PARIS : "De la vulgarisation économique si bien faite, je n'en trouve nulle part ailleurs": sur des plateformes vidéo comme Youtube, des vidéastes tentent d'expliquer des concepts économiques au plus grand nombre, avec pour objectif d'aider leur public à mieux comprendre les grands débats actuels.
Depuis plus de trois ans, Maxime, étudiant en première année d'informatique, suit régulièrement les vidéos de la chaîne "Heu?reka", qui est spécialisée dans la finance. "C'est accessible et en même temps, on aborde les sujets en profondeur", apprécie le jeune homme de 19 ans.
Même écho pour Arnaud, 39 ans, chargé de projet en urbanisme: "Je ne suis pas du tout issu du milieu économique, mais j'apprécie cette approche de vulgariser, notamment avec les schémas et son personnage alter ego, qui soulève les questions qu'on aimerait poser", décrit-il.
Derrière la chaîne "Heu?reka", se trouve Gilles Mitteau, un ancien trader qui a quitté la finance pour "faire quelque chose d'utile pour la société". Depuis 2015, il diffuse ses vidéos sur des mécanismes de la finance, comme les dividendes, ou un peu plus largement sur le rôle des banques dans la lutte contre le dérèglement climatique. La plupart sont visionnées environ 100.000 fois, mais certaines dépassent les 400.000 vues.
Faible culture économique
"Il y a un vrai problème de formation" pour comprendre l'économie, juge-t-il. "Et quand on est lié à l'actualité comme les médias, c'est difficile de former. Mon but n'est pas de parler de ce qui se passe en ce moment, mais de fournir des connaissances qui permettent d'interpréter l'information."
Financé par des dons réguliers de son audience (plus de 4.000 euros par mois donnés par plus de 1.000 personnes sur sa page Tipee), il réalise aussi des collaborations avec des institutions, comme l'Autorité des marchés financiers. En revanche, il se tient à l'écart de partenariats avec des applications pour boursicoter, des vendeurs de cryptomonnaies ou autres formations spécialisées. "Je veux vraiment me différencier d'eux."
Gilles Mitteau n'est pas le seul à parler d'économie avec un objectif pédagogique. D'autres chaînes le font aussi, comme Un Créatif, plus centré sur le marketing des marques, ou encore Stupid Economics, plus généraliste.
"On fait un gros travail de contextualisation, car notre audience, qui a à peu près notre âge, n'a pas forcément une culture économique large et peut se sentir rejetée sur les sites économiques traditionnels", explique le trentenaire Arnaud Gantier, le visage de la chaîne.
Ses dernières vidéos, sur les entreprises pyramidales, les placements de produits ou encore l'héritage, font régulièrement plus de 100.000 vues.
Être indépendant ou «passeur»
Avec son réalisateur Valentin Levetti, il défend une "approche journalistique" et va demander à ce que la chaîne soit reconnue comme un site de presse en ligne par la Commission paritaire des publications et agences de presse.
"On refuse les partenariats et on est financé par notre audience et par une subvention, qu'on a eue du Centre national du cinéma", (CNC) explique Arnaud Gantier, ce qui lui permet depuis deux ans de se rémunérer à hauteur d'"un Smic", et autant pour son réalisateur. Pour réduire leurs coûts, tous deux ont quitté la région parisienne et se sont installés à Montpellier.
Pour les institutions, les créateurs de contenus sur Youtube constituent un canal privilégié pour toucher une audience plus jeune. Fin juin, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau s'est ainsi prêté à une interview de 40 minutes avec Cyrus North, un vidéaste plus orienté sur la philosophie, mais qui a fait ses études dans une grande école de commerce.
"Il y a des jeunes qui sont assez rétifs aux médias traditionnels et pas à l'aise avec le sujet, mais qui ont plein d'interrogations sur les crypto-actifs, l'environnement, la dette. On s'est dit qu'on avait besoin d'un passeur pour parler avec eux", explique Fabrice Hermel, le directeur de la communication.