PARIS : Trois étoiles à Saint-Tropez, Arnaud Donckele compte apporter le même esprit « détente» dans son nouveau restaurant, au cœur de la Samaritaine, à Paris, en mettant à l'honneur les petits producteurs.
Dans un cadre bucolique avec vue sur le Pont Neuf, avec des fauteuils jaunes et oranges et un mur de bulles crème, le restaurant gastronomique «Plénitude» ouvrira ses portes mardi, comme l'hôtel Cheval Blanc du géant du luxe LVMH, auquel il est intégré.
A l'intention des touristes ou parisiens, le restaurant de 30 couverts, ouvert seulement le soir, est conçu «pour se détendre» avec un décor qui amène «une forme d’apesanteur naturelle», déclare Arnaud Donckele à l'AFP.
Il voit la grande gastronomie post-Covid «plutôt décontractée, proche de l'auberge, bienveillante avec le client et sincère dans un monde qui ne l'est pas».
- «Talents des mers et des rivières» -
Contrairement à des grands chefs comme Alain Ducasse ou Michel et Sébastien Bras, qui déclinent leur cuisine dans des formats plus démocratiques pendant la crise sanitaire, Arnaud Donckele fixe un prix de départ de 320 euros pour quatre plats hors vins.
«C'est le même prix qu'à Saint-Tropez, il y a autant d'hommes, les produits sont aussi rares», déclare Arnaud Donckele, chef de la Vague d'Or, 3 étoiles Michelin à Saint-Tropez, dans le sud de la France, également désigné cuisinier de l'année 2020 par le guide Gault et Millau.
Les matières premières proviennent de producteurs «qui se soucient du bien-être animal ou qui pratiquent une pêche raisonnée avec des petits bateaux», ajoute-t-il. Une page du menu cite les noms des «talents des mers et des rivières» et les régions où ils travaillent.
«On n'appelle pas une société, on appelle un homme ou une femme. Ce qui coûte cher, c'est le respect humain, le nombre des personnes avec qui on construit des choses.»
- 90 sauces -
Chez Plénitude, ce sont les sauces construites comme des assemblages de cognacs ou de parfums qui guident l'assiette.
«J'adore les sauces, c'est ce que je préfère dans mon métier et c'est ce que j'avais envie d'offrir», explique le chef. «Il y en a 80-90 pour ici, elles arriveront par petites vagues successives».
Socle de la cuisine française, elles souffrent de la mauvaise réputation d'être grasses et indigestes, mais ce ne sera pas le cas ici.
«On les crème beaucoup moins, on les enrichit de moins en moins au beurre et on les lie sans lourdeur. Même en mayonnaise, on est capable de réaliser des bases à partir de yaourt, fromage blanc, lait ribot», explique Arnaud Donckele.
La vinaigrette «berlugane» à base d'agrumes, gingembre, miel de fleur, infusion de marjolaine, huile d'olive et poivre de Sancho sera servi avec un plat de sandre, tourteau et choux.
La truite aux morilles des pins et celtus (laitue asperge) accompagnera le velouté «Iode boisée» composé de fumet de truite, citron caramélisé, jus d'haliotis, infusion de persil, essence de moelle des pins, chardonnay, jus de yuzu, beurre de champignons rôtis et baies de Jamaïque.
- Remise en question -
«Salarié» du groupe LVMH, Arnaud Donckele se dit confiant dans l'avenir de ses deux restaurants auprès des hôtels de luxe: à Saint-Tropez, «cela n'a jamais autant travaillé et j'ai 180 couverts de liste d'attente».
A Paris, «on s'interroge sur comment on va faire» pour avoir des tables disponibles pour les clients de l'hôtel.
Néanmoins, la crise sanitaire remet en question le fonctionnement du secteur du luxe et même les plus «rigoureux» vont devoir «peut-être» se réadapter, concède-t-il. »Dans les hôtels du luxe, il y a des normes sociales et financières qui font que la table est très difficilement rentable. Evidemment, cela crée des problèmes.»
«Tout le monde se pose la question +comment être rentable?+. On se demande pourquoi les grands chefs bougent, font plein de tables... C'est pour pouvoir payer les salaires de leurs salariés!» conclut-il.