républicains autour de cette élection. Pour certains, elle doit être ouverte à tous, mais, pour d’autres, elle ne doit concerner que les militants du parti.
Autre bémol sur le front républicain: l’ancien ministre et président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, candidat à la présidence, refuse catégoriquement de participer à ces primaires.
Le tableau n’est guère plus limpide du coté du Parti socialiste avec trois candidatures déclarées, sans primaire à l’horizon.
La maire de Paris, Anne Hidalgo, est candidate à la présidence pour «bâtir une France plus juste» et «réinventer le beau modèle français». Si sa candidature est soutenue par certains cadres socialistes, elle est décriée par l’opinion publique, qui fustige la méthode brutale de sa gestion de la capitale.
La candidature de Marine Le Pen est contestée dans certains milieux d’extrême droite qui lui reprochent d’avoir renoncé à certains fondamentaux pour réussir son opération de banalisation de son parti.
Face à elle, l’ancien ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll s’est dit prêt à participer à une élection primaire si le PS consentait à en organiser une.
En embuscade, l’ancien ministre socialiste de l’économie Arnaud Montebourg est candidat lui aussi; il se dit porteur d’un projet destiné à «remonter» le pays sur le plan industriel, économique et écologique.
En ce qui concerne l’extrême droite, le climat est particulièrement houleux.
En tête des candidats, on retrouve bien sûr la présidente du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, qui a déjà affronté Macron à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle de 2017.
Cependant, cette candidature est contestée dans certains milieux d’extrême droite qui reprochent à la présidente du RN d’avoir renoncé à certaines valeurs historiques du parti pour procéder à son opération de banalisation.
Elle se retrouve en outre en concurrence avec Florian Philippot, son ancien bras droit, qui a fondé son propre parti, Les Patriotes, après son départ du RN. Il apparaît comme une figure de proue de la contestation contre les mesures sanitaires du gouvernement.
Par ailleurs, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, ancien allié de Le Pen en 2017, s’est également déclaré candidat à la présidence.
Cependant, la principale source d’inquiétude, pour Marine Le Pen, est sans doute le chroniqueur et polémiste de droite radicale Éric Zemmour. Ce dernier entretient le flou sur sa candidature et sillonne actuellement le pays pour la promotion de son livre La France n’a pas dit son dernier mot, distillant ses messages venimeux contre les immigrés et l’islam, ce qui, pour les électeurs d’extrême droite déçus par le nouveau visage du RN, ne manque assurément pas d’attrait.
Les écologistes, quant à eux, ont effectué une entrée en campagne plus apaisée: les cinq candidatures initiales sont désormais réduites à deux et, le dimanche 26 septembre, les militants connaîtront l’identité de leur candidat.
Le premier tour de la primaire d’Europe Écologie Les Verts (EELV) a placé en tête le député européen Yannick Jadot avec 27,7% des voix, suivi par Sandrine Rousseau, ancienne numéro deux du parti, qui a obtenu 25,14%.
150 000 parrainages populaires
Populiste un jour, populiste toujours: Jean-Luc Mélenchon, le député des Bouches-du-Rhône et chef de La France insoumise (LFI, un parti d’extrême gauche) a «proposé» sa candidature à l’élection présidentielle à condition qu’il obtienne 150 000 parrainages populaires.
Mélenchon, candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2017, s’oppose catégoriquement à une union de la gauche s’il n’est pas à sa tête.
Toujours à l’extrême gauche, la candidate de Lutte ouvrière (LO), Nathalie Arthaud, se présente pour la troisième fois à la présidentielle, perpétuant une tradition qui consiste à porter, sans grand espoir de succès, la voix «des travailleuses et des travailleurs».
Candidatures solitaires
À tous ces noms s’ajoutent plusieurs candidatures solitaires telles que celle de Jean Lassalle, député du Béarn, qui se présente comme le candidat de «la joie», celle de Jacline Mouraud, ancienne figure des Gilets jaunes, et celle du général Antoine Martinez, signataire de la tribune des militaires qui appelait à un putsch.
Au sein de cette cacophonie, La République en marche s’attache à réunir ses rangs autour de Macron, qui a reçu dernièrement un soutien de taille, celui de son ancien Premier ministre Édouard Philipe, qui est tout simplement l’homme politique le plus populaire de France.
Cette multiplicité des candidatures, à sept mois de l’échéance, laisse un peu perplexe.
Est-elle le signe d’une vitalité et d’une santé débordantes de la vie politique française ou, au contraire, le symptôme d’un appauvrissement idéologique et d’une absence de leadership qui donnent libre cours à une guerre des egos entre les acteurs politiques?