BEYROUTH : Le Hezbollah était de nouveau mis sur la sellette lundi, assiégé par les critiques de la rue et de la classe politique au sujet de la crise au Liban.
Une crise qui voit des citoyens en colère bloquer les routes pour protester contre la crise économique. Et à la livre libanaise qui s'effondre, s’ajoute une grave pénurie de médicaments.
Quand au processus de formation d'un gouvernement mené par le Premier ministre désigné Najib Mikati, il semble peu à peu se diriger vers l'impasse.
Au milieu de cette tempête, le Hezbollah a lancé une offensive contre le patriarche maronite Béchara Boutros Raï, et l'a accusé de prendre des positions qui ne sont pas différentes de celles prise par Israël.
Dans son sermon du dimanche, Raï estime que «la décision de guerre ou de paix doit être strictement entre les mains de l'État», et appelle à «un retour aux accords d'armistice de 1949 et à la neutralité du Liban».
La campagne menée par le Hezbollah contre Raï a suscité des réactions de plusieurs personnalités politiques, ainsi que d’un grand nombre d’entités religieuses et politiques chrétiennes.
«De quel crime accuse-t-on Raï quand il mentionne l'accord d'armistice? Il semble qu'il soit interdit de discuter de quoi que soit qui diverge du discours général de l’opposition», twitte le chef druze Walid Joumblatt lundi. «L’atmosphère démocratique par excellence», ironise-t-il.
Le député démissionnaire Marwan Hamadé accuse le Hezbollah d'avoir ravivé les tensions à la frontière sud avec Israël, et dénonce son attaque contre l'enquêteur judiciaire dans l'explosion du port de Beyrouth, le juge Tarek Bitar.
Dans un message adressé au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, Hamadé affirme que «l'équilibre de la dissuasion prôné par le Hezbollah est un prétexte pour contrôler le Liban». «Vous nous avez fait reculer de 50 ans», se désole-t-il.
Le rassemblement de Saydet Al-Jabal prévient pour sa part que «si cette campagne (contre Raï) ne s'arrête pas immédiatement, nous prendrons des mesures dans plusieurs villes».
L'ancien député Ahmed Fatfat affirme Arab News que «l'État libanais s'effondre parce que l'État du Hezbollah existe (en parallèle). Il semble que nous soyons en train de vivre le scénario irakien, et même plus. Le (parti) suggère qu'il a la capacité de remplacer l'État, mais en fait, il ne l'a pas fait jusqu'à présent. Ses partisans souffrent comme tous les Libanais, à cause des pratiques du Hezbollah qui ont détruit l'État».
«L'Iran n'autorisera pas la formation d’un gouvernement au Liban tant que les négociations irano-américaines se poursuivent», ajoute-t-il.
«Nasrallah admet, pour la première fois, qu'il n'y a pas de consensus au sujet de la résistance au Liban. Ceci signifie que le Hezbollah a perdu de sa stature comme de ses partisans, sa politique d'intimidation n’affecte plus les gens. La plus grande preuve, les familles des victimes du port de Beyrouth brandissaient une pancarte «Iran Out le 4 août» . Les gens ont à présent d'autres priorités», déclare Fatfat.
Selon lui, les positions du Hezbollah au sujet des importations de médicaments et de carburant d'Iran ne sont que de la propagande.
«Les Iraniens l'ont fait une fois au Venezuela, mais ils ont pris de l'or en échange. À moins qu’ils ne veuillent mettre la main sur l'or qui se trouve à la Banque centrale libanaise?», se demande-t-il.
Le ministre intérimaire de la Santé Hamad Hassan, proche du Hezbollah, a tenu à critiquer «les décideurs financiers et politiques».
Hassan a déclaré dimanche dans une interview que la «Banque centrale et les sociétés d'importation de médicaments doivent rendre des comptes car ils exposent le système de santé au Liban à un danger grave».
Le ministre a défendu les importations de médicaments d'Iran.
«La Banque centrale et les sociétés importatrices sont responsables de chaque médicament qui manque», affirme-t-il. «Une décision est prise», insiste-t-il, d'importer et d'enregistrer ce qui sont affectés par la pénurie, et tout produit qui répond «aux critères et aux normes en vigueur sera importé».
Le député du Hezbollah Hassan Fadlallah a également tenté de faire pression lundi sur la Banque centrale. Cette dernière, selon lui, «insiste pour contrôler la décision de lever les subventions sur les dérivés du pétrole et les médicaments».
Il a déclaré que le Hezbollah «fait des efforts pour accélérer l'importation de carburant en provenance d'Iran».
Saïda, la troisième grande ville côtière libanaise après Beyrouth et Tripoli, a sombré dans l'obscurité totale lundi, entre les voix qui s’élevaient pour obtenir du diesel dès que possible.
Une obscurité qui continue d’engloutir les villes libanaises alors que les propriétaires de générateurs privés se trouvent à court de carburant, en raison du rationnement strict de l'Électricité du Liban.
Les Libanais reçoivent en moyenne une heure par jour de carburant, car la Banque centrale a utilisé la plupart des devises étrangères pour acheter du carburant pour l'électricité de l'État.
Plus de 3 500 générateurs privés desservent la population, et les factures mensuelles des abonnés s’élèvent à plus de 1,5 million de livres libanaises (992 $).
Le député Michel Daher a rapporté lundi qu'il «reçoit quotidiennement des centaines de visites de patients qui ont besoin de médicaments absents. Quand on pose la question aux importateurs, ils disent que le ministère de la Santé fixe le prix des médicaments non subventionnés au taux de 12 000 livres libanaises pour un dollar, soit la moitié de sa valeur réelle du taux du marché noir, ce qui les a incités à cesser d'importer».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com