Les talibans gagnent encore du terrain, Washington évacue son personnel diplomatique

Des combattants talibans montent la garde le long de la route à Herat, la troisième plus grande ville d'Afghanistan, après le retrait des forces gouvernementales (Photo, AFP).
Des combattants talibans montent la garde le long de la route à Herat, la troisième plus grande ville d'Afghanistan, après le retrait des forces gouvernementales (Photo, AFP).
La ville de Kandahar, dont le nom proviendrait de celui d'Alexandre le Grand qui a parsemé ses régions conquises en villes portant son nom, a été la première grande ville prise par les Talibans en 1994, lors de leur conquête du territoire afghan. (Photo, AFP)
La ville de Kandahar, dont le nom proviendrait de celui d'Alexandre le Grand qui a parsemé ses régions conquises en villes portant son nom, a été la première grande ville prise par les Talibans en 1994, lors de leur conquête du territoire afghan. (Photo, AFP)
"L’Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité", a fustigé jeudi le chef des républicains au Sénat américain, Mitch McConnell, fustigeant "la politique dangereuse" du président Joe Biden. (Photo, AFP)
"L’Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité", a fustigé jeudi le chef des républicains au Sénat américain, Mitch McConnell, fustigeant "la politique dangereuse" du président Joe Biden. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 13 août 2021

Les talibans gagnent encore du terrain, Washington évacue son personnel diplomatique

  • Réunion d’urgence à l’Otan pour discuter surtout de "l'évacuation", a précisé un responsable de l'Alliance
  • Les talibans revendiquent la prise des villes de Kandahar, leur « capitale historique », et de Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand

KABOUL: Les talibans continuaient vendredi leur implacable progression en Afghanistan, d'où les États-Unis et le Royaume-Uni vont évacuer en catastrophe leurs ressortissants et diplomates, face à la menace pesant désormais sur la capitale Kaboul.

Les insurgés se sont emparés vendredi de la ville de Pul-e-Alam, capitale de la province du Logar, à 50 km au sud de Kaboul. Ils avaient pris auparavant Lashkar Gah, capitale de la province du Helmand, dans le sud du pays, quelques heures après avoir fait tomber Kandahar, la deuxième ville d'Afghanistan, située 150 km à l'est et considérée comme la "capitale historique" des talibans.

"Lashkar Gah a été évacuée. Ils ont décidé d'un cessez-le-feu de 48 heures pour évacuer" l'armée et les responsables civils, a déclaré un haut responsable sécuritaire.

Les talibans ont aussi pris sans résistance vendredi Chaghcharan, au centre du pays, et capitale de la province de Ghor. Ils contrôlent désormais près de la moitié des capitales provinciales afghanes, toutes tombées en seulement huit jours.

L'essentiel du nord, de l'ouest et du sud du pays est maintenant sous leur coupe. Kaboul, Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord, et Jalalabad (est) sont les trois seules grandes villes encore sous le contrôle du gouvernement.

Ismail Khan, 75 ans, un des seigneurs de guerre les plus connus d'Afghanistan, s'est rendu aux talibans, après la chute jeudi d'Hérat, la troisième ville du pays, dont il était le maître incontesté depuis des décennies. Les insurgés ont promis d'assurer sa sécurité.

A Lashkar Gah, dans une province traditionnellement acquise aux talibans, ceux-ci ont été bien accueillis et le calme est rapidement revenu, après plusieurs jours de violents affrontements, selon un habitant, Abdul Halim.

Pas de réengagement militaire

"La majeure partie de la ville est en ruines à cause des combats et il n'y a pas assez de nourriture sur le marché. Ça a encore l'air d'une ville occupée, a-t-il cependant indiqué.

Les talibans ont lancé leur offensive en mai, quand le président américain, Joe Biden, a confirmé le départ des dernières troupes étrangères du pays, 20 ans après leur intervention pour en chasser les talibans du pouvoir en raison de leur refus de livrer Oussama ben Laden, le chef d'Al-Qaïda, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.

Ce retrait doit être achevé d'ici le 31 août. Joe Biden a depuis affirmé ne pas regretter sa décision, même si la rapidité avec laquelle l'armée afghane s'est désintégrée devant l'avancée des talibans a surpris et déçu les Américains, qui ont dépensé plus de 1.000 milliards de dollars en 20 ans pour la former et l'équiper.

