«Le chaos généralisé au Liban n’est pas surprenant», selon un ancien ministre de l’intérieur

Une victime de l'explosion d'un camion-citerne à Tleil dans le Akkar, le 15 août 2021. On voit son corps complètement recouvert de gaze stérile pour traiter les brulures  graves liées à l'explosion. AFP/Photo
Une victime de l'explosion d'un camion-citerne à Tleil dans le Akkar, le 15 août 2021. On voit son corps complètement recouvert de gaze stérile pour traiter les brulures graves liées à l'explosion. AFP/Photo
Incendie et fumée noire émanant de l'explosion d'un camion-citerne à Tleil dans le Akkar, le 15 août 2021. AFP/Photo
Incendie et fumée noire émanant de l'explosion d'un camion-citerne à Tleil dans le Akkar, le 15 août 2021. AFP/Photo
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Publié le Lundi 16 août 2021

«Le chaos généralisé au Liban n’est pas surprenant», selon un ancien ministre de l’intérieur

  • Une explosion s’est produite dans un dépôt d’essence destiné à la contrebande vers la Syrie : bilan près de trente morts à Tleil
  • « Nous vivons désormais d’autres ‘explosions de ports’ même si c’est à un niveau moindre », affirme l’ancien ministre Ahmad Fatfat.

BEYROUTH : Les Libanais se sont réveillés dimanche matin avec un nouveau drame qui a secoué la région du Akkar au Liban-Nord. En effet, au moins 28 personnes ont été tuées et près de 80 ont été blessées dans la nuit de samedi à dimanche par l'explosion d'un camion-citerne dans le village de Tleil, une localité située sur la route reliant Halba à Kobeyate, non loin de la frontière syrienne. Six personnes sont toujours portées disparues. Selon l’agence nationale d’information (ANI), la citerne avait été confisquée par l'armée samedi. Des dizaines de milliers de litres de mazout de contrebande, apparemment vers la Syrie, avaient été découverts dans la journée dans une usine de béton du village, loin des regards. La citerne a explosé après des échauffourées entre des habitants qui s'étaient attroupés autour pour se procurer de l'essence.

Des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux montrent l’immense explosion et l’incendie qui s’en est suivi, ainsi que les dégâts qui ont eu lieu. Des images horribles de corps calcinés et brûlés, sur les lieux de l’explosion ou dans les hôpitaux, montraient aussi cette épouvantable tragédie.

Un blessé au visage brûlé par l'explosion. AFP

Durant la journée, le domicile du propriétaire du terrain a été pris d’assaut par des habitants en colère qui ont incendié le bâtiment et plusieurs voitures. De son côté, l’armée libanaise a annoncé avoir arrêté le propriétaire du terrain en question et un des fils du propriétaire du dépôt. Plusieurs medias libanais ont publié des informations accusant les propriétaires du terrain et du dépôt d’être proches de certains politiciens qui les soutiennent.

« Il est certain que certaines personnes ont agi d’une manière inconsciente en investissant cet endroit. Mais le contexte de chaos généralisé dans le pays, et la pression que subissent les gens sur le plan économique et financier conduisent à de telles situations, ce qui n’est pas si surprenant en fin de compte », déclare à Arabsnews en français, Dr. Ahmad Fatfat, ancien ministre de l’Intérieur et ancien député. « Mais la responsabilité primordiale revient à l’État. Pratiquement à l’absence d’État. Nous sommes sans gouvernement depuis un an, et ce cabinet démissionnaire précisément n’a rien fait pour affirmer le rôle de l’État, ni en politique, ni en économie, ni en matière de sécurité », ajoute-t-il.

Crise sanitaire

Le Liban qui traverse depuis fin 2019 une grave crise économique et financière connaît d'importantes pénuries de carburants et de matières essentielles comme le pain et les médicaments, une situation qui affecte dangereusement l’efficacité des hôpitaux. L'hôpital de l'Université américaine de Beyrouth (AUBMC), a lancé un cri d’alarme samedi, se disant contraint de cesser ses activités lundi s'il n'obtient pas de carburant.

Dans ce contexte, un hôpital du Akkar a refusé hier la plupart des brûlés car il n'est pas équipé pour les soigner. Certains ont été emmenés à l'hôpital al-Salam à Tripoli, le seul équipé dans la région pour prendre en charge les brûlés. Alors que d’autres ont pu être déplacés jusqu’à Beyrouth. Le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, a demandé, dans un tweet, aux hôpitaux d’accepter les blessés « aux frais du ministère ».

