Un gendarme pour la "haine en ligne": une autorité administrative indépendante a appelé jeudi le gouvernement français à réagir face au racisme et à l'antisémitisme qui essaiment sur internet et nourrissent de plus en plus d'affaires.
"Il est important de pouvoir mieux lutter" contre "le racisme et l'antisémitisme", très présents dans les "discours haineux véhiculés sur internet", souligne la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dans son rapport annuel sur l'"état des lieux" du racisme en France, remis jeudi au Premier ministre.
"Cela représente parfois plusieurs centaines de messages par jour" sur les réseaux sociaux, a expliqué à l'AFP le président de la commission, Jean-Marie Burguburu.
La CNCDH appelle pour cela l'Etat à créer une nouvelle instance indépendante de régulation d'internet en France, chargée notamment de prévenir les propos haineux et d'imposer des obligations (modération et contrôle notamment) aux plateformes internet.
La CNCDH réclame également au gouvernement un "plan d'action national pour l'éducation et la citoyenneté numériques".
La haine et le racisme en ligne sont ces jours-ci au coeur de plusieurs scandales : de l'affaire Mila, où onze jeunes ont écopé mercredi de quatre à six mois de prison avec sursis pour cyberharcèlement, aux tweets racistes qui ont visé des joueurs de l'équipe de France après leur élimination à l'Euro de football.
D'une manière générale, "la tolérance envers les minorités continue de progresser" d'année en année en France, souligne toutefois la CNCDH. Mais "certains préjugés" racistes ou xénophobes "restent très présents" en France, même s'ils reculent d'année en année.
Parmi les plus vivaces, 72% des personnes interrogées pensent que "de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale", 59% que "l'islam est une menace contre l'identité de la France" et 58% que "les Roms vivent essentiellement de vols et de trafics". En 2019, selon ce baromètre, les Roms étaient de loin la minorité la moins tolérée (36%), loin derrière les Maghrébins (72%) et les noirs et les juifs (79%).
Les faits racistes, antisémites ou xénophobes restent largement sous-déclarés, note la CNCDH: alors que 1,2 million de personnes disaient en avoir été victimes en 2018, l'année suivante on ne comptait que 7.283 affaires transmises à la justice, pour 843 condamnations.
Ce "chiffre noir" s'explique notamment par la réticence des victimes à porter plainte (seules 2% le font), faute de pouvoir prouver les faits, mais également par leur "peur de l'accueil" réservé au commissariat ou à la gendarmerie, souligne-t-elle.
La CNCDH appelle donc l'Etat à "mieux former" les policiers et gendarmes aux questions liées au racisme pour permettre aux victimes d'"aller au bout" de leurs démarches.