En raison de l'accélération des événements, Washington a annoncé dans la nuit avoir décidé de "réduire encore davantage" sa "présence diplomatique" à Kaboul.

3000 soldats US

Pour mener à bien cette évacuation de diplomates américains, le Pentagone va déployer 3.000 soldats à l'aéroport international de la capitale, qui rejoindront les 650 militaires américains encore présents en Afghanistan, a précisé son porte-parole, John Kirby. Quelque 3.500 autres militaires seront positionnées au Koweït pour pouvoir être envoyés en renfort en cas de détérioration de la situation à Kaboul.

Washington a bien précisé qu'il ne s'agissait "pas d'un réengagement militaire dans le conflit". Londres a parallèlement annoncé le redéploiement de 600 militaires pour aider les ressortissants britanniques à partir.

A l’Otan, une réunion d’urgence

Dans la foulée de l'annonce américaine, les pays de l'Otan se réunissent en urgence vendredi. "L'évacuation" du pays sera au coeur des discussions, a précisé un responsable de l'Alliance à Bruxelles.

Ces évacuations interviennent alors que les rebelles restent sourds aux efforts diplomatiques des États-Unis et de la communauté internationale.

Trois jours de réunions internationales à Doha, au Qatar, se sont achevés jeudi sans avancée significative. Dans une déclaration commune, les États-Unis, le Pakistan, l'Union européenne et la Chine ont affirmé qu'ils ne reconnaîtraient aucun gouvernement en Afghanistan "imposé par la force".

Les talibans risquent de n'être nullement enclins au compromis, alors que les autorités leur ont proposé jeudi en catastrophe "de partager le pouvoir en échange d'un arrêt de la violence", selon un négociateur gouvernemental aux pourparlers de Doha, qui a requis l'anonymat.

Le président afghan, Ashraf Ghani, avait toujours rejeté jusqu'ici les appels à la formation d'un gouvernement provisoire non élu comprenant les talibans. Mais son revirement risque d'être bien tardif.

A Washington, le président Biden se retrouve sous la pression de l'opposition, alors que l'évacuation programmée du personnel diplomatique ravive le douloureux souvenir de la chute de Saigon, au Vietnam, en 1975.

"L'Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité", a fustigé jeudi le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell.

Au moins 180 tués et plus de 1100 blessés

La progression des talibans a un coût humain élevé. Au moins 183 civils ont été tués et 1.181 blessés, dont des enfants, en un mois à Lashkar Gah, Kandahar, Hérat et Kunduz, selon l'ONU.

Quelque 250.000 personnes ont été déplacées par le conflit depuis la fin mai - 400.000 cette année -, dont 80% sont des femmes et des enfants, toujours selon l'ONU.

Nombre de civils ont ainsi afflué ces dernières semaines à Kaboul, où une grave crise humanitaire menace. Ils tentent désormais de survivre dans des parcs ou sur des terrains vagues, dans le dénuement le plus complet.


L'Otan en plein doute sur son avenir face à la tempête Trump

Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
Le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, s'exprime lors d'une conférence et d'une réunion avec des étudiants de l'École d'économie de Varsovie (SGH), à Varsovie (Pologne), le 26 mars 2025. (Photo Wojtek RADWANSKI / AFP)
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  • Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer.
  • les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

BRUXELLES : Les tirs de barrage américains contre les pays européens de l'Otan ébranlent jusqu'aux fondements de l'Alliance atlantique, qui a cependant toutes les peines du monde à imaginer un avenir sans les États-Unis.

Sous les coups de butoir de Donald Trump et de son équipe, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, vieille dame de plus de 75 ans, doit rapidement changer. Un diplomate interrogé sous couvert d'anonymat décrit l'agressivité de la nouvelle administration américaine comme un « traumatisme ».

Ce changement se fera-t-il avec ou sans les États-Unis ? La question agite les couloirs du siège de l'Alliance à Bruxelles.

« On connaît la direction : moins d'États-Unis et plus d'Europe », résume un diplomate sous couvert d'anonymat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens.