« C’est d’abord et avant tout un drame humain très important. Mais c’est également et surtout la conséquence du délitement de l’État d’une part, et de l’absence de la notion de l’État chez le peuple », précise Ahmad Fatfat.

Crise socio-économique

L’explosion a eu lieu dans un contexte de forte tension liée à une récente décision du gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé de lever les subventions sur les carburants, qui fait craindre une flambée des prix. Des longues files de voitures se sont formées durant le week-end devant des stations d'essence alors que d’autres ont décidé de fermer pour conserver leurs réserves. Des citernes transportant du carburant ont été prises d’assaut par des badauds en colère, dans plusieurs régions du pays.

Des proches de l'un des blessés dans l'explosion à Tleil. AFP

Pour le Dr. Fatfat, « le gouverneur de la Banque centrale a expliqué que des sommes énormes ont été dépensées sur les carburants, dont une bonne partie est allée en contrebande vers la Syrie pour soutenir le régime de Damas ».  Selon lui, « nous sommes en présence de deux problèmes graves qui sont pointés du doigt depuis un certain temps déjà : c’est la contrebande et le stockage non sécurisé de produit dangereux. Ajoutons un contexte socio-économique explosif, les gens étant sous pression à cause de la hausse des prix du carburant qui devient de plus en plus rare ».

Des échauffourées ont également eu lieu durant la journée entre des villageois en colère et l’armée libanaise. Des appels à manifester et à chercher justice ont résonné à travers les réseaux sociaux, alors que l’opposition a exhorté le chef de l’État à démissionner. « Devant l’importance de cette catastrophe, je comprends les appels à la démission du président de la République, parce qu’il représente la politique générale de l’État. Il en va de même face à un drame de cette ampleur », déplore l’ancien ministre, ajoutant : « Le drame qui a eu lieu dimanche au Akkar peut avoir lieu dans n’importe quelle région du Liban ». Rappelons qu’en octobre 2020, quatre personnes ont péri dans la capitale dans un incendie et une explosion qui ont touché un entrepôt de carburant dans un quartier densément peuplé.

Répétition de l’explosion du port

Sans oublier la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, qui a fait plus de 200 morts, plus de 6000 blessés et détruit des quartiers entiers de la capitale. Un an plus tard, les victimes et leurs parents attendent toujours les résultats de l’enquête, alors qu’aucun responsable n’a été inquiété jusqu’à présent.

« L’explosion du port le 4 août a été un message clair pointant du doigt l’incurie de l’État ainsi que l’irresponsabilité et l’impunité des dirigeants du pays. Mais il apparaît que les politiciens libanais n’ont pas capté l’avertissement. Nous vivons désormais d’autres ‘explosions de ports’ même si c’est à un niveau moindre. Ça peut se reproduire dans n’importe quelle région du pays », avertit ainsi Ahmad Fatfat.

« Il faut rebâtir tout le concept de l’État au Liban pour redonner confiance aux Libanais, notamment concernant la présence d’une milice armée qui confisque la volonté nationale », conclut-il.  


Offensive à Gaza, la CIJ ordonne à Israël d'assurer une aide «  d'urgence »

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
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  • Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah
  • "Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies

TERRITOIRES PALESTINIENS: L'offensive militaire israélienne contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuit vendredi dans la bande de Gaza alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël d'assurer "une aide humanitaire de toute urgence" à la population civile sur place, menacée de famine.

Les affrontements des derniers mois ont aussi exacerbé les tensions régionales entre Israël et "l'axe de la résistance", rassemblement de mouvements armés soutenus par son ennemi iranien et comprenant notamment le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les Houthis yéménites.

Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

D'après cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien. Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations.

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés par les hostilités.

« Famine imminente »

Outre le bilan humain et ces destructions, la guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien assiégé, où la majorité des 2,4 millions d'habitants sont désormais menacés de famine selon l'ONU qui déplore une aide insuffisante pour répondre aux besoins de la population.

"Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

Israël doit "veiller sans délai" à ce que soit assurée "sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence", a déclaré jeudi la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye.

Saisie par l'Afrique du Sud, la juridiction avait ordonné en janvier à Israël de faire tout son possible pour empêcher un "génocide" dans le territoire palestinien, Israël jugeant "scandaleuses" de telles accusations.

Dans la nuit, le Hamas s'est félicité de la décision de la CIJ et a demandé sa "mise en œuvre immédiate" afin qu'elle ne devienne pas "lettre morte".

« Entrer à Rafah »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyhau avait plus tôt réaffirmé jeudi sa détermination à lancer une offensive terrestre à Rafah en dépit des pressions internationales, y compris des Etats-Unis, contre une opération d'envergure sur place.

