HERAT: Les talibans se sont emparés mardi d'une nouvelle capitale provinciale, Farah, dans l'ouest de l'Afghanistan, tout en cherchant à renforcer leur emprise sur le nord du pays, région d'où les civils fuyaient en masse devant leur avancée apparemment inéluctable.
"Cet après-midi (mardi), les talibans sont entrés dans la ville de Farah après avoir brièvement combattu les forces de sécurité. Ils ont pris le bureau du gouverneur et le quartier général de la police. Les forces de sécurité se sont retirées vers une base de l'armée", a annoncé à l'AFP Shahla Abubar, une conseillère provinciale.
Les talibans, qui avancent à un rythme effréné, contrôlent désormais sept des 34 capitales provinciales afghanes, dont cinq des neuf du nord du pays, des combats étant en cours dans les quatre autres.
Depuis vendredi, ils ont pris le contrôle de Zaranj (sud-ouest), de Sheberghan (nord), fief du célèbre chef de guerre Abdul Rashid Dostom, de Kunduz, la grande ville du nord-est, ainsi que de trois autres capitales septentrionales, Taloqan, Sar-e-Pul et Aibak.
Ils ont aussi continué à resserrer leur étau autour de Mazar-i-Sharif, la plus grande ville du nord. Si celle-ci venait à tomber à son tour, le gouvernement n'aurait plus aucun contrôle sur l'ensemble de cette région pourtant traditionnellement férocement opposée aux talibans.
C'est là qu'ils avaient rencontré l'opposition la plus acharnée lors de leur accession au pouvoir dans les années 1990. L'Alliance du Nord avait trouvé refuge dans le nord-est pour mener la résistance lorsqu'ils dirigeaient le pays, entre 1996 et 2001.
Mardi, ils ont attaqué des quartiers à la périphérie immédiate de Mazar-i-Sharif, que l'Inde a invité ses ressortissants à quitter, mais ils ont été repoussés, selon un journaliste de l'AFP sur place.
Dans la nuit, ils avaient aussi été refoulés à Pul-e-Khomri et Faizabad, deux autres capitales provinciales du nord, selon le ministère de la Défense.
'C'est leur combat'
Alors que les combats font rage dans le nord, mais aussi dans le sud autour de Kandahar et dans Lashkar Gah, deux fiefs historiques des insurgés, Doha a accueilli mardi une réunion internationale, avec des représentants du Qatar, des États-Unis, de Chine, du Royaume-Uni, de l'Ouzbékistan, du Pakistan, des Nations unies et de l'Union européenne.
Le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans s'est ouvert en septembre dernier au Qatar, dans le cadre de l'accord de paix conclu en février 2020 entre les insurgés et Washington prévoyant le départ total des troupes étrangères d'Afghanistan. Ce retrait doit être achevé d'ici le 31 août.
Mais les discussions sont au point mort et les talibans ont lancé une offensive en mai, quand a débuté ce retrait final. Après s'être emparés de vastes zones rurales sans rencontrer beaucoup de résistance, ils se sont tournés depuis début août vers les centres urbains.
Même si les espoirs sont minces de voir les pourparlers déboucher sur un résultat concret, l'émissaire américain, Zalmay Khalilzad, devait exhorter les talibans "à cesser leur offensive militaire et à négocier un accord politique". Des représentants du gouvernement afghan étaient aussi attendus à Doha, où les échanges devaient se poursuivre mercredi.
Mais l'administration du président Joe Biden n'a aucunement l'intention de changer de ligne. Elle maintiendra son soutien à Kaboul, mais c'est aux Afghans de prendre leur destin en mains. "C'est leur pays qu'il s'agit de défendre. C'est leur combat", a souligné lundi le porte-parole du Pentagone, John Kirby.
Les violences ont poussé des dizaines de milliers de civils à fuir leur foyer dans tout le pays, les talibans étant accusés de nombreuses atrocités dans les endroits tout juste passés sous leur coupe.
"Ils frappent et pillent", a déclaré Rahima, une femme qui campe avec des centaines de personnes dans un parc de Kaboul après avoir fui la province de Sheberghan.
La peur dans les yeux
"S'il y a une jeune fille ou une veuve dans une famille, ils les prennent de force. Nous avons fui pour protéger notre honneur", a-t-elle ajouté.
Farid, qui a dû quitter Kunduz, était tout autant désespéré. "Nous sommes tellement épuisés et nos cœurs sont noircis par la vie".
Quelque 359 000 personnes ont été déplacées en Afghanistan à cause des combats depuis le début de l'année, a indiqué l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Mardi, le calme était revenu dans le centre de Kunduz, selon des habitants interrogés par l'AFP. Les talibans ne patrouillaient plus les rues, où commerces et restaurants avaient rouvert. Les affrontements se poursuivaient toutefois aux abords de l'aéroport resté aux mains des forces gouvernementales.
"Les gens ouvrent leur magasin et leur commerce. Mais vous pouvez encore voir la peur dans leurs yeux. La situation est très incertaine, les combats peuvent reprendre en ville à tout moment", a déclaré Habibullah, un commerçant.
Au moins 183 civils ont été tués et 1 181 blessés, dont des enfants, en un mois dans les villes de Lashkar Gah, Kandahar, Hérat (ouest) et Kunduz, a indiqué mardi l'ONU, en précisant bien qu'il ne s'agissait là que des victimes qui avaient pu être documentées.