BEYROUTH: L’ambassadrice américaine Dorothy Shea a averti lundi que l’économie du Liban ainsi que les services de base sont «au bord de l’effondrement», alors que le président Michel Aoun et le Premier ministre désigné Najib Mikati s’étaient entretenus pour aboutir à une formule satisfaisante afin de former un nouveau gouvernement.
Prenant la parole après sa rencontre avec Aoun et Mikati, l’ambassadrice a affirmé que les Libanais souffraient et que chaque jour passé sans «un gouvernement compétent engagé à et capable de mettre en œuvre des réformes indispensables» contribue à transformer la situation déjà désastreuse en une véritable catastrophe humanitaire.
«Nous appelons tous ceux qui continuent d’entraver la formation du gouvernement et la mise en place de réformes à mettre de côté leurs intérêts partisans», a-t-elle ajouté.
Les États-Unis ont approuvé le nouveau cadre de sanctions établi par l’UE pour promouvoir la responsabilisation et les réformes au Liban. Sur ce, l’ambassadrice a confirmé que son pays «continuerait de coordonner» avec ses partenaires sur des mesures adéquates.
«Il faut que les dirigeants libanais prennent des mesures de sauvetage urgentes, et cela ne peut avoir lieu sans un gouvernement compétent qui commence à répondre aux besoins de son peuple et qui œuvre pour le redressement économique.»
Lundi, des sources ont révélé que la France et les États-Unis exerçaient la pression sur tous les partis politiques du Liban afin qu’ils forment un gouvernement.
Malgré les crises continues, le taux de change est tombé à 18,500 livres libanaises contre un dollar, en début de semaine.
Il paraît que les concertations pour former un gouvernement ont permis d’atteindre une nouvelle étape: celle de choisir des ministres, suite à un accord pour répartir les portefeuilles entre les différentes confessions et les partis politiques.
La semaine passée, Aoun et Mikati se sont mis d’accord pour respecter l’ancienne répartition de portefeuilles, attribuant ainsi le ministère des Finances aux Chiites, le ministère de l’Intérieur aux Sunnites et le ministère de la Justice aux Maronites.
Cependant, le député Mohammad Hajjar, membre du bloc parlementaire du "Futur", a gâché l’optimisme qui régnait.
«Nous verrons comment les choses vont se passer à la fin», a-t-il dit à Arab News. «Des pressions intérieures et extérieures sont exercées sur Aoun pour faciliter la formation du gouvernement.»
Il a exprimé son inquiétude quant à l’effort de Aoun «de tolérer ces pressions en essayant d’être optimiste, pour ensuite revenir sur ses promesses.»
Lundi, Aoun a dit qu’il ne démissionnerait pas, répondant ainsi à tous ceux qui le lui avaient demandé.
Il a dit qu’il remplirait ses fonctions jusqu’à la fin et que le président de la République – «malgré les prérogatives qu’il a perdues» – est partenaire dans la formation du gouvernement avec le Premier ministre désigné. Il a le droit de choisir entre les noms proposés, «en raison de l'autorité dont il dispose.»
«Personne ne va pouvoir ébranler ma détermination à poursuivre le travail que j’ai commencé dans la lutte contre la corruption», a-t-il ajouté.
Aoun a accusé certains de chercher à entraver la formation du gouvernement, affirmant que les grèves ont perturbé le commerce, l’industrie et la production. Il a également dit que l’audit juricomptable était indispensable.
«Plus nous nous rapprochons de l’audit, plus les efforts pour s’y opposer s’intensifient. La corruption est le produit de la mentalité mafieuse, comme les faits l’ont prouvé au fil des années.»
Le président a tenu ces propos alors que le drapeau libanais était baissé au palais présidentiel, en deuil pour les victimes de l’explosion du camion-citerne au Akkar qui a eu lieu dimanche.
La Croix-Rouge libanaise a trouvé encore un corps brûlé sur les lieux de l’incident, portant le nombre de victimes à 29.
Les efforts pour se mettre d’accord sur un nouveau gouvernement ont été stimulés par une crise d’essence qui a paralysé une grande partie du pays.
La tragédie de l’explosion du dimanche et la lutte désespérée pour avoir accès aux produits de première nécessité, comme le fuel, ont mis en évidence la détérioration de l’État et des secteurs de sécurité. Le Hezbollah a également prévenu que le chaos pourrait s’aggraver et a appelé à la formation urgente d’un gouvernement, «sous n’importe quelle forme et à n’importe quel prix.»
«La solution pour la levée des subventions est de former un gouvernement qui soit capable de prendre la bonne décision. La situation du pays est insupportable. Que la formation ait lieu le plus tôt possible», a dit Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah.
Le Hezbollah a été accusé de ne pas avoir suffisamment poussé Aoun, son allié, à former un gouvernement; mais Nasrallah avait l’air de s’adresser au president dans son discours: «Ça suffit. Renoncez à vos quotas. Formez un gouvernement, coûte que coûte. Tout le monde doit faire des sacrifices.»