DJEDDAH: La série de thrillers saoudiens Rashash suscite un nombre inhabituel de réactions du public dans le Royaume, devenant une référence pour l’avenir florissant et diversifié du cinéma local.
La série en huit épisodes, présentée comme la plus grande production saoudienne avec un budget de plusieurs millions de dollars et réalisée par le groupe saoudien MBC, attire un large public. Elle conquiert tous les foyers du Royaume et suscite de nouvelles exigences pour les futures productions.
L’acteur saoudien Yagoub al-Farhan y joue le rôle de Rashash al-Otaibi dans l’histoire vraie d’un bandit, trafiquant de drogue et meurtrier saoudien qui a terrorisé la population dans les années 1970 et 1980. Le programme a déclenché des discussions animées sur les réseaux sociaux au cours des dernières semaines à l’occasion de la sortie de chaque épisode, tous les jeudis. La série décrit la vie et le parcours criminel de Rashash, de ses débuts dans le milieu jusqu’à son arrestation et son exécution.
Al-Farhan avait précédemment joué Juhayman al-Otaibi dans la série Alasouf en 2019 et incarne un chef terroriste militant qui s’est emparé de la Grande Mosquée de La Mecque en 1979.
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Avec sa production de qualité, Rashash est une collaboration entre une équipe de renommée internationale et des talents saoudiens. La distribution est entièrement saoudienne pour certains rôles principaux, dont Nayef al-Dhufairi qui joue l’officier Fahd, Khalid Yaslam qui campe le chef Azam, et compte des dizaines d’autres acteurs saoudiens.
Elle est réalisée par le cinéaste britannique Collin Teague, qui a à son actif la série de science-fiction Doctor Who, écrite par Suha al-Khalifa, la fille d’un ancien ambassadeur de Bahreïn, et Richard Bellamy, un politologue.
Bien que la série soit réservée aux plus de 18 ans, de nombreux adolescents l’ont suivie et sont devenus obsédés par le personnage principal.
La controverse a commencé dès que la plate-forme de streaming Shahid de MBC a commencé à promouvoir la série en janvier, avec un nombre de vues dépassant les 2,5 millions. Certains spectateurs se sont demandé s’il était approprié de mettre en lumière la vie d’un criminel et craignaient que cela n’incite à des tensions tribales, puisque ce bandit appartenait à l’une des tribus les plus importantes du Royaume.
La famille de Rashash s’est également opposée dans les médias locaux à la diffusion de la série, affirmant qu’elle dénigrait la famille et «rouvrirait de vieilles blessures», a déclaré sa sœur à un journal local.
La plate-forme ne s’adresse pas à un jeune public, mais la série a créé un phénomène social où la nature rebelle des adolescents porte à considérer le criminel comme un héros. De nombreuses vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux d’adolescents adoptant la personnalité et l’attitude de Rashash et proférant parfois des menaces de violence en public; même la coiffure en désordre de Rashash est devenue tendance.
Les propriétaires d’un café de la ville d’Alkhobar ont utilisé la vogue suscitée par Rashash comme stratégie marketing pour promouvoir leur entreprise, en accrochant d’énormes photos de la série sur les murs et en imprimant des dialogues de l’émission sur leurs tasses. Ils ont également étiqueté certaines de leurs boissons avec le nom du criminel et celui d’autres membres de son gang.
La série met également en lumière un jeune officier dévoué, Fahd, qui se donne pour mission de capturer Rashash et ses complices.
«Rashash n’a pas été présenté comme un héros. L’histoire a livré un message explicite qui différencie le criminel et le militaire, qui est de la même tribu et qui a choisi de servir son pays et de protéger la terre et les âmes de la barbarie d’un transfuge. Chacun avait une ambition; l’un était patient et faisait face à ses défis avec courage et délibération. Alors que l’autre a choisi la drogue, la rébellion, la désobéissance et la confrontation», estime Refaa, 31 ans, qui vit à Ryad, interrogée par Arab News.
Elle poursuit: «Les adolescents n’auraient pas dû regarder l’émission, en premier lieu parce qu’elle s’adresse à un public adulte; la faute en incombe aux parents. Cependant, si un adolescent regarde la série et devient fan de Rashash, les parents doivent discuter de ce personnage et de son histoire avec lui afin de développer ses capacités de réflexion critique et apprendre à distinguer le bien du mal et les choix que nous pouvons faire dans la vie.
Refaa a été intéressée par la série, car elle est basée sur une histoire vraie qui, selon elle, est une vraie bénédiction : elle a décidé le gouvernement saoudien à créer une force de police routière pour protéger les voyageurs des bandits.
«C’est une histoire inhabituelle pour le cinéma du Royaume, où de nombreux films sont des drames sociaux axés sur le statut des femmes et des familles saoudiennes», précise-t-elle. « Le film d’action est le genre préféré pour une large part de la société, notamment les jeunes, dont nombreux sont des passionnés de ce type de productions.
L’acteur Yagoub al-Farhan, qui incarne Rashash, explique dans une interview à Al-Arabiya TV que la production saoudienne tout au long de son histoire a oscillé entre le drame, la comédie et la comédie noire, quelques tentatives de genre historique, mais jamais l’action.
Al-Farhan indique que l’idée de base de ce programme est d’utiliser un genre dramatique populaire pour proposer une série inspirée d’un fait réel de l’histoire saoudienne, ce qui permet au spectateur d’interagir avec elle et de s’y rapporter.
Un autre téléspectateur, Faris Baker, 33 ans, de Riyad, déclare à Arab News: «Cette série représente une initiative importante, car elle rompt avec la routine du calendrier dramatique saoudien; nous sommes habitués à ce que des programmes saisonniers soient créés pendant le mois sacré du Ramadan, ce qui tue la scène le reste de l’année et marginalise même certaines émissions qui ne reçoivent pas l’attention qu’elles méritent en raison d’un calendrier de sorties surchargé pendant un mois.»
Baker préfère l’action au drame dans la série. «Le cinéaste britannique de renom Collin Teague relève sérieusement le niveau habituel de production d’une série saoudienne, notamment avec son rôle actif dans les scènes de combat. Par ailleurs, j’ai repéré une lacune importante dans la partie dramatique de l’histoire relative à la nature des relations dans la société saoudienne, avec laquelle le réalisateur, qui est étranger, n’est pas familier», regrette-t-il.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com