Scepticisme général au Liban au lendemain de la formation d'un gouvernement

Une photo fournie par l'agence photo libanaise Dalati et Nohra le 10 septembre 2021 montre le président Michel Aoun signant un décret pour la formation d'un nouveau gouvernement libanais après une rencontre avec le Premier ministre désigné au palais présidentiel de Baabda, à l'est de la capitale Beyrouth. (Stringer/AFP/Dalati et Nohra)
Une photo fournie par l'agence photo libanaise Dalati et Nohra le 10 septembre 2021 montre le président Michel Aoun signant un décret pour la formation d'un nouveau gouvernement libanais après une rencontre avec le Premier ministre désigné au palais présidentiel de Baabda, à l'est de la capitale Beyrouth. (Stringer/AFP/Dalati et Nohra)
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Publié le Samedi 11 septembre 2021

Scepticisme général au Liban au lendemain de la formation d'un gouvernement

  • La nouvelle équipe, composée de 24 ministres et dont la formation était une condition pour toute aide internationale, a vu le jour à l'issue d'interminables tractations politiques entre les partis au pouvoir, largement discrédités auprès de la population
  • Les craintes unanimes exprimées dans les médias, sur les réseaux sociaux et par certains experts portent notamment sur la capacité du nouveau gouvernement à redresser une économie plus que jamais aux abois

BEYROUTH, Liban : Scepticisme et critiques prévalent samedi au Liban au lendemain de la formation d'un gouvernement attendu depuis 13 mois qui aura la tâche colossale de redresser le pays englué dans une crise économique et sociale sans précédent.

Le pays a accouché vendredi d'un gouvernement dirigé par Najib Mikati, l'une des plus grandes fortunes du pays et qui a été déjà Premier ministre à deux reprises.

La nouvelle équipe, composée de 24 ministres et dont la formation était une condition pour toute aide internationale, a vu le jour à l'issue d'interminables tractations politiques entre les partis au pouvoir, largement discrédités auprès de la population. 

«Le gouvernement de la confiance (quasi)impossible», a ainsi titré le quotidien arabophone Al-Akhbar, proche du parti chiite Hezbollah. 

Les craintes unanimes exprimées dans les médias, sur les réseaux sociaux et par certains experts portent notamment sur la capacité du nouveau gouvernement à redresser une économie plus que jamais aux abois et sur sa marge de manœuvre en matière de réformes.

Et de se demander quels changements pourrait réellement apporter cette équipe, choisie par les «barons» issus des différentes communautés qui gèrent le pays depuis des décennies et dont les politiques clientélistes et les soupçons de corruption sont considérées comme à l'origine de l'effondrement économique du pays. 

- Mêmes «cuisiniers» -

«Gouvernement (...) du nitrate, de la stérilité politique et de la corruption consensuelle», déplore une internaute sur Facebook, en allusion à l'explosion gigantesque en août 2020 au port de Beyrouth, due au stockage sans mesure de précaution d'énormes quantités de nitrate d'amonium.

L'explosion qui a fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et ravagé des quartiers entiers de la capitale avait été largement imputée à l'incurie de la classe dirigeante. 

C'est d'ailleurs quelque jours plus tard que le gouvernement dirigé par Hassan Diab avait démissionné, devant le tollé général.

«Ce sont les cuisiniers eux-mêmes qui ont formé le gouvernement. Sont-ils donc capables de fournir un nouveau repas ? La vraie crainte est que le modus operandi ne puisse rien produire de nouveau», renchérit de son côté à l'AFP le chercheur Sami Nader.

D'autant plus que, comme le souligne en Une le quotidien francophone L'Orient-Le Jour, la tâche du gouvernement s'avère «herculéenne».  

La crise économique inédite que traverse le pays depuis l'été 2019 n'a eu de cesse de s'aggraver, la Banque mondiale la qualifiant d'une des pires au monde depuis 1850.

Avec une inflation galopante et des licenciements massifs, 78% de la population libanaise vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

Chute libre de la monnaie locale, restrictions bancaires inédites, levée progressive des subventions, pénuries de carburant et de médicaments, le pays est aussi plongé dans le noir depuis plusieurs mois, les coupures de courant culminant jusqu'à plus de 22 heures quotidiennement.

- «Mesures urgentes» -

Et les queues interminables ne cessent de s'allonger devant les stations d'essence.

Si l'arrivée au gouvernement de certaines personnalités comme Firas Abiad, directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri et fer de lance de la lutte anti-Covid, au ministère de la Santé, a été saluée par certains, le doute demeure.

«Quand un pays se classe dans le top 3 en termes de gravité de crise économique dans l'histoire contemporaine du monde, on ne nomme pas un ministre du Tourisme, ni un ministre de la Jeunesse et des Sports (...) mais douze experts économiques et financiers indépendants pour travailler 24h/24 sur (une sortie de) crise», estime sur les réseaux sociaux la militante et experte en politiques publiques Sara el-Yafi.    

