SAINT-LAURENT-SUR-SEVRE: "Il va nous manquer d'une façon cruelle": environ 70 paroissiens ont rendu hommage au père Olivier Maire lors d'une messe mardi matin à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), au lendemain de sa mort et des aveux de son meurtrier.
Les fidèles ont pu se recueillir dans la crypte de la basilique Saint Louis-Marie Grignion de Montfort pour une messe consacrée à la victime, morte à 60 ans.
"C'était un moment de recueillement. Il n'y avait pas plus de gens que d'habitude", explique Alice, membre de la paroisse, régulièrement présente aux messes matinales.
"C'était encore plus important de venir ce matin. C'était un choc, c'est une grosse perte. C'était une pointure au niveau de l'église, un puits de science", confie Patricia, présente tous les mardis à l'office.
Sous les voûtes de la crypte, les célébrants, qui n'ont pas souhaité parler aux nombreux journalistes présents, ont loué la personnalité du père Olivier, qui avait accueilli son meurtrier présumé au sein de la congrégation des Montfortains.
"Saint Laurent était martyr, Olivier aussi. (...) Prions pour sa famille, prions pour la congrégation", a simplement dit un prêtre en préambule de la messe.
Sur le parvis de la basilique, les fidèles ont aussi témoigné de leur attachement au père Olivier.
Abayisenga, un homme discret , en proie à une «grande détresse»
Emmanuel Abayisenga, Rwandais de 40 ans qui s'est accusé du meurtre d'un prêtre en France, y vit depuis 2012, sans jamais avoir obtenu l'asile. Issu d'une famille catholique pieuse, il est décrit comme discret et en proie à "une grande détresse psychologique".
Lundi matin, il s'est rendu à la gendarmerie d'une petite ville de l'ouest du pays pour avouer le meurtre du père Olivier Maire, demandant qu'on le "mette en prison", selon le vice-procureur de La-Roche-Sur-Yon, Yannick Le Goater.
Un an plus tôt, il avait déjà avoué l'incendie de la cathédrale de Nantes (ouest) où il était bénévole.
Dans la communauté des Montfortains de Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée, où l'homme était accueilli et où le corps du supérieur provincial a été retrouvé, certains décrivent Emmanuel Abayisenga comme une personne discrète.
"Emmanuel ne faisait rien de particulier. Il mangeait et participait à l'eucharistie. Il entendait mal", en raison de problèmes d'audition, a expliqué le père Jean-Baptiste Dombélé.
"Il n’y avait pas de problème. Il ne parlait pas de la cathédrale. C’est Olivier qui était le plus proche de lui, qui s’occupait de lui pour tout".
De son enfance au Rwanda, la journaliste du quotidien La Croix, Héloïse de Neuville, a livré quelques élements au micro de France Inter mardi, avec un père qui a été exécuté sommairement pour avoir participé au génocide des Tutsis et un oncle purgeant une peine de prison à vie.
Emmanuel Abayisenga, né le 1er janvier 1981, "a grandi dans cette extrême violence-là, lui n'a que 13 ans à ce moment-là mais il évolue dans ce contexte extrêmement dégradé avec une famille impliquée du mauvais côté de l'Histoire génocidaire", explique-t-elle, précisant qu'il était ensuite entré dans la police rwandaise.
Arrivé dans l'ouest de la France en 2012, Emmanuel Abayisenga, qui fait partie d'une fratrie de douze enfants, ne fréquente guère la diaspora rwandaise mais participe à la vie de la communauté catholique nantaise, selon elle.
"C’est difficilement concevable, mais c’était un homme dans une grande détresse psychologique", explique l’évêque de Luçon, Mgr Jacolin. "Nous prions pour tout le monde. Nous prions aussi pour celui qui a fait ce geste".
"C'était un saint prêtre. Il nous faisait des homélies d'une richesse extraordinaire", a ainsi salué Jean.
"On est déchiré, on le voyait tous les matins. On blaguait. Le père Olivier, c'était une canne pour marcher, pour s'appuyer quand on traversait des périodes difficiles. Il écoutait les catholiques des deux extrêmes. Il va nous manquer d'une façon cruelle", regrette Bertrand, qui tient la librairie de cette petite ville de 3 600 âmes.
L'homme d'église a été tué dans la nuit de dimanche à lundi. Emmanuel Abayisenga, 40 ans, de nationalité rwandaise, s'est rendu à la gendarmerie dès lundi matin, s'accusant du meurtre avant d'être hospitalisé en psychiatrie dans la soirée.
Le suspect, qui était aussi le présumé incendiaire de la cathédrale de Nantes en juillet 2020, était hébergé par les pères montfortains, dans le cadre de son contrôle judiciaire, en attente de son procès.
"au bout de l'amour"
Le père Olivier "était dans le pardon de cette personne", explique Anne-Marie au sortir de la messe matinale.
"Il est allé au bout de l'amour qu'il avait. Nous n'étions pas au courant qu'il accueillait cette personne", raconte-t-elle.
"Je pense que l'accueillir, c'est ce qu'il fallait faire", estime Patricia. Pour deux autres paroissiens, viendra ensuite l'heure du pardon du meurtrier.
"Le pardon est dans le cœur de chacun", lance Jean, un livre de prière sous le bras. "Pourquoi la colère? Il y en a suffisamment sur Terre. Il y a de la tristesse car c'est un être qui nous a apporté beaucoup."
"C'est difficile de pardonner, ça viendra plus tard", souffle Alice, visiblement émue.
Une veillée hommage est prévue à partir de mardi soir 20h00, a confirmé la paroisse de Saint-Laurent-sur-Sèvre.
De son côté, le diocèse de Luçon organisera des veillées mercredi soir à la cathédrale et jeudi aux Sables-d'Olonne (Vendée).
Selon une source proche du dossier, une autopsie du corps de la victime était prévue mardi et devrait permettre d'en savoir plus sur les circonstances de sa mort.