BEYROUTH, Liban : L’écrivain libanais Jabbour Douaihy, l’une des plus fines plumes de sa génération, est décédé le 23 juillet des suites d’une longue maladie, à l’âge de 72 ans. Professeur de littérature française à l’Université libanaise de Tripoli, il a été par ailleurs le co-fondateur du mensuel « L’Orient littéraire » dans les colonnes duquel il signait également des critiques.
Venu à l’écriture relativement tard, ce professeur de littérature française, imprégné des contes et des traditions de son village, Zghorta, au nord du Liban, n’a de cesse dès son premier roman, Equinoxe d’automne (Centre d’études du monde arabe et asiatique de l’université de Toulouse-Le Miral, 2000), que d’explorer mythes urbains et récits vernaculaires pour en tirer des chefs d’œuvre empreints d’humour, de sagesse populaire et de pensée magique, irrigués de sa vaste culture. Zghorta, avec sa longue histoire de rivalités claniques, Tripoli et ses rapides mutations, Beyrouth, en prise avec ses démons, chahutée au tournant du siècle, demeurent ses principales sources d’inspiration
Au fil de ses romans, son empreinte particulière s’affirme et se confirme. Rose Fountain Motel (Actes Sud/Mondes arabes, 2008), Pluie de Juin (Actes Sud/Mondes arabes 2010), Saint Georges regardait ailleurs (Actes Sud/ Mondes arabes /L’Orient des Livres, 2013), Le Quartier américain (Actes Sud/ Mondes arabes /L’Orient des Livres,2015), le Manuscrit de Beyrouth (Actes Sud/ Mondes arabes /L’Orient des Livres, 2017), les titres se succèdent à un rythme régulier. Il n’était pas rare de le croiser, panama sur la tête, lunettes rondes à la James Joyce, hantant les cafés de Beyrouth, Tripoli, Zghorta et Ehden où se trouvait son nid d’aigle. Il se plaisait à y tracer ses esquisses dans le brouhaha ambiant. Deux fois finaliste de l’International Prize for Arabic Fiction (pour Pluie de Juin et Saint Georges regardait ailleurs), il écrivait initialement en arabe et ses œuvres étaient traduites notamment en français, mais également en plusieurs langues.
Son dernier ouvrage en arabe, récemment publié aux éditions Saqi (2021), porte un titre prémonitoire : « Du poison dans l’air ».