En deux mois, Donald Trump s'en est pris au Canada qu'il entend voir devenir le 51ᵉ État américain, et au Danemark, dont il revendique l'un des territoires, le Groenland. 

Plusieurs responsables américains, dont le vice-président J. D. Vance, n'ont pas caché leur mépris à l'égard des Européens, considérés comme des « profiteurs » et des passagers clandestins d'une alliance où, dénoncent-ils, ils ne paient pas leur dû.

Depuis le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, « l'optimisme est de moins en moins de mise », confie un diplomate. « Les États-Unis n'ont pas encore pris de décisions concrètes, mais on dirait que chaque jour est porteur d'un nouveau coup contre les fondations de l'Alliance. »

- Transition « désordonnée » -

Pour Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan et chercheur auprès de l'ECFR, trois scénarios sont possibles.

Celui de la transition ordonnée : les Américains se désengagent, mais en bon ordre, à la suite d'une négociation qui donne aux Européens le temps de se préparer. « Cela permet d'éviter les incertitudes », assure-t-il dans un entretien avec l'AFP.

Celui de la transition « désordonnée » : les États-Unis restent membres de l'OTAN, y compris pour la dissuasion nucléaire, mais se désengagent des forces conventionnelles, comme l'a évoqué le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth. 

Le retrait se fait « en mode crise », avec des « menaces et des annonces désordonnées ». C'est « le scénario dominant » aujourd'hui, estime l'analyste.

Il y a aussi le scénario cauchemar pour nombre d'Alliés : le retrait « de facto ou de jure ». Les États-Unis se désintéresseront de la défense du continent européen.

Donald Trump exige que les Européens et les Canadiens consacrent au moins 5 % de leur PIB à cette défense, alors qu'ils sont à moins de 2 % pour l'Italie ou l'Espagne. La marche est très haute. Mais tous savent qu'il faudra « annoncer » quelque chose au sommet de l'OTAN en juin, selon un diplomate.

Le Secrétaire général de l'Alliance Mark Rutte a évoqué un chiffre entre 3,5 et 3,7 %. Ce sera difficile, mais c'est une question de priorités dans les dépenses nationales, ajoute-t-il. 

Personne ne sait si ce chiffre sera suffisant pour Donald Trump.

- "Cinq ans" -

En attendant, beaucoup à Bruxelles et dans les autres capitales européennes s'interrogent sur un "après" Etats-Unis.

"Nous avons toujours su que le moment viendrait où l'Amérique se retirerait en quelque sorte et où l'Europe devrait faire davantage", rappelle ainsi Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan et expert auprès du think tank londonien Chatam House.

Et le calendrier est très serré. Les Européens ont "cinq ans" pour recréer une dissuasion face à la menace russe, juge ainsi Camille Grand. Un calcul basé sur le temps jugé nécessaire, selon plusieurs services de renseignement, pour que la Russie reconstitue son armée et soit en mesure de menacer un pays de l'Otan, explique-t-il. 

Selon cet expert français, les Européens en sont capables, même si un investissement substantiel sera nécessaire pour combler l'apport américain en termes de renseignement, de satellites ou de logistique. « Il n'y a pas de raison que 500 millions d'Européens ne puissent pas dissuader 140 millions de Russes », assure-t-il.

Plusieurs pays en doutent. « Les États-Unis restent indispensables pour une dissuasion crédible », estime ainsi un diplomate européen auprès de l'Otan.


Le Wisconsin, théâtre d'une première défaite électorale pour Trump et Musk

 Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
Donald Trump et Elon Musk. (Photo AFP)
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  • Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin,
  • En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias

WASHINGTON : Le président américain Donald Trump a essuyé mardi son premier revers électoral avec l'élection d'une juge démocrate dans le Wisconsin, un scrutin habituellement d'ampleur locale, marqué cette fois-ci par la forte implication d'Elon Musk.

Selon les projections de plusieurs médias américains, Susan Crawford, soutenue par les démocrates, a remporté un siège pour dix ans à la Cour suprême de cet État de la région des Grands Lacs.

Elle faisait face à Brad Schimel, soutenu par Donald Trump et par le multimilliardaire Elon Musk, et dont la victoire aurait fait basculer la haute instance du Wisconsin du côté conservateur.

