Le régime iranien est touché par une nouvelle vague de manifestations antigouvernementales. Des dizaines de villes de la province pétrolifère du Khouzistan sont actuellement le théâtre de soulèvements populaires. Si plusieurs jeunes manifestants ont été tués par les forces de sécurité, cela n’empêche pas les mouvements de protestation – qui ont commencé le 16 juillet – de se poursuivre tous les soirs. De plus, les travailleurs temporaires du secteur pétrolier sont en grève dans tout le pays.
Les dirigeants iraniens sont confrontés à une pression importante sur le plan intérieur. Les manifestations montrent que le régime s’affaiblit considérablement, même si la pression extérieure est moindre. Chaque jour, la situation intérieure ressemble à une révolution en cours. La théocratie au pouvoir est de plus en plus isolée alors que les groupes d’opposition démocratiques gagnent du terrain.
Tous les ingrédients sont réunis pour soutenir le changement démocratique en Iran, à commencer par la situation à l’intérieur du pays. À ce jour, la pandémie de Covid-19 a coûté la vie à 300 000 personnes au moins, selon des sources indépendantes. Le régime ne s’est pas contenté d’une très mauvaise gestion de la crise mais a également interdit d’importer des vaccins des pays occidentaux afin d’augmenter les gains des fabricants de médicaments qui ont promis de produire des «vaccins» locaux.
L’économie est en ruine. Le secteur manufacturier est en proie à une stagnation historique. Le chômage bat son plein et l’inflation est incontrôlable. Le pouvoir d’achat de l’Iranien ordinaire a été considérablement réduit en raison de l'énorme corruption et de la désastreuse gestion économique du régime. Selon un fonctionnaire du régime, 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Enfin, l’accès aux produits de première nécessité – eau potable, électricité – ainsi qu’à un air pur devient de plus en plus difficile.
C’est pour cette raison que tous les secteurs de la société manifestent, d’une manière ou d’une autre, contre le régime. Outre les étudiants, les enseignants, les agriculteurs, les investisseurs escroqués, les infirmières et les travailleurs, les personnes de tous bords protestent contre le régime en raison des coupures d’électricité quotidiennes ou du manque d’eau potable. Les infrastructures de base, négligées pendant des décennies par le régime, sont en train de s’effondrer.
«L’accès aux produits de première nécessité – eau potable, électricité – ainsi qu’à un air pur devient de plus en plus difficile.»
Dr Majid Rafizadeh
Le deuxième ingrédient est la situation critique du régime lui-même. Le guide suprême, Ali Khamenei, a fait en sorte qu’un meurtrier de masse remporte l’élection présidentielle avec des conséquences désastreuses. La victoire d’Ebrahim Raïssi est intervenue dans le cadre d’un boycott national sans précédent de ce simulacre d’élection.
Le peuple iranien a ouvertement exprimé son rejet de l’ensemble du régime. M. Raïssi a été internationalement condamné pour son passé odieux. Il a joué un rôle important dans la répression brutale du soulèvement populaire de 2019 qui a entraîné la mort de 1 500 manifestants. En outre, il fut un acteur phare du massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988, dont la plupart étaient des membres du mouvement de l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (Ompi) – le principal mouvement de résistance.
En installant au pouvoir un tel monstre, Ali Khamenei a montré qu’il était obligé d’éliminer tous les rivaux, y compris les prétendus «modérés», et de créer une théocratie unifiée. Ce résultat ne fera cependant qu’attiser la colère du peuple iranien et aggraver les luttes internes – déjà ingérables – au sein du régime. Ali Khamenei a choisi de suivre une voie dangereuse mais il l’y a été contraint parce qu’il est faible et qu’il se trouve dans une impasse.
Enfin, les forces iraniennes à l’étranger gagnent en puissance. À titre d’exemple, le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI) – considéré comme le groupe d’opposition le plus organisé – a montré son influence ce mois-ci en organisant le Sommet mondial 2021 pour un Iran libre. Mike Pompeo, l’ex-secrétaire d’État américain, et Janez Jansa, l’actuel Premier ministre de la Slovénie, ont prononcé des discours. L’événement a permis la connexion virtuelle de 50 000 sites différents et rassemblé 1 000 membres d’unités de résistance organisatrices des manifestations contre le régime iranien. Plus de 1 000 dignitaires internationaux, dont des chefs d’États, des dizaines de parlementaires, des membres du Congrès américain et d’anciens fonctionnaires décorés, ont soutenu la vision du CNRI d’une république démocratique, laïque et non nucléaire en Iran.
L’ampleur et la résilience des dernières manifestations au Khouzistan ainsi que dans d’autres provinces sont impressionnantes. Malgré la pandémie, la répression à grande échelle du régime et la nomination de M. Raïssi à la tête du pouvoir par Ali Khamenei pour faire peur aux Iraniens, le peuple se soulève, accompagné du mouvement de résistance organisé. L’Iran est prêt à accueillir le changement démocratique.
Le régime s’affaiblit de jour en jour et devient de plus en plus isolé. La communauté internationale devrait soutenir le peuple en faisant pression sur le régime assassin. Il ne suffit pas de condamner le meurtre des manifestants pacifiques. Le monde, et plus particulièrement les États-Unis et l’Europe, devrait considérer le massacre de 1988 comme un crime contre l’humanité et mener une enquête afin d’inculper Ebrahim Raïssi.
La communauté internationale doit rapidement agir et le dossier des droits de l’homme du régime iranien être présenté au Conseil de sécurité des nations unies. Sans cela, le régime continuera de tirer profit de l’impunité dont il jouit afin de commettre plus d’atrocités à l’encontre d’un peuple en pleine rébellion. Il est temps pour l’administration Biden et l’Union européenne de se mobiliser contre le régime iranien.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter : @Dr_Rafizadeh
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com