Parmi les défis à relever figure la conclusion d'un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), avec lequel les pourparlers sont interrompus depuis juillet 2020.

Il s'agit pour la communauté internationale d'une étape incontournable pour débloquer d'autres aides substantielles.

Vendredi soir, plusieurs pays impliqués dans le dossier libanais, ont d'ailleurs exprimé la nécessité d'actions immédiates, Washington appelant à des «mesures urgentes (...) pour répondre aux besoins criants et aux aspirations légitimes du peuple libanais».


Liban: un mort dans une frappe israélienne dans le sud

Des personnes inspectent un véhicule incendié qui aurait été touché par une frappe israélienne à Ghazieh, près de Sidon, le 18 avril 2025. (AFP)
Des personnes inspectent un véhicule incendié qui aurait été touché par une frappe israélienne à Ghazieh, près de Sidon, le 18 avril 2025. (AFP)
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  • Une personne a été tuée vendredi dans un nouveau raid israélien visant un véhicule près de la ville côtière de Saïda, dans le sud du Liban
  • Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après deux mois de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne mène régulièrement des attaques au Liban

GHAZIYEH: Une personne a été tuée vendredi dans un nouveau raid israélien visant un véhicule près de la ville côtière de Saïda, dans le sud du Liban, a indiqué le ministère libanais de la Santé.

Malgré le cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après deux mois de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant viser combattants et infrastructures du mouvement islamiste libanais soutenu par l'Iran.

"Le raid mené par l'ennemi israélien contre une voiture sur la route Saïda-Ghaziyeh a fait un mort", a indiqué le ministère de la Santé.

Après la frappe, le véhicule tout-terrain a pris feu, provoquant un nuage de fumée noire dans le ciel, selon un journaliste de l'AFP sur place. L'armée libanaise a bouclé la zone et les pompiers sont intervenus pour maîtriser les flammes.

La frappe n'a pas été revendiquée dans l'immédiat, mais l'armée israélienne a affirmé avoir tué plusieurs combattants du Hezbollah parmi lesquels des "commandants" cette semaine dans le sud du pays.

Après le début de la guerre à Gaza déclenchée le 7 octobre 2023 par une attaque du Hamas sur le sol israélien, le Hezbollah a ouvert un front contre Israël, tirant des roquettes sur le territoire israélien, disant agir ainsi en soutien aux Palestiniens.

En septembre 2024, le conflit a dégénéré en guerre ouverte avec des bombardements israéliens intenses au Liban qui ont décimé la direction du Hezbollah et fait plus de 4.000 morts, selon les autorités.


Explosion au port de Beyrouth: première comparution d'un ex-ministre

Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
Une photo montre une vue du port de Beyrouth, site d'une énorme explosion qui a dévasté la capitale libanaise trois ans plus tôt, le 22 juillet 2023. (AFP)
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  • Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020
  • En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques

BEYROUTH: Un ancien ministre de l'Intérieur a comparu jeudi pour la première fois devant le juge libanais chargé de l'enquête sur la gigantesque explosion au port de Beyrouth en 2020, a indiqué une source judiciaire à l'AFP.

En 2021, le juge Tarek Bitar avait été contraint de suspendre son enquête sur cette explosion qui a fait plus de 220 morts et plus de 6.500 blessés en raison de pressions politiques.

Une série d'actions en justice avaient en outre été intentées contre lui par des responsables politiques et fonctionnaires cités dans l'enquête, notamment l'ancien ministre de l'Intérieur, Nohad al-Machnouk, soupçonné de "négligence et manquements".

Le juge a repris en février ses investigations, après l'élection de Joseph Aoun à la présidence de la République et la nomination d'un Premier ministre réformateur, Nawaf Salam, qui se sont tous deux engagés à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Selon la source judiciaire qui a requis l'anonymat, l'interrogatoire a porté sur un rapport que M. Machnouk avait reçu le 5 avril 2014, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, concernant la "détention d’un navire dans les eaux territoriales libanaises, dont l’équipage avait demandé à être autorisé à reprendre la mer".

Le 4 août 2020, l'une des plus grandes explosions non nucléaires de l'histoire a dévasté des pans entiers de la capitale libanaise.

La déflagration a été provoquée par un incendie dans un entrepôt où étaient stockées sans précaution des tonnes de nitrate d'ammonium acheminées par navire, malgré des avertissements répétés aux plus hauts responsables.

Pointées du doigt pour négligence criminelle, les autorités libanaises, qui étaient au courant des dangers encourus, ont rejeté toute enquête internationale.

L'enquête avait notamment été suspendue après les accusations de partialité du juge proférées par le Hezbollah, désormais très affaibli par sa dernière guerre contre Israël fin 2024. Le parti qui dominait la vie politique libanaise avait demandé le renvoi de M. Bitar.

