DUBAÏ : À Amman, la capitale de la Jordanie, une entrepreneuse s'est consacrée à la promotion des artisans locaux par le biais de sa petite entreprise artisanale, The Art Trove. Aya Toukan a grandi à Amman et fait ses études à Londres. Cette passion pour la mode remonte à sa plus tendre enfance. Elle s'est toujours distinguée du reste de sa famille. « Notre famille ne compte aucun amateur de design. Aucun ! », confie Mme Toukan à Arab News. « J'avais simplement l'œil pour les détails. Les couleurs et le design m'ont toujours attirée. Je sentais que l’amour de la mode était ancré en moi ».
L’amour de la mode moderne n'a pas été la seule motivation derrière la création de The Art Trove. Ce sont également les expériences marquantes que Mme Toukan a vécues en 2017 au sein des ONG caritatives qui ont inspiré l'ensemble du projet. « Cela faisait trois ans que je travaillais, sans parvenir à ce sentiment d'épanouissement », explique-t-elle. « J'ai donc comblé ce vide grâce au bénévolat et à l'exploration d'ateliers portant sur la production de paniers à partir de feuilles de bananier, les teintures naturelles, la broderie et toutes sortes de productions ».
Le temps que Aya Toukan a passé notamment à la Jordan River Foundation l’a profondément marquée. « Je cherchais à apprendre et à comprendre leur manière de travailler, je n'y connaissais pas grand-chose », explique-t-elle. Grâce aux programmes de la JRF, des initiatives ont été lancées afin d'autonomiser les femmes des zones rurales et les agriculteurs sur le plan économique, mais aussi pour améliorer la vie des réfugiés syriens présents dans le pays.
En 2019, Aya Toukan a entrepris de travailler à son compte avec des femmes à leur domicile, celles-ci se contentant de réaliser des sous-verres et des sous-plats. À la suite de l'apparition de la Covid-19, les ateliers et la production habituelle ont été suspendus, ce qui l'a amenée à envisager d'autres moyens pour diversifier sa palette d'articles pour la maison fabriqués à la main. C'est ainsi que l'illustration lui est venue à l'esprit et un artiste jordanien a embelli les plateaux, les jeux de société et les boîtes en plexiglas proposés par The Art Trove avec des couleurs et des formes vives.
Collaborer avec des femmes habiles et marginalisées – ces femmes qui ornent les articles de The Art Trove avec des perles – a été une expérience enrichissante pour Toukan. « Je travaille avec un petit nombre de femmes et leur façon de travailler est très inspirante. Lorsqu'une mère travaille, elle fait appel à sa fille ou à sa sœur pour l'aider. Elles forment une communauté à partir de cette activité », explique-t-elle. « Elles ne diront jamais non à un projet que je leur propose, elles font tout leur possible pour terminer le travail, même si elles n'ont pas l'expertise ou le savoir-faire. Je suis réellement inspirée par leur détermination ».
À travers les illustrations qui décorent ses produits ou l’usage auquel ils sont destinés, la marque Art Trove se veut une célébration de la culture du Moyen-Orient, que ce soit par le biais des yeux bleus graphiques ou des étoiles en perles. « Je voulais faire connaître ces motifs ludiques aux artisans, mais je souhaitais également présenter leur travail au monde entier », explique-t-elle. Prenons l'exemple du backgammon, le jeu de société le plus populaire du Moyen-Orient. Aya Toukan a transformé ce passe-temps nostalgique en un produit plus ludique et contemporain, destiné à un public plus jeune. Pour elle, l'idée de retravailler le backgammon était judicieuse, dans la mesure où les jeux de société ont connu une grande popularité pendant la période de confinement. « C'est un jeu significatif », dit-elle. « Lorsque je pense au backgammon, c'est la boîte en bois, nacrée qui me vient à l'esprit, avec laquelle mes grands-parents jouaient tout le temps. Ils se réunissaient autour de ce jeu et invitaient leurs amis. C'est donc agréable de bâtir une continuité entre les générations ».
Par ailleurs, la marque Art Trove a ouvert des pop-up stores dans le monde entier, de Dubaï à Londres. La tournée a été, comme le dit Mme Toukan, une « expérience d'apprentissage ». Gérer une petite entreprise sur un marché concurrentiel comporte sa part de défis, mais cela n'a pas empêché Toukan de porter sa marque à un niveau plus avancé.
« Ce défi est loin d'être une tâche facile », dit-elle. « Vous devez être très motivé, passionné, et y croire, et c'est ce qui va caractériser votre article. « La popularité que connaissent dans la région les nouvelles entreprises, locales et non tapageuses, lui fait chaud au cœur : « On peut se compléter. Si vous discutez avec les différents créateurs des marques, je suis sûre qu'ils partageront des visions et des points de vue variés ».
En quelque sorte, ces marques détournent l'attention des marques de luxe. « En fin de compte, chacun souhaite entendre une histoire », poursuit Toukan. « Vous vivez pour raconter votre histoire. Les produits de luxe existent depuis un certain temps et je pense que les gens recherchent ( à présent) des histoires et des pièces significatives ».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.