RIYAD : Le déclin économique du Liban devrait s'accélérer après que la banque centrale a annoncé cette semaine qu'elle mettrait fin à une subvention sur le carburant car les réserves sont épuisées, une décision qui est susceptible de tout affecter, de l’alimentaire aux vêtements jusqu’aux produits de base.
« Le prix du carburant affecte le prix de toutes les matières premières au Liban », déclare à Arab News l'analyste économique libanais Bassel Al-Khatib. « Les transports et l’alimentaire deviendront nettement plus chers, et les prix de l'essence, du mazout et du gaz de cuisine vont au moins tripler sinon plus, paralysant le pays car tous les secteurs seront touchés. »
La crise économique libanaise figure parmi les trois plus importantes au monde des 150 dernières années, selon le dernier rapport du World Bank Lebanon Economic (LEM) de la Banque mondiale.
Le pays souffre déjà de pénuries alimentaires, de médicaments et d'autres articles de base, ainsi que d'une pénurie d'électricité due au manque d'approvisionnement en fuel. Les stocks de gaz de pétrole liquéfié, généralement vendus dans des bonbonnes et largement utilisés dans les foyers et les entreprises, s'épuisent également.
Les Libanais se sont retrouvés mardi dans de longues files d'attente pour s'approvisionner en gaz de cuisine suite aux avertissements de pénuries imminentes, alors que la crise économique ronge les distributions des importations de base.
« Notre stock actuel durera une semaine, après quoi, si aucune solution n'est trouvée, le gaz utilisé dans les maisons sera vendu au marché noir », déclare à France 24 Farid Zeynoun, le patron d'un syndicat de distributeurs de gaz de pétrole.
Zeynoun impute la crise au retard de la Banque du Liban, la banque centrale du Liban, à ouvrir des lignes de crédit pour financer les importations.
Le gouverneur de la banque centrale Riad Salameh a défendu son action dans une interview diffusée samedi sur Radio Liban Libre, affirmant que le gouvernement pourrait résoudre le problème en adoptant la législation nécessaire.
« Jusqu’à présent, personne ne dirige le pays », dit-il. La livre libanaise est « l'otage de la formation d'un nouveau gouvernement et de réformes », ajoute-t-il.
Les politiciens libanais n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un nouveau gouvernement depuis la démission du Premier ministre Hassane Diab en août dernier après la dramatique explosion qui a détruit une grande partie du port de Beyrouth, faisant 218 morts, 7 500 blessés et 300 000 sans-abris. Il officie depuis en tant qu’intérimaire.
La banque centrale déclare qu'elle ne peut pas utiliser les réserves obligatoires de devises étrangères, actuellement de 14 milliards de dollars (11,6 milliards d’euros), sans législation.
Salameh souligne que les plus de 800 millions de dollars dépensés en importations de carburant au cours du mois dernier auraient dû durer trois mois, accusant les traders et affirmant qu'il est « déraisonnable » que tant d'argent ait été dépensé sans qu’aucun produit ne soit disponible sur le marché.
La livre libanaise ayant perdu 90 % de sa valeur en moins de deux ans, la banque centrale est dans une impasse. Soit elle dépense ses réserves et la monnaie se dépréciera probablement davantage, ce qui va augmenter l'inflation et accabler la population libanaise qui souffre depuis longtemps ; soit elle les conserve et cela entraîne des hausses de prix dues à l’augmentation des prix du carburant.
Les détracteurs du programme de subvention des carburants affirment également qu'il a créé d'énormes incitations à la contrebande et à la thésaurisation en commercialisant des produits pétroliers à une fraction de leur prix réel.
La baisse de la livre a déjà érodé le pouvoir d'achat des Libanais. Le salaire minimum qui était égal à environ 450 $ avant octobre 2019 vaut maintenant 30 $, soit environ deux réservoirs d'essence.
En juin, le parlement libanais a approuvé une distribution de 556 millions de dollars sous forme de cartes de rationnement qui soutiendra 500 000 des familles les plus pauvres du pays avec une moyenne de 93 dollars par mois pendant un an. Certains demandent une augmentation de ces sommes pour contrer l'augmentation des coûts du carburant.
« Il aurait été préférable d’appuyer les citoyens via la carte de paiement, en y ajoutant deux réservoirs d'essence par exemple, pour leur permettre de se déplacer, au lieu de subventionner », élabore Al-Khatib.
De telles mesures sont un pansement pour l'économie libanaise qui ne commencera à se redresser que si un gouvernement est formé et que l'aide du Fonds monétaire international se concrétise.
Plus de la moitié des Libanais vivent aujourd'hui dans la pauvreté, un Libanais sur trois souffre d'insécurité alimentaire et près de 4 millions de personnes risquent de ne pas avoir accès à l'eau potable, selon l'ONU.
« Nous devons choisir entre approuver la carte de financement ou accélérer la formation du gouvernement qui limitera l'effondrement grâce à un plan de sauvetage, en relançant les négociations avec le (FMI) », conclut Al-Khatib.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com