"Nous tenons le nord de la bande de Gaza ainsi que Khan Younès (sud). Nous avons coupé en deux la bande de Gaza et on se prépare à entrer à Rafah", a-t-il dit à des familles de soldats otages dans le territoire palestinien.

Les Etats-Unis, principal allié d'Israël qui redoute le bilan humain d'une telle opération, avaient demandé récemment l'envoi d'une délégation israélienne à Washington pour discuter de ce projet.

Mais Israël, furieux de l'abstention des Etats-Unis qui a permis l'adoption récente d'une résolution à l'ONU réclamant un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza, a annulé la visite. Israël a finalement fait savoir à Washington qu'il aimerait trouver "une nouvelle date pour organiser la réunion" sur Rafah, a indiqué la Maison Blanche.

En parallèle de ces éventuelles discussions à Washington, le Qatar - un médiateur avec l'Egypte et les Etats-Unis - accueille cette semaine des négociations indirectes entre Israël et le Hamas sur un projet de trêve de plusieurs semaines doublée d'un échange d'otages israéliens et de prisonniers palestiniens.

« Yeux bandés »

L'attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. D'après Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d'entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes.

En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas -- qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne -- et lancé une offensive qui a fait à 32.552 morts, majoritairement des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

L'armée israélienne, qui accuse les combattants du Hamas de se cacher dans les hôpitaux, poursuit ses opérations dans le complexe hospitalier al-Chifa, dans la ville de Gaza (nord), disant avoir "éliminé environ 200 terroristes" dans le secteur depuis le 18 mars.

Les troupes israéliennes "ont évacué les civils, les patients et les équipes médicales vers des installations médicales alternatives", assure l'armée.

"Les forces israéliennes ont obligé des hommes à se déshabiller et ne garder que leurs sous-vêtements (...) J'en ai vu d'autres les yeux bandés qui devaient suivre un char au milieu d'explosions", a indiqué à l'AFP Karam Ayman Hathat, un Palestinien de 57 ans qui habite dans un immeuble près de l'hôpital.


Syrie: au moins 36 soldats syriens tués dans une frappe israélienne près d'Alep

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  • La frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais"
  • Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois

BEYROUTH: Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Selon cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien.

"Au moins 36 militaires ont été tués et des dizaines de blessés dans les raids israéliens" qui ont visé une zone proche de l'aéroport d'Alep, a précisé l'ONG.

Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois, selon l'OSDH.

De son côté, une source militaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état de "plusieurs tués et blessés parmi des civils et des soldats" dans les frappes.

"L'ennemi israélien a lancé une attaque aérienne contre différents sites à Athriya, au sud-est d'Alep", a affirmé cette source.

Les frappes ont également visé des usines qui relèvent du ministère syrien de la Défense à Safira près d'Alep mais sont actuellement sous le contrôle de groupes pro-iraniens, selon l'OSDH.

Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations de presse.

L'armée israélienne a mené des centaines de frappes aériennes en Syrie depuis le début de la guerre dans ce pays voisin, ciblant en particulier les groupes pro-iraniens.

Elle a intensifié ses frappes depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 entre Israël et le Hamas palestinien.

Parallèlement, Israël et le Hezbollah se livrent à des échanges de tirs quotidiens le long de la frontière israélo-libanaise depuis le début de la guerre à Gaza.

Deux morts près de Damas 

La guerre en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et morcelé le pays.

Le conflit a débuté en 2011 par un soulèvement contre le président Bachar el-Assad. Il s'est rapidement transformé en guerre civile après que le régime, soutenu par l'Iran, a lancé une répression féroce contre les dissidents.

Le Hezbollah libanais a envoyé des combattants en Syrie pour soutenir son allié et protéger ses lignes d’approvisionnement avec l'Iran, et a continué à opérer dans le pays depuis lors.

L'Iran nie avoir envoyé des troupes combattre aux côtés du régime de Bachar al-Assad, affirmant que sa présence s'y limite à celle de conseillers militaires.

Une frappe aérienne avait déjà visé jeudi un immeuble résidentiel dans la banlieue de Damas, faisant deux tués civils, selon l'agence de presse officielle syrienne Sana, qui a imputé l'attaque à Israël.

La zone ciblée, Sayyida Zeinab, est considérée comme un bastion des groupes pro-iraniens en Syrie.

Le 19 mars, des raids israéliens avaient déjà visé des dépôts d'armes du Hezbollah dans les environs de Damas.

L'armée israélienne avait annoncé en mars avoir atteint "environ 4.500 cibles du Hezbollah" au Liban et en Syrie, dont "plus de 1.200" par des frappes aériennes, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com