Deux juges de la direction des enquêtes de Paris sont attendus à Beyrouth à la fin du mois, pour présenter à M. Bitar les éléments recueillis par la justice française, trois ressortissants français figurant parmi les victimes, selon une source judiciaire.

Le 11 avril, deux anciens hauts responsables de la sécurité avaient également comparu pour la première fois devant M. Bitar.


Cellule terroriste: Amman partage les détails de l’enquête avec Beyrouth

Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
Le roi Abdallah de Jordanie et le président libanais Joseph Aoun. (AFP)
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  • Beyrouth ne sait pas si des citoyens libanais sont impliqués dans un groupe de fabrication de missiles
  • Les services de renseignement de l'armée arrêtent deux Palestiniens pour contrebande d'armes à la frontière libano-syrienne

BEYROUTH: Le président libanais Joseph Aoun a été informé, mercredi, par le roi Abdallah de Jordanie des résultats de l'enquête sur une cellule de fabrication de missiles découverte en Jordanie. Deux membres de cette cellule avaient été envoyés au Liban pour y suivre une formation.

Selon son bureau de presse, M. Aoun a exprimé la «pleine disposition du Liban à la coordination et à la coopération» entre les deux pays et a chargé le ministre de la Justice Adel Nassar de travailler avec son homologue jordanien, en coopération avec les agences de sécurité et judiciaires, sur les enquêtes et l'échange d'informations.

Une source judiciaire a déclaré à Arab News que les services de renseignement de l'armée libanaise «suivaient de près l'affaire de la cellule terroriste et nous ne savons pas encore si des Libanais sont impliqués».

«Cette agence a demandé à la Jordanie de lui fournir des informations concernant les enquêtes, de s'appuyer sur les enquêtes libanaises et, dans le cas où une implication libanaise serait prouvée, l'affaire serait alors renvoyée à la justice libanaise», a déclaré cette personne.

Parallèlement, les services de renseignement de l'armée libanaise ont déclaré avoir arrêté deux Palestiniens dans la ville de Sidon, dans le sud du pays, pour «commerce et contrebande d'armes militaires à travers la frontière libano-syrienne, et ont saisi plusieurs armes et munitions militaires en leur possession».

Le commandement de l'armée a déclaré que les détenus faisaient l'objet d'une enquête sous la supervision du pouvoir judiciaire.

Les médias ont rapporté que les deux hommes étaient des membres de l'appareil de sécurité du mouvement Hamas à Sidon.

Aucune agence de sécurité officielle n'a confirmé l'existence d'un lien entre les arrestations et la cellule jordanienne.

Mardi, l'agence de presse jordanienne a cité des responsables des services de renseignement qui ont déclaré qu'«une série de complots visant la sécurité nationale du pays ont été déjoués et 16 personnes soupçonnées de préparer des actes de chaos et de sabotage ont été arrêtées».

Les plans prévoyaient la production de missiles à l'aide de matériaux locaux et de composants importés. Des explosifs et des armes à feu ont été découverts, ainsi qu'un missile dissimulé prêt à être utilisé.

Les 16 suspects sont soupçonnés d'avoir participé à la mise au point de drones, d'avoir recruté et formé des individus au niveau national et d'en avoir envoyé d'autres à l'étranger pour qu'ils y poursuivent leur formation.

Selon les déclarations des suspects, deux membres de la cellule – Abdallah Hicham et Muath al-Ghanem – ont été envoyés au Liban pour coordonner leurs activités avec une figure importante de l'organisation et recevoir une formation.

En décembre, l'armée libanaise a lancé un processus de désarmement des factions palestiniennes situées à l'extérieur des camps de réfugiés palestiniens. Ces factions, fidèles à l'ancien régime syrien, étaient principalement basées dans la région de la Békaa, le long de la frontière avec la Syrie, et dans la région méridionale.

Le Premier ministre Nawaf Salam a exprimé «l'entière solidarité du Liban avec la Jordanie dans la lutte contre les complots qui menacent sa sécurité et sa stabilité» et sa «volonté de coopérer avec les autorités jordaniennes en cas de besoin concernant les informations selon lesquelles certaines personnes impliquées dans ces complots ont reçu une formation au Liban», selon son bureau de presse.

Lors du lancement du projet de réhabilitation de la route de l'aéroport de Beyrouth, M. Salam a déclaré que les questions de sécurité sur la route de l'aéroport étaient «en cours d'examen avec le ministre de la Défense Michel Menassa et le ministre de l'Intérieur Ahmed Hajjar».

Au cours des dernières 48 heures, la municipalité de Beyrouth a entrepris des efforts pour retirer des rues de la capitale les drapeaux des partis et les images des politiciens et des chefs de partis, en particulier ceux qui sont associés au Hezbollah.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com