Le président américain Joe Biden participe à une conférence de presse virtuelle sur la sécurité nationale avec le Premier ministre britannique Boris Johnson (à droite) et le Premier ministre australien Scott Morrison le 15 septembre 2021. (AFP)
Un peu délaissés après la guerre froide, les sous-marins d'attaque font aujourd'hui un grand retour dans le monde. (Photo de l'US Navy via l'AFP)
Dans cette photo d'archives du 18 février 2017, le groupe d'attaque du porte-avions USS Carl Vinson patrouille en mer de Chine méridionale après que Pékin a dit à Washington de ne pas remettre en cause sa souveraineté sur la voie navale. (US Navy via AFP)
Le président américain Joe Biden a été averti de ne pas pousser la France dans des alliances que Washington pourrait regretter. (Photo AFP)
Des résidents américains effrayés se cachent des talibans en Afghanistan
● La haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme affirme qu'il existe des preuves que le gouvernement taliban n'a pas tenu sa promesse consistant à laisser les Américains et les Afghans munis de documents de voyage appropriés de quitter le pays et à ne pas exercer de représailles contre ceux qui ont aidé les États-Unis
AP
Chaque nuit dans une nouvelle maison de la capitale afghane, un couple californien détenteur d'une carte verte américaine dort à tour de rôle, l'un des deux restant éveillé pour veiller sur leurs trois jeunes enfants afin qu'ils puissent fuir s'ils entendent les pas des talibans.
Ils ont déménagé sept fois en deux semaines, comptant sur des proches pour les accueillir et les nourrir. Leurs journées sont un mélange pénible de peur et d'ennui, limitées à quelques pièces où ils lisent, regardent la télévision et jouent au « téléphone cassé », un jeu qui consiste à chuchoter des secrets et les transmettre, une diversion pour les enfants et qui a l'avantage supplémentaire de les faire taire.
Tout cela se passe pendant l'attente angoissante d'un appel de quelqu'un qui peut les aider à sortir. Un responsable du département d'État américain les a contactés il y a plusieurs jours pour leur dire qu'un assistant social leur était affecté, mais ils n'ont pas entendu un mot depuis. Ils ont essayé sans succès de prendre l'avion et discutent maintenant avec une organisation internationale de secours.
« Nous avons peur et nous nous cachons de plus en plus », a déclaré la mère dans un SMS à l'Associated Press. « Chaque fois que nous nous sentons essoufflés, je prie. »
À travers des messages, des e-mails et des conversations téléphoniques avec des proches et des groupes de secours, AP a reconstitué ce à quoi ressemblait la vie quotidienne de certains laissés-pour-compte après le retrait chaotique de l'armée américaine, incluant des citoyens américains, des résidents permanents aux États-Unis, des titulaires de cartes vertes et des demandeurs de visa qui ont aidé les troupes américaines pendant la guerre de 20 ans.
Les personnes contactées par l’AP – qui n’ont pas été identifiées pour leur propre sécurité – ont décrit une existence effrayante et furtive consistant à se cacher dans des maisons pendant des semaines, à éteindre les lumières la nuit, à se déplacer d'un endroit à l'autre et à enfiler des vêtements amples et des burqas pour éviter d'être détectés s'ils doivent absolument s'aventurer à l’extérieur.
Tous disent qu'ils ont peur que les talibans au pouvoir les retrouvent, les jettent en prison, voire les tuent parce qu'ils sont américains ou qu'ils ont travaillé pour le gouvernement américain. Et ils craignent que les efforts promis par l'administration Biden pour les faire sortir en restent au point mort.
Lorsque le téléphone a sonné dans un appartement à Kaboul il y a quelques semaines, le détenteur de la carte verte américaine qui a répondu – un chauffeur de camion du Texas en visite dans sa famille – espérait que le département d'État américain répondrait enfin à ses appels pour qu’il puisse prendre l’avion avec ses parents.
Au lieu de cela, ce sont les talibans qui l’ont contacté.
« Nous ne vous ferons pas de mal. Retrouvons-nous. Rien ne se produira », a déclaré l'appelant, selon le frère du chauffeur de camion, qui vit avec lui au Texas et lui a parlé par la suite. L'appel comprenait quelques mots inquiétants : « Nous savons où vous êtes. »
Cela a suffi à faire fuir l'homme de l'appartement de Kaboul où il habitait avec sa mère, ses deux frères adolescents et son père, qui était particulièrement en danger car il avait travaillé pendant des années pour un sous-traitant américain supervisant des agents de sécurité.
« Ils n’ont plus d’espoir », a déclaré le frère, à partir du Texas. « Ils pensent : " Nous sommes coincés dans l'appartement et personne n'est là pour nous aider. Ils nous ont laissés pour compte ". »
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré au Congrès la semaine dernière que le gouvernement américain avait exhorté les citoyens américains et les détenteurs de cartes vertes à quitter l'Afghanistan depuis le mois de mars, offrant même de payer leurs vols.
