Mis à part les nombreux mystères inhérents aux nouvelles diffusées 24 heures sur 24, la politique américaine s'avère d'une simplicité déconcertante. En gros, pour prendre le pouls de la Maison Blanche, sous n'importe quel président, il suffit de déterminer trois paramètres : la popularité du président, à quel stade de la présidence se trouve la Maison Blanche et la répartition du Congrès entre les partis.
Nous avons longuement débattu du rôle déterminant que jouent les parties constituantes du Congrès. Il convient à présent de s'attarder sur les deux autres paramètres principaux qui influencent la bonne santé d'une présidence.
Au cours de mes années à Washington, les vétérans des deux partis m'ont confié un secret de polichinelle : la popularité du président est comparable à la température d'un enfant ; qu'elle soit basse ou élevée, elle donne une idée générale de la santé du patient. Le Congrès peut facilement ignorer un président présentant une cote de popularité de moins de 40 %, étant donné que la santé politique du chef du pouvoir exécutif est si précaire qu'elle le rend invisible. En revanche, les présidents dont la cote de popularité est supérieure à 60 % peuvent faire pratiquement ce qu'ils souhaitent, puisqu'ils sont acclamés dans tout le pays. Ainsi, un président dont la cote de popularité est inférieure à 40 % est affaibli ; au-dessus de 60 %, il est omnipotent.
Deuxièmement, l'histoire nous apprend que toutes les actions nationales sont entreprises au cours des deux premières années d'une présidence. Cela a été le cas pour le programme progressiste de Theodore Roosevelt, le New Deal de Franklin Roosevelt et le programme économique radical de Ronald Reagan. La principale explication politique de ce phénomène est la suivante : depuis 1934, année où la Grande Dépression a atteint son paroxysme, la première moitié du mandat d'un président se solde par des gains considérables pour le parti adverse, au détriment de la nouvelle présidence, à mesure que le remords se manifeste chez les électeurs de cette dernière. Par la suite, la Maison Blanche, confrontée à un Congrès qui lui est défavorable, se tourne vers la politique étrangère, un domaine qui, en vertu de la Constitution, confère au président une liberté de manœuvre bien plus ample et moins soumise au contrôle du Congrès.
Voilà donc les règles fondamentales et immuables qui régissent le jeu politique aux États-Unis. C'est en fonction de ce schéma analytique invariable que nous devons étudier le nouveau carnet de notes, qui mesure la performance de la présidence de Joe Biden. Selon le sondage mis au point par l'institut Gallup le 23 juillet, la cote de popularité globale de Joe Biden est tombée de 57 % à son investiture à 50 %, soit le taux le moins favorable de sa présidence.
Une série de petits revers se sont combinés pour donner à la population une perception encore plus négative de la Maison-Blanche.
Dr. John C. Hulsman
Cette baisse relativement importante est certes alarmante pour la Maison-Blanche, d'autant plus que la régression de la popularité du président est alimentée par celle du soutien que lui accordent les électeurs indépendants, qui forment généralement le bloc décisif dans les élections américaines. Selon le sondage de l'institut Gallup, le soutien des indépendants à M. Biden a chuté de manière spectaculaire ; il est passé de 61 % au début de son mandat à 48 % aujourd'hui. Si aucune raison majeure n'explique ce déclin, une série de petits revers se sont combinés pour donner à la population une perception encore plus négative de la Maison-Blanche.
Les craintes d'une inflation systémique (et l'indifférence aveugle de Biden vis-à-vis de cette menace), ses deux projets de loi colossaux sur les dépenses que le Congrès s'apprête à voter (sur fond de querelles ouvertes entre les progressistes et les modérés du parti démocrate), l'introduction du « wokisme » racial (NDRL : sensibilisation au problème du racisme), particulièrement impopulaire, dans l'éducation des enfants (sous l'impulsion des syndicats d'enseignants proches des démocrates), la prestation médiocre de M. Biden lors du débat public diffusé sur CNN (dans lequel le président semblait confus), la montée en flèche du taux des crimes (avec une hausse astronomique de 200 % des crimes à Los Angeles), et les immigrés clandestins qui affluent en plus grand nombres par la frontière avec le Mexique (tandis que la malheureuse vice-présidente Kamala Harris tente de minimiser l'ampleur de ce problème) sont tous à l'origine de cette chute soudaine.
Le portrait que brossent ces mini-crises porte un coup dur à la Maison-Blanche. En effet, Biden est de plus en plus perçu comme une figure de proue aimable et modérée, mais molle, qui représente un programme démocrate de gauche tout à fait déconnecté de ce pays qui continue de soutenir la culture du centre-droit.
En outre, les 100 dernières années prouvent que le temps est un paramètre décisif, et M. Biden doit être conscient que son temps file à toute allure sans qu'il puisse mettre en œuvre son ambitieux programme national. En effet, le scrutin de mi-mandat prévu pour 2022 se profile à l'horizon. Les premières indications révèlent que le contrôle de la Chambre des représentants risque de passer aux mains du GOP (Grand vieux parti ou parti républicain), même si les démocrates sont susceptibles de réaliser un score plus favorable qu'isl ne le font habituellement au Sénat, en raison du redécoupage électoral (favorable aux républicains) et de la lassitude traditionnelle des électeurs à l'égard du parti au pouvoir. Si tel est le cas, les chances de M. Biden de se lancer dans la course aux élections nationales sont réduites à néant.
Tous ces facteurs, qui mesurent avec précision le mode de fonctionnement réel de Washington, aboutissent à la même conclusion. Bien que la présidence de Biden soit encore viable, le temps fait défaut à son programme national expansif en raison de ces facteurs : la baisse de sa cote de popularité, les élections de mi-mandat qui arrivent à grands pas et l'inquiétude de la population qui ne voit en M. Biden que le visage souriant et avenant d'un programme nettement plus orienté à gauche. Ainsi, s’il souhaite faire passer ses deux projets de loi de dépenses faramineux, le président devra s'y atteler sans tarder, avant qu'il ne soit trop tard. Autrement dit, Biden a sans doute déjà dépassé le pic de son mandat. Son ambitieux programme doit être mis en œuvre au plus vite, dans la mesure où il est de plus en plus cerné par les contraintes inhérentes à toute présidence.
Dr. John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via chartwellspeakers.com
NDRL : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com