En Floride, deux législatives partielles ont également eu lieu mardi dans des circonscriptions solidement ancrées à droite et qui resteront dans l'escarcelle des républicains, selon les projections de plusieurs médias.

Mardi soir, le président a mis à profit sa plateforme Truth Social pour se féliciter des deux « larges » victoires de son camp en Floride, mettant en avant son « soutien » aux candidats.

Il n'a en revanche pas commenté le résultat pour la Cour suprême du Wisconsin, préférant y retenir l'adoption, par un référendum organisé le même jour, d'une mesure obligeant les électeurs à présenter une pièce d'identité avec photo afin de pouvoir voter.

« C'est une grande victoire pour les républicains, peut-être la plus grande de la soirée », a-t-il écrit.

« Le plus important » 

Elon Musk n'a pas non plus réagi à la défaite de Brad Schimel, et a plutôt salué l'issue du référendum local. « C'était le plus important », a-t-il affirmé sur son réseau social X.

Le patron de Tesla et Space X s'inquiétait d'un potentiel rééquilibrage par la Cour suprême locale dans le découpage des circonscriptions électorales, en faveur des démocrates. État pivot, le Wisconsin avait été remporté par Donald Trump à la présidentielle de novembre.

« C'est l'une de ces situations étranges où une petite élection en apparence pourrait déterminer le destin de la civilisation occidentale », avait lancé Elon Musk mardi.

Le président républicain avait, lui, publié lundi sur Truth Social un message de soutien à Brad Schimel. Il s'en était surtout pris à Susan Crawford, qui serait, selon lui, « un désastre pour le Wisconsin et pour les États-Unis d'Amérique ».

Un peu plus de deux mois après le début de son mandat, les enquêtes d'opinion indiquent une baisse relative de la popularité de Donald Trump. Ces élections dans le Wisconsin et en Floride étaient les premières véritables épreuves auxquelles il faisait face dans les urnes depuis novembre.

Campagne onéreuse 

Mardi, le trumpiste Randy Fine a bien remporté le siège en jeu à la Chambre des représentants face au démocrate Josh Weil, mais avec une avance bien plus mince qu'il y a quelques mois.

Ces résultats ont « de quoi donner des sueurs froides à mes collègues républicains », a déclaré sur la chaîne MSNBC Hakeem Jeffries, responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants. Cela fait écho à la difficulté de l'opposition à se faire entendre depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

Dans le Wisconsin, les deux camps avaient sorti l'artillerie lourde pour une élection qui, d'ordinaire, passe inaperçue dans le reste du pays.

Selon le Centre Brennan de l'université de New York, c'est « le scrutin judiciaire le plus coûteux de l'histoire américaine », avec plus de 98 millions de dollars déversés dans la campagne, dont 53 millions en faveur du candidat conservateur.

Elon Musk n'est pas étranger à cela.

« Il a dépensé plus de 25 millions de dollars pour essayer de m'empêcher de siéger à la Cour suprême du Wisconsin », a lancé dimanche Susan Crawford lors d'un rassemblement.

Son équipe de campagne avait récemment accusé Elon Musk de vouloir « acheter un siège à la Cour suprême du Wisconsin afin d'obtenir une décision favorable » dans des poursuites engagées par Tesla, son entreprise de véhicules électriques, contre les autorités du Wisconsin.


Amnesty International demande à la Hongrie d'arrêter M. Netanyahou

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. (Photo d'archives de l'AFP)
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  • Le Premier ministre israélien doit se rendre cette semaine dans un pays membre de la Cour pénale internationale
  • Cette visite " ne doit pas devenir un indicateur de l'avenir des droits humains en Europe "

LONDRES : Amnesty International a demandé à la Hongrie d'arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, à la suite d'informations selon lesquelles il se rendra dans cet État membre de l'UE mercredi à l'invitation de son homologue hongrois Viktor Orban.

M. Netanyahou fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré en novembre par la Cour pénale internationale en raison de la conduite d'Israël à Gaza.

M. Orban, proche allié de M. Netanyahu, a déclaré qu'il n'exécuterait pas le mandat. En tant qu'État membre, la Hongrie est tenue d'exécuter tout mandat d'arrêt délivré par la CPI.