Blinken a déclaré que le gouvernement américain ne suit pas la trace des détenteurs de cartes vertes américaines en Afghanistan, mais il a estimé qu'il en restait plusieurs milliers dans le pays, ainsi qu'une centaine de citoyens américains. Il a déclaré que le gouvernement américain travaillait toujours pour les faire sortir.
Vendredi, au moins 64 citoyens américains et 31 détenteurs de cartes vertes auront été évacués depuis le départ de l'armée américaine le mois dernier, selon le département d'État. D'autres étaient peut-être à bord d'un vol en provenance de Mazar-e-Sharif vendredi, mais l'administration n'a pas publié de chiffres.
Ni les États-Unis ni les talibans n'ont expliqué clairement pourquoi si peu de personnes ont été évacuées.
Ce n'est guère encourageant pour une autre titulaire de la carte verte, venant du Texas, une grand-mère qui a récemment regardé, depuis un toit, des militants s'arrêter dans une demi-douzaine de voitures de police et de Humvee pour prendre le contrôle de la maison de l'autre côté de la rue.
« Les talibans. Les talibans », a-t-elle chuchoté au téléphone à son fils américain vivant dans une banlieue de Dallas, une conversation que la femme a racontée à l'AP. « Les femmes et les enfants crient. Ils traînent les hommes vers les voitures. »
Elle et son mari, venus à Kaboul il y a plusieurs mois pour rendre visite à des parents, sont maintenant terrifiés à l'idée que les talibans découvrent non seulement leurs liens avec les États-Unis, mais aussi ceux de leur fils au Texas, qui avait travaillé pendant des années pour un entrepreneur militaire américain.
Son fils, qui n'a pas non plus été nommé, a déclaré avoir appelé plusieurs fois les responsables de l'ambassade américaine à Kaboul avant sa fermeture, rempli tous les documents nécessaires et même demandé l'aide d'un groupe d'anciens combattants et de membres du Congrès.
Il ne sait pas ce qu'il peut faire de plus.
« Que ferons-nous s'ils frappent à notre porte ? » a demandé la mère de 57 ans lors d'un de ses appels quotidiens. « Qu'allons-nous faire? »
« Rien ne va se passer », a répondu le fils.
Lorsqu'on lui a demandé dans une récente interview s'il croyait cela, le fils a riposté, exaspéré : « Que suis-je censé lui dire d'autre ? »
Le gouvernement taliban a promis de laisser les Américains et les Afghans munis de documents de voyage appropriés quitter le pays et de ne pas exercer de représailles contre ceux qui ont aidé les États-Unis. Mais la haut-commissaire de l’ONU aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a déclaré qu'il y avait des preuves du fait qu'ils n’ont pas tenu leur parole. Elle a averti lundi que le pays était entré dans une « phase nouvelle et périlleuse » et a cité des informations crédibles faisant état de meurtres en représailles de militaires afghans et d'allégations selon lesquelles les talibans chassaient de maison en maison d'anciens responsables gouvernementaux et des personnes ayant coopéré avec l'armée américaine et des entreprises américaines.
Les journalistes de l'AP en Afghanistan n'ont connaissance d'aucun citoyen américain ou détenteur d'une carte verte capturé ou arrêté par les talibans. Mais ils ont confirmé que plusieurs Afghans qui travaillaient pour le gouvernement précédent et son armée avaient été récemment interpellés pour être interrogés et relâchés.
La famille californienne, qui comprend une fille de 9 ans et deux garçons de 8 et 6 ans, dit qu'ils sont en fuite depuis deux semaines après que les talibans ont frappé à la porte de l'appartement de membres de leur famille pour demander si des Américains vivaient là.
La famille a déménagé à Sacramento il y a quatre ans après que la mère a obtenu un visa spécial d'immigration parce qu'elle travaillait pour des projets financés par les États-Unis à Kaboul destinés à promouvoir les droits des femmes. La mère dit que maintenant, sa fille et elle-même portent la burqa chaque fois qu'elles déménagent dans leur « prison-maison » suivante.
Le père, qui travaillait comme chauffeur Uber, a eu des crises de panique pendant qu'ils attendaient de l'aide.
« Je ne vois pas le gouvernement américain intervenir et les faire sortir de sitôt », a déclaré le directeur de l'école primaire des enfants, Nate McGill, qui échangeait quotidiennement des textes avec la famille.
La distraction est devenue l'outil incontournable de la mère pour protéger ses enfants du stress. Elle les interroge sur ce qu'ils veulent faire à leur retour en Californie et sur ce qu'ils veulent être quand ils seront grands.
Leur fille espère devenir médecin un jour, tandis que leurs fils disent vouloir devenir enseignants.
Mais la distraction ne suffit pas toujours. Après qu'un parent a dit à la fille que les talibans emmenaient des petites filles, elle s'est cachée dans une pièce et a refusé de sortir jusqu'à ce que son père, se gonflant, lui dise qu'il pourrait battre les talibans, la faisant rire.
La mère a souri, cachant sa peur à sa fille, mais a ensuite envoyé un texto à son directeur.
"Cette vie est presque une demi-mort."