BEYROUTH : Une délégation du Congrès américain dirigée par le sénateur Chris Murphy a rencontré Michel Aoun mercredi et a eu des mots durs envers le président libanais, avant de quitter le pays divisé en ayant l’impression qu'un nouveau gouvernement sera formé d'ici la fin de la semaine.
«Le Hezbollah est une organisation terroriste, il crée des destructions dans la région et il est comme un cancer qui se propage au Liban», a déclaré Murphy, président du sous-comité des relations étrangères du Sénat américain sur le Proche-Orient, l'Asie du Sud, l'Asie centrale et la lutte contre le terrorisme.
Malgré le mépris de Murphy pour le Hezbollah soutenu par l'Iran, il a assuré que les États-Unis ne tourneraient pas le dos au Liban alors qu'il tente de sortir d'un effondrement financier qui a commencé en 2019.
«Nous continuerons à soutenir le Liban », a-t-il affirmé. «La corruption est une attitude au sein du gouvernement libanais, et c'est inacceptable. Tout membre du gouvernement impliqué dans des affaires de corruption sera soumis à des sanctions américaines».
Le bureau des médias du président a révélé que la réunion avec la délégation américaine s'est concentrée sur «la situation au Liban et les futures étapes à suivre», alors qu'Aoun a déclaré aux Américains qu'il y avait «des progrès dans le processus de formation du gouvernement».
Lors d'une réunion avec plusieurs journalistes à l'aéroport avant le départ de la délégation américaine pour Israël, Murphy a annoncé que la délégation avait entendu de la part de tous les responsables libanais leur assurance qu'un nouveau gouvernement sera formé à la fin de cette semaine.
«La délégation du Congrès a assuré le président Aoun que Washington travaillera avec le nouveau gouvernement», a confié Murphy.
Le Liban est aux prises avec une crise économique profonde que la Banque mondiale a décrite comme l'une des crises les plus graves depuis le milieu du XIXe siècle.
La situation a paralysé les institutions militaires et les autres forces de sécurité. Le Liban est sans gouvernement stable depuis plus d'un an, même si trois personnalités différentes ont déjà été chargées de former un gouvernement.
Plus de 70% de la population libanaise est passée sous le seuil de pauvreté et la livre libanaise s'est effondrée, perdant plus de 90% de sa valeur sur le marché noir.
Il est également peu probable que la communauté internationale aide les institutions étatiques si un gouvernement national n'est pas formé.
Les pénuries de carburant que connaît le Liban depuis le début de l'été ont favorisé les ventes au marché noir et suscité des bagarres dans des stations-service.
«Il n'est pas nécessaire que le Liban dépende du carburant iranien, car tout carburant transporté à travers la Syrie est soumis à des sanctions», a averti Murphy.
«Le Hezbollah est une organisation qui prendra une partie de l'argent du pétrole, et ce pétrole ne résoudra certainement pas la crise du carburant au Liban».
Les tensions liées à la pénurie nationale de carburant se sont transformées en de violents affrontements avec des armes et des couteaux dans certaines régions, menaçant la coexistence civile.
Les prix de l'essence et du diesel ont aussi augmenté avec la suppression progressive des subventions, qui devrait être entièrement achevée d'ici la fin septembre.
Des descentes policières ont démasqué des entreprises accumulant des millions de tonnes de carburant subventionné à travers le pays, qui seront ensuite vendues à des prix plus élevés.
Le ministre de l'Énergie du gouvernement intérimaire, Raymond Ghajar, a déclaré au public mercredi: «La première cargaison de carburant irakien (30 millions de tonnes) arrivera au Liban au cours de la deuxième semaine de septembre et la deuxième cargaison (33 tonnes de pétrole) arrivera dans la troisième semaine de septembre».
Les cargaisons visent à augmenter la fourniture d'électricité d'aussi peu que 30 minutes par jour dans certaines régions jusqu’à plus de huit heures dans d’autres.
Le Liban a de plus signé un accord avec l'Irak pour acheter 1 million de tonnes de carburant à utiliser dans les centrales électriques.
Ghajar a ajouté : «Le Liban n'a reçu aucune demande d'importation de carburant d'Iran».
Mais le chef du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, a déclaré auparavant qu'une troisième cargaison de carburant iranien était envoyée à Beyrouth.
Des sources proches du Premier ministre désigné Najib Mikati ont déclaré à Arab News : « Mikati a été rassuré par le Hezbollah que la cargaison iranienne ne causera de mal à personne».
Une rencontre a également eu lieu entre la délégation américaine et le commandant des Forces armées libanaises, le général Joseph Aoun. Elle s'est concentrée sur les moyens d'aider l'armée à maintenir la stabilité dans le pays.
Dans un discours prononcé en mars, le général Aoun a demandé à la classe politique au pouvoir au Liban : «Où allons-nous ? Qu’avez-vous prévu de faire? Nous vous avons averti plus d'une fois du danger de la situation. Les Libanais ont faim et sont pauvres, et les soldats, comme le reste de la population, souffrent et ont faim, eux aussi».
Le général Aoun a en outre rejeté les critiques concernant l'acceptation de l'aide étrangère par l'armée et a répliqué : «Sans cette aide, la situation aurait été bien pire».
Selon un rapport publié par Washington, la délégation du Congrès au Liban a évoqué des questions liées à « la sécurité régionale et la démocratie».
Le groupe de sénateurs se rendra en Israël et en Cisjordanie après leur escale au Liban.
Il comprend les sénateurs Richard Blumenthal, Jon Ossoff et Chris Van Hollen.
Murphy et Ossoff partiront plus tard vers la Tunisie et la Grèce.
«Un nouveau leadership et des crises latentes parsèment le paysage de la Méditerranée en ce moment», a souligné la délégation.
«Nous sommes impatients de parler directement avec les principaux acteurs de la région, en particulier le nouveau gouvernement israélien et les dirigeants palestiniens.
«Ce voyage nous permettra ainsi de discuter de la voie à suivre de manière à protéger la démocratie en Tunisie et aborder la crise économique et politique au Liban. Les États-Unis doivent être une force pour le bien au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et nous souhaitons que ce voyage sera fructueux».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com